Garçonnière pour esthète nomade dans le Luberon

Helena Monnet-Plat et son mari ont planté en plein champ cette villa dont rêvait leur client, un homme d’affaires toujours entre deux vols. Une escale pour souffler avant chaque départ.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Ludovic Bayan

« Sortir de ma zone de confort, me remettre en question pour répondre à 1 000 % aux désirs de mon client… voilà ce qu’a été mon but en entreprenant le chantier de cette villa avec mon mari Melvin Plat, raconte en souriant Helena Monnet-Plat, sans se départir de son regard malicieux. Moi qui aime les intérieurs joyeux, chaleureux, je suis allée à l’encontre de mes idées et je me suis fait violence. Mais j’éprouve une vraie satisfaction, un réel plaisir, lorsque je vois le résultat final. » À savoir une bâtisse en parfaite adéquation avec le style de vie de son occupant, et davantage encore avec son environnement. Elle ne trouble pas l’harmonie de la campagne alentour, que le soleil inonde presque en permanence. 

Sans frontières. Dans cette demeure posée au cœur du Luberon, rien n’arrête le regard, qui file jusqu’à la montagne de Lure. Canapé Minotti ; tapis MA Salgueiro ; carrelage façon béton ciré Marazzi ; luminaires Tom Dixon Studio ; table basse HKliving ; chaises Richmond Interiors.

Ici, au cœur des Alpes-de-Haute-Provence, sur le plateau dominant le village de Valensole, face à la montagne de Lure soulignant le cours de la Durance, les moutons paissent et déambulent à leur guise, sans berger, sans chien pour les rappeler à l’ordre. Fin juin, la lavande embaume l’air de son parfum solaire, et habille les champs de bleu-violet. Les oliviers jouent alors les discrets, leurs fruits se devinant à peine. Une terre à la Giono pour méditer tout à loisir, écouter le souffle du vent qui gratte les troncs tortueux des arbres centenaires et le bêlement de quelque bête égarée.

Comme un écrin. Entièrement vitrées, les chambres (à gauche et à droite) entourent le living. Les pièces donnent sur la piscine en pierre de Bali. Meubles outdoor recyclés par le propriétaire ; table réalisée sur mesure en bois de suar, arbre de pluie imputrescible d’Amérique du Sud ; chaises Skyline Design.

Une cloche parfois, un aboiement aussi. Une voix… jamais. Et un klaxon ? Vous n’y pensez pas. Une terre de poètes, d’agriculteurs et d’éleveurs. C’est ici qu’un quadragénaire célibataire, ayant repris et remonté une grosse entreprise dont l’activité le contraint à parcourir le globe sans relâche, a décidé d’acheter un terrain de 2 000 m2, sans aucun voisin, pour y bâtir sa résidence principale. Il se repaît inlassablement de la beauté abrupte et champêtre des lieux, cadre idéal pour récupérer des décalages horaires, écouter à plein volume les morceaux de ses artistes préférés et recevoir ses amis sans gêner quiconque.

Rien ne dépasse. Dans la cuisine, dessinée par Helena, le granit brésilien a été privilégié. Avec, en filigrane, l’idée forte du propriétaire : aller à l’essentiel, cacher les ustensiles, oublier les poignées. Robinetterie Gessi ; luminaire Ebb & Flow.

Le terrain négocié, il s’entretient de son projet avec Melvin Plat, constructeur réputé de maisons individuelles qui, pour la décoration intérieure, œuvre souvent avec Helena, son épouse. Inspection des lieux, discussions, plans… le trio s’apprécie. Tope là, le chantier démarre. « Notre client savait exactement ce qu’il voulait et ne voulait pas. Pour illustrer ses envies, il nous montrait des photos de demeures piochées dans les magazines de décoration. »


Sobriété extrême. Jouxtant la chambre d’amis, la salle de bains réalisée par un granitier est à l’image des autres pièces : épurée. Seuls les robinets Gessi se détachent avec élégance.

Toutes évoquaient davantage un loft à Los Angeles qu’un mas provençal. Son fantasme : une villa en U de 200 m2, un toit plat, de larges baies vitrées, des lignes pures, des pièces monochromes et monacales avec une obsession : le gris qu’il adule. Hors de question de le rehausser par quelques touches de couleur.

Du gris, du gris et encore du gris. Helena réussit toutefois à le convaincre d’utiliser du noir pour apporter du peps, de la personnalité, ainsi qu’une pointe de bleu dans la chambre. Pas question non plus, malgré toutes les propositions de la jeune femme, d’accrocher des œuvres d’art ou de choisir des sculptures. Rien. Niet. Le vide ou presque, avec au cœur un living encadré de deux chambres vitrées. 

En légèreté. Dans le centre de la pièce d’eau qui jouxte la master bedroom, une baignoire îlot en acrylique sanitaire « Belaqua » Bernstein semble aussi aérienne qu’une bulle.

Autre souhait non négociable du commanditaire : une immense pièce à vivre de presque 100 m2, regroupant d’un seul tenant salon, salle à manger et cuisine. Et pour toile de fond, un mur en béton banché de 3 mètres de hauteur, de grandes baies vitrées coulissantes de 10 mètres de long dévoilant le paysage et permettant de passer sans réfléchir de l’intérieur à l’extérieur, de jour comme de nuit.

« J’ai négocié de structurer cet espace avec une superbe cloison claustra escamotable en chêne massif exécutée de main de maître par un menuisier de la région. Non seulement elle apporte la chaleur du bois, mais elle dissimule aussi la télévision. Réticent au départ, notre client a accepté ma proposition et ne le regrette pas. »


Sus au superflu. Ici, aucun siège, aucun bibelot, aucun tableau, juste un coffre et un chevet dessinés et réalisés par la décoratrice. Luminaires Studio Dixon ; linge de lit Alexandre Turpault. 

Le propriétaire des lieux, qui réserve fréquemment des chambres dans des hôtels design lors de ses déplacements professionnels, imaginait sa maison comme une très grande suite présidentielle, prolongée par une terrasse et une piscine, avec un système audio performant pour écouter en boucle, qu’il soit dans sa salle de bains ou sur le deck de sa piscine, la musique qu’il aime.

Le couple Plat s’est appuyé sur les compétences d’une équipe d’artisans avec lesquels il œuvre régulièrement pour répondre à toutes les exigences du gentleman nomade. « Peu à peu, en confrontant nos idées dans un climat de confiance réciproque, essentiel à tout projet créatif, nous nous sommes apprivoisés, enrichis mutuellement pour donner corps à ce qui, au départ, n’était qu’un fantasme de résidence. » Dans un décor de rêve.

Helena Monnet-Plat
Après des études de philosophie à Aix-en-Provence et quelques années dans la mode, Helena a créé il y a cinq ans son enseigne de décoration intérieure, Maison Bourgeoise, à Aix-en-Provence. En parallèle, sollicitée d’abord par ses proches, elle accepte, seule ou aux côtés de son mari constructeur, de décorer des résidences particulières et des hôtels, dont un actuellement en cours à Saint-Tropez. maisonbourgeoise-deco.com

Reportage paru dans le numéro 163 de Résidences Décoration

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