L’univers feutré des bulles est en pleine effervescence. La plus ancienne maison de champagne inaugure un parc jalonné d’œuvres d’art et le sublime pavillon Nicolas Ruinart. Une mémorable immersion sensorielle et esthétique.
Texte Jean-Bernard Carillet
Cap sur le 4 rue des Crayères, à Reims, le fief historique (et le site de production) de la Maison Ruinart. Après trois ans de travaux d’envergure, l’adresse emblématique de la célèbre marque dévoile sa métamorphose. On entre dans un univers entièrement repensé, placé sous le signe de la convivialité cultivée et de l’art de vivre ouvert sur le monde, qui révolutionne les codes quelque peu compassés de l’œnotourisme. La coupure avec l’extérieur est totale. Passé la porte, tout commence par le Chemin des Crayères, un sentier creusé comme dans des falaises de craie. Cette allée dérobée débouche sur le jardin paysager, un parc arboré de 7 000 m2, régénéré par une sélection d’essences adaptées au changement climatique. Mis en valeur par l’artiste paysagiste Christophe Gautrand, il accueille des œuvres d’art in situ. Commence alors une déambulation artistique au milieu d’une vingtaine de sculptures spécialement conçues pour le lieu, dont certaines signées Nils Udo, Eva Jospin et Tomas Saraceno, des artistes sélectionnés pour leur engagement en faveur de la durabilité. On se laisse porter dans cet espace intemporel qui fait dialoguer la nature et les œuvres, avant de rejoindre le sublime pavillon Nicolas Ruinart.





Imaginé par l’architecte japonais Sou Fujimoto et aménagé par l’architecte d’intérieur Gwenaël Nicolas, cet édifice contemporain d’une grande pureté de ligne, en pierre de taille et en verre, fait forte impression. L’enveloppe ? Sou Fujimoto s’est inspiré de l’évanescence des bulles de champagne, en jouant sur la transparence et la lumière. Le mur qui ouvre sur la cour centrale est une immense baie vitrée sérigraphiée. La toiture en bois, asymétrique, forme une courbe rappelant la rondeur d’une bulle de champagne. Les matériaux sont naturels et biosourcés, issus de circuits courts. L’intérieur ? Un grand volume décloisonné où cohabitent plusieurs espaces scénographiés par Gwenaël Nicolas, dont le Bar by Ruinart, en pierre beige rosé, surmonté de grandes bulles de verre. Des îlots blancs composés de fibres de lin tissé, qui s’effacent en s’élevant vers le plafond, créent un jeu de perspectives subtil. Au centre étincelle un carrousel de verre, dont les parois abritent des flacons de champagne Ruinart Blanc de Blancs. Féerique !
3 questions à Gwenaël Nicolas, architecte d’intérieur et responsable de l’aménagement du lieu

Quelle a été votre démarche stylistique dans ce projet ?
Cet espace est une ode à la nature. Je l’ai conçu comme un jardin imaginaire, une continuité avec le parc à l’extérieur. Tout est basé sur un jeu de transparences, de découvertes, de surprises, à travers une série d’installations.
Quelles sont les grandes innovations dans ce projet ?
Certaines techniques utilisées n’existaient pas il y a cinq ans, lorsque nous avons imaginé le projet, comme les forêts de tiges créées avec des fibres de lin et des résines organiques.
Quelles sont les matières et les couleurs retenues ?
Le choix des matériaux a été guidé par la recherche d’une atmosphère sereine et douce. La pierre mate et texturée vient d’une carrière proche de Reims. Le bois des murs est en hêtre microperforé. Quant aux tissus du mobilier, ils rappellent les couleurs des feuilles de chardonnay.
Article paru dans le numéro 179 de Résidences Décoration.