Jérôme Schilling, la vigne pour muse

Le chef doublement étoilé du restaurant Lalique au Château Lafaurie-Peyraguey puise dans le vignoble de Sauternes les parfums, les couleurs et les saveurs de sa carte tout en délicatesse.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photo de couverture Nicolas Bouriette

Marcher au petit matin dans les vignobles émeraude que le soleil rasant mêlé à la brume pare de mystères en compagnie du chef de culture, échanger dans les effluves boisés du chai avec le chef de cave… cet environnement stimule Jérôme Schilling.« Tous les jours, je me réjouis de travailler ici, avec mon épouse anglaise, chef de rang, d’offrir à mes deux filles ces paysages en courbes douces, cette campagne en dégradés de rose et de miel, un rien oubliée malgré le prestige des vignes de Sauternes. Ici, à une petite heure de Bordeaux, le temps s’écoule doucement. Le cadre idéal pour ciseler ma cuisine, la personnaliser en ayant en tête le Graal, une troisième étoile ! »

Entre son restaurant gastronomique et, aux premiers beaux jours, sa terrasse éphémère qui, le midi, comble ses hôtes de mets cuits sur le gril, Jérôme Schilling, Meilleur ouvrier de France, trace son sillon plus que parfait comme dans le sol argilo-graveleux du Sauternais. Avec force, conviction et générosité, et collaborant bénévolement avec des cancérologues de Bordeaux pour améliorer le quotidien des enfants malades. 

Ma cuisine, mon concept

« Quand on est à Château Lafaurie-Peyraguey, Premier Grand Cru Classé de Sauternes
en 1855, on compose ses assiettes comme le maître de chai assemble ses cépages, en utilisant la vigne, les feuilles, les sarments, les raisins sous toutes leurs coutures et à tous les stades. On baptise ses menus en hommage à cette terre : “Grain noble”, “Terroir du Sauternais”. L’hiver, on propose des Saint-Jacques fumées aux sarments de vigne, panais et truffe blanche. L’été et l’automne, on rôtit un pigeon de Brannens macéré à cru sur os dans la lie de vin pendant 48 heures. Et, toute l’année, on concocte un œuf cuit dans une marinade de gin et de Sauternes. Avec la complicité de la cheffe pâtissière Héloïse Château, la poésie se marie à la technicité pour imaginer un dessert, le ”Brouillard du Ciron au yuzu et caviar”, inspiré de la brume matinale s’élevant de la rivière Ciron et se déposant sur les vignes, pour développer la fameuse pourriture noble. »

Ma recette conviviale : merlu confit « Insolite de Sauternes »

Pour 10 personnes, préparation : 48 h à l’avance pour la vinaigrette, 1h30 le jour J.
Pour le poisson : 1,2 kg de merlu très frais // gros sel // huile de pépins de raisin
Pour la purée de rattes : 500 g de rattes // 200 g de beurre de Bresse // 40 g de lait entier // 10 g de sel
Pour la purée de petits pois : 500 g de petits pois frais // 50 g de beurre de Bresse // 1 pincée de sel et de bicarbonate de sodium
Pour le condiment à la bergamote : 200 g de pulpe de bergamote // 1,5 g d’agar-agar // 1 g de gellan // 0,7 g de kappa
Pour la vinaigrette à la fleur de sureau : 50 g de sureau en fleur // 500 g d’huile de pépins de raisin // 20 g de vinaigre de sauternes // 3 g de sel
Pour le dressage : fleurs de sureau, de géranium et feuilles d’huître

Préparez la vinaigrette : faites cuire 2 heures à 65 °C l’huile avec les fleurs et laissez au congélateur 48 heures. Filtrez, assaisonnez, réservez en pipette.

Portez les ingrédients du condiment à ébullition 2 min. Glissez sur une plaque au frigo 6 heures. Mixez au Thermomix.

Faites cuire les rattes à l’eau frémissante. Épluchez-les
à chaud, moulinez-les. Mettez la pulpe dans une casserole, séchez légèrement sur le feu en tournant avec une spatule, ajoutez en fouettant le beurre en petits morceaux puis le lait. Réservez au chaud.

Faites cuire les petits pois dans l’eau bouillante avec sel
et bicarbonate. Mixez à chaud dans le Thermomix, ajoutez
le beurre. Passez dans un cul-de-poule, faites refroidir dans
un saladier avec des glaçons. Réservez au frais.

Écaillez, levez les filets de merlu. Coupez 10 portions, mettez–les dans le gros sel 5 min, rincez très légèrement à l’eau. Placez-les 4 min dans l’huile de pépins de raisin chauffée à 45 °C. 

Posez dans les assiettes chaudes une portion de merlu, parsemez de feuilles d’huître et fleurs de sureau et de géranium. Dessinez une quenelle de purée de pomme de terre, de petits pois et de condiment bergamote. Versez au fond de l’assiette
un peu de vinaigrette à la fleur de sureau.

Le chemin de table de Jérôme Schilling

Les trois F de Lalique
Faune, flore, femme s’invitent à la table du chef, avec en vedette cette carafe « Aphrodite » millésimée 2017, enlaçant et soulignant les reflets et les nuances du vin. Cristal incolore, satiné, repoli à la main. Collection Lalique. 3 100 €.

lalique.com

L’hirondelle posée
Ailes repliées, œil aux aguets, un porte-couteau sculpté par René Lalique, en cristal transparent. Il évoque le vignoble où cet oiseau aime virevolter, accompagnant, au moment des récoltes, les vendangeurs. 90 €

lalique.com

Tout feu, tout flamme
L’été, sur la terrasse, le chef grille à tout-va légumes, fruits, viandes, poissons avec un four en acier. Pour les particuliers, il conseille le petit modèle Ofyr Classic Corten 85, de taille plus adaptée et qui peut être complété par un four à pizzas, par exemple. À partir de 1 795 €.

ofyr.fr

Trancher dans le vif
Avec le couteau ariégeois de la Maison Savignac, à Foix, 100 % fait main. Pour sa table, le chef a demandé un modèle sur mesure en marbre blanc et beige rappelant le calcaire du sol sauternais. Très approchant, celui au manche en défense de phacochère. 540 €

couteau-savignac.com

Article paru dans le numéro 172 de Résidences Décoration.

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