Captiver, séduire, surprendre, enchanter et informer ses visiteurs… telle fut la feuille de route confiée par la marque de cognac au cabinet d’architecture INCA pour la rénovation de son hôtel particulier du XVIIIe siècle. Mission réussie avec audace et élégance.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Cognac, sous-préfecture tranquille mirant ses belles demeures dans la Charente, attire deux types de visiteurs. Les pèlerins parcourant les chemins de Compostelle certes, mais avant tout les amateurs de cette eau-de-vie de raisin blanc, ambrée, aux parfums enivrants de vanille et de fruits confits. Chinois et Américains en tête. Chaque maison de production, chaque distillerie, déploie des trésors d’imagination pour séduire ces consommateurs, leur révéler les coulisses de leur spiritueux préféré, les choyer. Rémy Martin a modernisé ses espaces dédiés à la dégustation dans les vignes de Juillac-le-Coq, à quelques kilomètres au sud-est de Cognac, pour que ces clients puissent y goûter « Louis XIII », l’une des cuvées les plus exclusives et prestigieuses. Mais la marque a aussi repensé, magnifié, à l’occasion de son trois centième anniversaire, sa demeure historique, au cœur de la ville de Cognac, dont les différents bâtiments typiques du XVIIIe siècle s’organisent autour d’une cour d’honneur pavée. Trois ans de travaux de rénovation avec une idée-force : guider de façon naturelle les visiteurs d’une entité à l’autre, dans une ambiance lumineuse, colorée, contemporaine. Ainsi, Louis Benech, jardinier paysagiste de renom, a semé ses graines poétiques dans les espaces verts en ayant en tête entretien et durabilité. En lieu et place d’une signalétique inesthétique, un grand mur ruban séquence le parcours où de jolis flacons de « Louis XIII », disséminés avec doigté, jouent les stars. Pour éviter l’accumulation de documents, d’objets, troublant la compréhension, Virginie du Jeu, muséographe, a sélectionné dans les archives et les collections les pièces maîtresses les plus marquantes, les plus lisibles. « Nous avons, expliquent les maîtres d’œuvre et les directeurs artistiques, cassé, désacralisé le côté très muséal au profit d’une balade ludique, en s’attachant les compétences de nombreux corps de métier. Élodie Sire, architecte d’intérieur de d.mesure, a par exemple choisi du mobilier clair et design, peaufiné l’éclairage, invitant à échanger, à se reposer sur une banquette de couleur vive ou dans une des alcôves, comme dans une maison d’amis. » Revus dans le même état d’esprit, le petit salon et le salon Opulence, où les dirigeants de Rémy Martin reçoivent leurs hôtes de marque. Remaniés aussi, la boutique et le club. « Cette maison incarne trois siècles d’excellence, de savoir-faire transmis de génération en génération. Elle témoigne de notre attachement profond au terroir et à ceux qui le cultivent. Et s’apprête à traverser, accompagnée de nouveaux talents, les 300 prochaines années, c’est mon vœu le plus cher », a confié Marie-Amélie de Leusse, présidente du Groupe Rémy Cointreau, lors de la réouverture.
Des fondus de patrimoine
« Pour sauvegarder le patrimoine architectural, l’inscrire dans le paysage contemporain, l’innovation et l’audace s’imposent, explique Gilles Marty, fondateur de l’agence INCA. Loin d’être figé, le patrimoine évolue et doit évoluer en permanence. Notre rôle, en tant qu’architectes, est de le rendre intelligible, compatible avec notre époque, nos modes de vie. C’est cette philosophie qui nous guide. Un exemple très parlant, la réhabilitation en cours, à Grasse, des Fontaines parfumées de la maison Louis Vuitton. Un projet qui englobe à la fois la reconstitution scrupuleuse d’une bastide provençale du XIXe siècle et la création d’un laboratoire de parfums avant-gardiste. Et nous procédons de même sur le projet que nous venons de démarrer au Château d’Yquem, dans le Bordelais. »
Article paru dans le numéro 179 de Résidences Décoration.
