Villa Cavrois, la maison-château du nord

Œuvre emblématique de l’architecte Robert Mallet-Stevens, cette demeure a été classée monument historique en 1990. Retour sur l’histoire de ce véritable petit château.

Texte Bertrand Le Port / Photo Shutterstock

C’est en 1932 que Paul et Lucie Cavrois emménagent dans leur nouvelle villa avec leurs sept enfants. Le nord de la France est alors très industrialisé et Roubaix est tout bonnement surnommée « la ville aux mille cheminées ». L’industrie textile est en plein essor, et la société Cavrois-Mahieu, fondée en 1865, produit des tissus haut de gamme pour alimenter la mode parisienne. Son propriétaire, Paul Cavrois, soucieux d’éloigner sa famille de la pollution des usines, fait l’acquisition en 1922 d’un terrain à Croix, en périphérie de Roubaix, comme le fait toute la bourgeoisie de la région en cette première moitié du XXe siècle.

Désireux d’investir un lieu exceptionnel, Paul Cavrois démarche dans un premier temps Jacques Gréber, un architecte connu dans le Nord. Ce dernier lui propose une demeure avec l’esprit « néorégionaliste », alors très prisé, mais l’idée ne séduira pas. Sa rencontre à Paris, lors de l’exposition des Arts décoratifs de 1 925, avec Robert Mallet-­Stevens, architecte français beaucoup plus audacieux, provoque un déclic chez l’industriel. Il lui confie alors le projet et l’architecte laisse toute sa créativité exploser en imaginant la villa Cavrois comme un château moderne. Avec sa façade de 60 m de long et une superficie de 2 800 m², conçue avec deux ailes ­symétriques dans la plus pure tradition des résidences aristocratiques du XVIIe siècle, la demeure offre des proportions dignes d’un véritable château. Mais contrairement à l’esthétique surchargée du XVIIe siècle dont il s’inspire, Mallet-Stevens réinvente le style en épurant à l’extrême les volumes, en supprimant totalement les ornements, en apposant des toits-terrasses, le tout conçu avec des matériaux industriels tels que le verre, le métal ou l’acier. Il dote en outre la villa d’équipements innovants pour l’époque : chauffage central, téléphone, heure électrique, ascenseur… Mallet-Stevens s’investit autant dans les volumes du bâtiment que dans la décoration et l’ameublement, pour ainsi pousser à l’extrême l’idée d’une « œuvre totale », concept qu’il défendra plus tard au sein de l’Union des artistes modernes. « Le cadre de vie doit refléter la psychologie de ceux qui y évoluent », déclarera-t-il.  

Lors de la Seconde Guerre mondiale, la villa est occupée par l’armée allemande et transformée en caserne. Après son départ, les Cavrois modifient l’intérieur avec la contribution de l’architecte Pierre Barbe, qui y aménage deux appartements supplémentaires. En 1985, après le décès de Lucie Cavrois, un promoteur immobilier fait l’acquisition de la propriété avec pour ambition de la transformer en parc. Mais laissée à l’abandon, elle se dégrade et est régulièrement vandalisée malgré son classement au titre des monuments historiques en 1990. 

En 2001, elle est finalement rachetée par l’État. D’importants travaux sont réalisés par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Nord-­Pas-de-Calais. Treize longues années seront nécessaires pour que la villa et son parc retrouvent leur état d’origine. Désormais, la villa-château est ouverte au public.

Article paru dans le numéro 178 de Résidences Décoration.

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