En lieu et place du Royal Mansour Méridien, 23 étages à l’architecture moderniste surplombent avec splendeur le quartier Art déco de Casa la blanche. Renaissance d’un mythe.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Dès son ouverture en 1953, le premier cinq-étoiles de Casablanca devient le rendez-vous privilégié tout autant de la monarchie marocaine, des jeunes et moins jeunes Casablancais fortunés, que des stars et des hommes d’affaires internationaux. Un hôtel hédoniste, épicurien, élégant, dont les 205 chambres et suites sont prises d’assaut. En rachetant le Méridien El Mansour – « Le Victorieux » –, l’idée première de la Compagnie des grands hôtels d’Afrique, dont l’un des actionnaires principaux est le roi Mohammed VI, était de le rafraîchir en le dotant des codes hôteliers contemporains. Hypothèse vite balayée au profit d’un projet plus ambitieux. Fermé en 2015, il est rasé en 2017 après une expertise approfondie. Exit les huit étages d’origine imaginés par Émile-Jean Duhon, l’architecte du roi Mohammed V. Débute alors un chantier d’envergure mobilisant quelque mille ouvriers et pléthore d’artisans pendant huit ans. Les cabinets d’architecture Patrick Génard Asociados de Barcelone et Karim Chakor de Rabat orchestrent les travaux, tandis qu’Axe International soigne les décors et que, comme chez le grand frère marrakchi, le paysagiste Luis Vellejo dessine les espaces verts. Mot d’ordre incontournable, rappelle Jean-Claude Messant, directeur général de Royal Mansour Collection : « Préserver l’héritage historique, intégrer dans l’ensemble des éléments iconiques, utiliser des matières nobles tout en apportant une attention particulière à la durabilité, la responsabilité, la sécurité et la technologie. » Feuille de route respectée à la lettre. En avril dernier, le Royal Mansour Casablanca accueille ses premiers hôtes au cœur du Petit Paris, quartier où s’alignent à touche-touche les immeubles Art déco, dont les façades sculptées cachent la misère. Entre l’enseigne rouge du Café de Paris, la programmation et les affiches du Club Casablanca, l’ancienne médina proche et le port, le nouveau venu donne à voir le passé glorieux tout en s’inscrivant dans le présent. Il joue à 100 % la carte de l’avenir touristique, culturel et économique de la ville baignant ses étonnantes villas au style californien dans l’Atlantique.
Le seuil du Royal Mansour Casablanca franchi, le savoir-faire et le savoir-vivre marocains s’imposent en évidence. La consigne de Jean-Claude Messant est bien passée. L’art moderniste – mobilier, œuvres d’art – triomphe dès le lobby entre les plantes vertes à foison et le paludarium, où évoluent poissons, tortues, salamandres, grenouilles. Et, au gré des étages, le travail du marbre aux couleurs assemblées, celui du bois sculpté en volute, le tombé parfait de la soie brodée, le moelleux des plaids, le souci du détail, du façonnage des dressings au mécanisme pour remonter les montres automatiques, séduisent et réconfortent. Apothéose, le spa, d’une rare élégance, avec côté messieurs l’espace de la Barbière de Paris où, sous la direction de Sarah Hamizi, magicienne, artiste, chaque membre de son équipe est capable, en maîtrisant les poils, d’adoucir un menton trop lourd ou de révéler la profondeur d’un regard égaré sous des sourcils broussailleux. Très palace. Très classe et très début XXe siècle,quand les hommes se souciaient de leur apparence.
Table avec vue
On hésite, impressionnée, mais on se lance, empruntant l’arachnéenne passerelle de verre au 23e et dernier étage pour gagner La Grande Table marocaine de Karim Ben Baba. Une table qui offre le meilleur et le plus authentique de la gastronomie du pays avec, en toile de fond, Casablanca, s’étendant au-delà des minarets jusqu’à l’Atlantique proche, qui charge le vent d’iode. Il faut, à deux, succomber, au déjeuner ou au dîner, au menu dégustation baptisé « Expérience Anfa », à savoir un condensé de saveurs tant marines que champêtres : daurade farcie à la tangéroise, épaule d’agneau confit, couscous aux sept légumes, mousse de lait glacée à la fleur d’oranger, fraises de Dakhla, etc. Histoire de mettre tous ses sens en émoi.