Sonia Rolland : « L’exil est en moi, tout comme l’artisanat »

L’ex-Miss France, devenue une comédienne accomplie et une réalisatrice engagée (Femmes du Rwanda), est aussi la marraine de La Fabrique Nomade. Son appartement est illuminé par ce goût de l’ailleurs.

Propos recueillis par Laurent Marcelier / Photos : Droits réservés, © Sylvie Castioni et © Nicolas du Pasquier

À quoi ressemble votre intérieur ?
Le précédent était classique, meublé de pièces chic Blanc d’Ivoire. Celui où j’habite actuellement est, à l’opposé, chaleureux et bohème – mon ami Thomas Thibon, de l’agence Gembu, m’a aidée à l’aménager. Dans le salon trônent une banquette chocolat et des poufs jaunes et bleus Maison Sarah Lavoine, un tapis persan iranien, une table en verre dont les pieds forgés rappellent les racines du figuier maudit des Antilles. Les rideaux en velours léger, confectionnés par une couturière du nord de la France, sont écrus, et le bas est mordoré.

Quel lien entretenez-vous avec la décoration ?
Je peux passer des heures à la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine (CFOC) ou dans des boutiques de designers. J’aime également chiner aux puces de Saint-Ouen, où j’ai notamment déniché un bar en bambou des années 1960. Et dans un squat d’artistes, j’ai craqué pour le tableau d’un peintre japonais qui représente des centaines de personnages entrelacés.

Avez-vous un style de prédilection ?
J’aime les pièces intemporelles, l’art tribal, le bois. Mon respect pour l’artisanat remonte à mon arrivée en France, en 1994 : je vivais alors dans une cité ouvrière et j’étais fascinée par le travail d’un voisin ébéniste qui retapait de vieux meubles dans son atelier ; il vient aussi, sans doute, de mon père imprimeur, qui rentrait les mains couvertes de colle et d’encre. Il recyclait beaucoup d’objets, et j’ai suivi son exemple. Plus jeune, j’ai peint une table noire Ikea avec du béton ciré pour créer des aspérités, elle a eu un succès fou. Aujourd’hui, je dessine mes meubles, j’en customise aussi.

Que rapportez-vous de vos voyages ?
En tant que première Miss France d’origine africaine (sa mère est rwandaise, son père français, NdlR), en 2000, j’ai effectué un tour d’Afrique. J’en suis revenue, entre autres, avec une kora du Sénégal et une statue en pierre de Mbigou du Gabon qui figure le visage d’une femme – je l’ai transformée en lampe de chevet. Lors de séjours touristiques, j’ai acquis des miniatures d’art « naïf » haïtien, de petites sculptures signées Salfo Dermé, un bronzier burkinabé très talentueux, ou encore des tableaux rwandais, représentatifs de l’art ancestral Imigongo, qui se transmet de mère en fille : les femmes traçaient à l’époque des dessins géométriques avec leurs doigts sur l’argile fraîche, à l’intérieur de la case du roi.

La création artisanale que j’aime « Badeya, un petit tabouret en bois de chêne et hêtre réalisé par Yaya Sangaré, un menuisier ivoirien de La Fabrique Nomade qui a grandi dans les forêts. »
Pièce unique, 300 €. © Nicolas du Pasquier

Comment êtes-vous devenue marraine de l’association La Fabrique Nomade, qui valorise le savoir-faire d’artisans migrants et réfugiés en France ?
Très naturellement, sous l’impulsion de LVMH – je suis ambassadrice Guerlain. L’exil est en moi, on connaît mon implication envers les migrants, et aussi mon goût de l’artisanat. J’aime passer du temps dans les ateliers de La Fabrique Nomade, pour acheter des bijoux, des vasques en bois, et les coussins de la brodeuse Serap Karabulut. 

La pièce qui me suit partout

« C’est un meuble chinois de pharmacien rouge vif, long de 3 mètres mais assez étroit, déniché aux puces de Saint-Ouen, retapé par un artisan et livré impeccable. Cette pièce de caractère apporte un point lumineux dans la salle à manger ; elle en impose par son éclat et sa présence mais sait aussi se faire discrète. Je l’ai transformée en vaisselier. J’aime bien recevoir, et je choisis des services de table qui en rappellent la couleur, par exemple des assiettes traditionnelles marocaines rouge vif avec un bord en métal, ou encore un ensemble rouge et vert de la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine. »

Ma table coup de cœur : « Une table de salle à manger en bois de suar taillée dans un tronc d’arbre d’Indonésie, achetée à la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine. Les pieds, très élégants, sont en métal. »

Article paru dans le numéro 162 de Résidences Décoration.

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