Texte Aurélien Jeauneau
Si Jean Prouvé a popularisé le mobilier en métal en France, l’un des pionniers de ce mouvement s’appelle Mathieu Matégot. Né en 1910 en Hongrie et formé aux Beaux-Arts, l’homme démarre comme décorateur au théâtre de Budapest avant de se décider à visiter le monde à 19 ans et de s’établir à Paris. Si le rotin est la première matière à laquelle il se confronte pour construire ses meubles, c’est pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il est fait prisonnier par les soldats allemands, qu’il se familiarise avec la tôle : léger, aux destinées infinies, Mathieu Matégot saisit toutes les possibilités induites par le métal.
Devenu français à la Libération, il s’installe à son compte pour développer du mobilier en métal ingénieux, élégant et moderne qui souffle un vent nouveau dans les années 1950. Au plus fort de son activité, Mathieu Matégot comptait deux ateliers en propre : l’un à Paris et l’autre au Maroc.
Robustesse et légèreté
Très prolifique, Matégot dessine, conçoit et produit vite et bien : le métal remplit toutes les fonctions : peu cher, il se plie, se soude et se perce tout en étant robuste. L’utilisation d’une tôle microperforée pliée en éventail – on appellera cela du Rigitulle, ou dentelle de métal – et d’une tôle ajourée de carrés apportera de la légèreté à son mobilier. Pour l’ensemble de plein air « Tropique », le plateau perforé de carrés de la table crée un jeu de transparence bienvenu, esthétique et pratique ; il évite que l’eau de pluie stagne en surface.
Dessiné au milieu des années 1950, le salon Tropique n’a pas toujours eu la cote. La rareté actuelle du modèle prouve qu’il n’a pas rencontré son public à l’époque, et pourtant… Composé de chaises à bras et d’une table qui remplit le rôle tout à la fois de table de jeu et de repas, ses lignes sont cossues, modernes et traduisent la patte de ce décorateur de génie. C’est le danois Gubi qui réédite désormais cet ensemble.
Mathieu Matégot en seconde main
Voilà une vingtaine d’années que ses créations suscitent l’intérêt des collectionneurs et des néophytes : porte-revues, étagères murales et tables roulantes sont sans doute les pièces les plus courantes. Encore faut-il pouvoir débourser près de 1 000 euros pour un porte-revues ! Et les prix s’envolent pour les pièces les plus rares. Cache-pots, cadres, chaises ou suspensions, Matégot était fabricant et décorateur : une double casquette qui lui a permis de travailler des séries de pièces maniables, colorées et bien conçues, répondant en cela aux besoins de l’époque. Les patines sont souvent belles et les couleurs vives des années 1950 sont toujours aussi efficaces. Soyez néanmoins attentifs aux restaurations que le métal a subies, et vigilants concernant l’état des soudures et de la rouille qui peut s’installer au fil du temps. Attention enfin aux copies d’époque, qui sont nombreuses sur le marché de la seconde main… Un doute ? Privilégiez l’accompagnement d’un antiquaire spécialisé dans le XXe siècle.
Aurélien Jeauneau
Coauteur de la monographie consacrée au designer français Pierre Guariche, Aurélien Jeauneau est historien de l’art et spécialiste du design du XXe siècle. Galeriste et éditeur, il défend, avec son associé Jeremy Pradier, la création hexagonale de 1900 à nos jours.
Article paru dans le numéro 176 de Résidences Décoration.