En épousant Giacomo Cattaneo Adorno, propriétaire du palais génois construit par ses ancêtres, l’architecte Emanuela Brignone s’est fixé la mission de réveiller cette bâtisse majestueuse.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Sept ans de travaux pour réhabiliter le palazzo Durazzo et le transformer en boutique-hôtel cinq étoiles. Un palais construit et détenu par la même famille depuis le XVIIe siècle, l’un des 42 palais des Rolli, ces demeures nobles désormais inscrites au patrimoine de l’Unesco, qui accueillaient autrefois les dignitaires et les invités de marque séjournant à Gênes. Emanuela Brignone Cattaneo, architecte italienne, diplômée d’histoire de l’art et d’archéologie de l’université Paris X et d’architecture de l’université Colombia, à New York, devenue par mariage propriétaire de la demeure, rêvait de lui redonner sa vocation première : recevoir avec noblesse des hôtes. Elle s’est attelée, avec le designer d’intérieur Cesare Barro, à imaginer un hôtel de luxe intimiste. « J’ai étudié de fond en comble les documents d’origine conservés dans la bibliothèque, parcouru le palais à toute heure du jour et de la nuit pour comprendre la démarche et les intentions de Giovanni Battista Storace, qui, au début du XVIIIe siècle, lorsque la famille Durazzo a acheté le bâtiment attenant, a tout redessiné. Il a alors pensé chaque espace selon sa règle des trois C pour Courage, Contraste, Curiosité. Une règle que j’ai faite mienne. Courage pour venir à bout sans faillir de cette reconstruction. Contraste lorsqu’on franchit le seuil du 12, via del Campo entre l’ombre des ruelles et la lumière qui inonde le moindre recoin du palais. Et, contraste dorénavant entre les fresques, les éléments architecturaux du XVIIe siècle et le mobilier design. Curiosité du plan diagonal du palais, unique, mais aussi de sa localisation, sur le vieux port et via del Campo, rue à la population multiethnique qui conserve ses commerces traditionnels dont cinq bouchers d’origines différentes et de nombreux coiffeurs. »
Des ambiances que l’architecte a retransmises, celle des voyages au long cours et celle de la vie quotidienne, superposées avec l’évocation de certains hauts personnages de la famille Durazzo. C’est ainsi qu’en l’honneur de Stefano Durazzo, qui, au XVIIe siècle, fut doge, magistrat des galères et protecteur de la mer, elle a souhaité que les fresques de Domenico Parodi, dans la salle des Doges, dialoguent avec l’interprétation picturale des Quatre Saisons de Vivaldi de Sam Falls, artiste américain contemporain, dans le lobby. Et qu’elle a imaginé la suite Doge, la plus étonnante des douze, comme posée au fond de la mer. Une allégorie. Un hommage à l’âme vagabonde, aventurière, audacieuse de la ville
et des Durazzo.
Article paru dans le numéro 175 de Résidences Décoration.