Une longère qui casse les codes

Du côté de Montfort-l’Amaury, l’ancienne ferme d’un château a été ouverte en son cœur et sur l’extérieur. Une métamorphose imaginée par un duo d’architectes hors norme qui joue avec les contrastes.

Texte Bulle Garenne / Crédits photos : © Laurent Brandajs

Atypique, le duo d’architectes Amandine Gommez-Vaëz et Arnaud Lenoir l’est tout autant que cette demeure yvelinoise. Ensemble, ils l’ont intégralement repensée jusqu’à orchestrer la décoration finale dans les moindres détails, pour une livraison clés en main. Elle est architecte d’État dans l’agence qui porte son nom depuis 2012 ; lui a fondé Black Stones un an auparavant. Chacun chez soi ? Certainement pas puisque depuis huit ans, ils collaborent à quatre mains et sur tous les projets qu’on leur confie – c’est dire leur complémentarité. Un bagage précieux que d’anciens clients n’ont pas manqué de recommander aux propriétaires de cette longère de 350 m2. Le projet consistait alors en une refonte totale du bâti et de ses espaces extérieurs : distribution des pièces et circulation revues, aménagement adapté aux nouveaux volumes grâce à du sur-mesure, le tout magnifié par un style contemporain mêlant effets graphiques, accords chromatiques racés, matériaux chics et grands classiques du design.

Too good To go. Certes vaste, le salon n’en est pas moins chaleureux. L’emblématique chauffeuse « Togo » signée Ligne Roset s’amourache d’un poêle à bois Focus pour une invitation à la paresse, bienvenue après une journée passée au jardin.

Il faut dire que les murs de cette bâtisse, ferme du château voisin, racontent une histoire singulière : sa vétusté était telle que l’ancien propriétaire décida de la détruire en 1994 pour la reconstruite à l’identique ; seules les poutres d’époque furent conservées, témoins muets du temps qui passe.

Sous le soleil. Grâce à ses ouvertures donnant sur l’extérieur, le salon est inondé de lumière. La bibliothèque noire se charge de jouer les oppositions, ponctuée d’ouvrages aux couvertures pop. Canapé Living Divani ; table basse Charlotte Perriand pour Cassina ; fauteuils Utrecht.

« Le projet s’est mis en place très rapidement puisque les nouveaux acquéreurs nous ont laissé carte blanche en termes d’esthétisme. Ils avaient une approche très artistique du projet, ne voulant surtout pas interférer dans notre processus de création. Ensemble, nous avons validé le plan et choisi les matériaux avant le démarrage du chantier. Dix mois plus tard, voici le résultat », explique Arnaud. « Ce couple de collectionneurs est féru d’art. Il considérait cette rénovation comme notre œuvre, nous avons donc été très libres jusqu’à sa livraison finale, en juillet dernier. Ce projet a été pour nous un superbe terrain de jeu », ajoute Amandine.

À la croisée des lignes. Un graphisme angulaire savamment orchestré dynamise une salle à manger quasi monochrome. Y prend place une table magistrale réalisée sur mesure. Chaises Pierre Jeanneret pour Cassina ; suspensions Vibia.

Le cahier des charges ne compte alors que très peu de pages, et les attentes du couple sont rares, à un détail près : ils souhaitent qu’y règne cette convivialité typique des propriétés familiales avec un espace de vie totalement décloisonné, une cuisine ouverte fonctionnelle, une grande suite parentale et des chambres pour recevoir leurs proches.

Harmonie visuelle. L’enchaînement des trois espaces distincts se fait en douceur, les teintes et matériaux communs jouant les fils conducteurs.

Par ailleurs, ils ne veulent surtout pas de blanc, bien trop froid et impersonnel. Amandine et Arnaud décident alors d’abattre plusieurs murs porteurs pour obtenir un grand rectangle vide au rez-de-chaussée et à l’étage, comme deux pages vierges qu’ils ne tarderont pas à noircir.

Bains Douches privés. Baignoire et cabine de douche sont séparées par une cloison ajourée permettant de ne pas scinder l’espace. Deux miroirs, presque en lévitation, allègent l’ensemble. Carrelage marbré Florim Ceramiche ; mosaïque noire Mutina ; baignoire Patricia Urquiola pour Agape Design ; appliques DCW Editions.

« L’effet graphique, contrasté et très élégant du marbre et du bois foncé nous plaisait. La maison possédait déjà beaucoup de bois, notamment grâce aux poutres d’origine que nous avons fait sabler pour les conserver. Les marier à d’autres bois clairs aurait été compliqué. Nous avons donc opté pour des essences sombres », confie Arnaud.

Royaume culinaire. Entièrement composée de marbre breccia Verde et de frêne teinté noir, la cuisine séduit par son élégance. À droite, un cube en verre comme un écrin accueille une spectaculaire cave à vin. Piano de cuisson La Cornue.

Le parc de près d’un hectare au cœur duquel se love la demeure a également été remodelé.
L’espace de vie intérieur s’ouvre sur la terrasse et sur l’immensité verte qui accueille les sculptures du couple distillées çà et là.

Sur un air de Vivaldi. Les nombreuses assises revêtent des tonalités version quatre saisons : vert printanier et terracotta automnal s’accordent parfaitement à leur environnement naturel. Terrasse en pierres du Nil. Brasero en acier Corten® ; salon de jardin « Mesh », Patricia Urquiola pour Kettal.

« L’extérieur reflète bien l’esprit de cette réhabilitation, fait d’une multitude de contrastes. Les très chics pierres du Nil qui habillent le sol de la terrasse s’opposent aux bordures en acier Corten, un matériau brut qui se patine et rouille avec le temps », explique Amandine. Accompagné d’Olivia Bochet, paysagiste chevronnée, le duo d’architectes a dessiné un nouveau tableau outdoor où prédominent le minimalisme végétal et les étendues d’herbe fraîchement coupée, dégageant ainsi le champ visuel. Le volume du parc magnifié se contemple paisiblement depuis le salon de jardin principal aménagé autour d’un brasero central.

À l’air libre. Implantée de façon linéaire, la cuisine d’été en inox massif brossé est accolée à la salle à manger extérieure. À quelques mètres, un potager fournit en légumes et herbes aromatiques.

À l’extérieur comme à l’intérieur, l’espace est décloisonné et le regard libre. Le ton est d’ailleurs donné dès l’entrée qui fait face à un escalier magistral, véritable œuvre d’art. Dessiné par Amandine et Arnaud et réalisé par Signature Murale, il s’habille de métal et de poussière de marbre. Une partie du plancher qui le recouvrait a même été supprimée pour atteindre les 6 mètres de hauteur sous plafond.

Sa majesté. En haut de l’escalier, garde-corps et verrière invitent la lumière dans les espaces privés. La suspension aux airs de grappe de raisin arty (Flos) se déploie avec élégance, reliant délicatement les deux niveaux.

Un puits de lumière gigantesque conduit désormais à l’étage composé de trois suites dont la parentale (une quatrième se trouvant au rez-de-chaussée). Passé la verrière, l’espace privé des propriétaires se dévoile : bureau, dressing, salle de bains et chambre. Tout de noir vêtue, la partie nuit joue avec les matériaux : conduits métalliques liés au système de climatisation, tête de lit en bois et niches en marbre…

En clair-obscur. Sous les toits comme dans le reste de l’étage, la chambre des propriétaires est un cube foncé très intime. Il fait bon se réfugier dans cette pièce cocon, au placage en frêne brossé. Appliques en cuivre Tom Dixon.

Un espace de caractère qui fédère, à l’image de cette superbe longère.

Article paru dans le numéro 163 de Résidences Décoration.

Inscription à notre NewsletterInscrivez-vous pour être informé en avant première et recevoir les offres exclusives !