A Nice, Alexandre Dufaye arpente sa ville comme on fait son nid. Editeur, son regard d’esthète posé sur toute chose compose des guides séduisants et stylés. Son appartement clair et structuré par des parois de verre dessine un univers limpide et arty, superlativement personnel. Objets, mobilier, photos… Il collectionne comme il vit, au fil du plaisir, des rencontres et de l’air du temps. Par Cécile Vaiarelli – Photos Anthony Lanneretonne
Nice, Cannes, Aix-en-Provence, Marseille, Bordeaux… Alexandre Dufaye explore pour ses guides une vie des villes contemporaine et vivante. Véritables itinéraires du goût, on y croise les plus belles adresses de la mode, de la gastronomie, du design, du bien-être… et un indéniable parfum de liberté. Son appartement et studio d’édition au cœur de Nice, au dernier étage d’un immeuble feutré, se partage entre vie privée et ruche de collaborateurs.
Il pétille d’énergie et dévoile un univers tonique où se lovent des collections d’objets rares et de photographies. Loft Design a signé la restructuration de l’espace. Une déclinaison en noir profond et blanc poudré où s’opposent des jeux de transparence stimulés par des parois de verre auxquelles répondent des murs anthracite. Un long couloir dessert 160 mètres carrés d’équilibre et de raffinement ouverts sur les chambres et salles de bain et sur la cuisine qui affiche une double vie entre studio de création et laboratoire culinaire. C’est là que se noue le cœur de l’activité éditoriale.
Sous l’or des suspensions en demi-sphères de Catellani & Smith (Serra luminaires), la ruche s’affaire, les idées fusent et construisent des histoires mêlant patrimoine ancien et chroniques contemporaines. Pour donner vie aux pages chatoyantes de Nice Code, Cannes Code…, la cuisine limpide et rationnelle « B1 » de Bulthaup, se devait d’exprimer une forme de neutralité bienveillante. C’est là que la rédaction jongle avec les images et les mots ou organise ses dîners les plus fous. Ponctuée de discrètes touches arty avec un « OUI » franc de Sandra Lecoq et des inclusions « Paint Box » et « Caran d’art » signées Arman (galerie Maud Barral), Alexandre y peaufine au jour le jour sur la grande table blanche de Piero Lissoni, ses ouvrages chics et photogéniques… et un indéniable art de vivre teinté de notes sudistes. L’esprit cabinet d’amateur qui serpente de pièce en pièce investit le grand salon où se découpe l’élégante silhouette d’un piano à queue.
Dix ans de conservatoire ont forgé le goût d’Alexandre Dufaye pour la discipline et les harmonies alors que les photographies expressives d’Anthony Mirial explorent la nature humaine et répondent en écho à ses gammes quotidiennes. Une urne vertébrée en céramique, des vanités sur la table en plexiglas d’Emmanuel Babled (Harter) qui retient la lumière, un trio de jarres en terre cuite, un buste antique sur une cheminée (Ginac antiquités), la poésie d’un bouquet de fleurs dorées à la feuille d’Hubert le Gall, une chaise musicale en bronze d’Arman (galerie Maud Barral), l’insolence d’un nain de jardin sur le piano… c’est tout un petit monde habité et sensible, qui par touches successives, investit l’espace et dessine une scénographie intuitive.
Dans la chambre ouverte sur un vaste dressing de B&B Italia (Loft Design), les icônes du design trouvent naturellement leur place. Inspirés du Pop Art et soulignant la préférence de Gaetano Pesce pour les formes anthropomorphes, les exubérants fauteuils « UP5 » & « UP6 » se prolongent dans le dressing par le siège sculpture « Up Seven » en forme de pied surdimentionné également de Gaetano Pesce, et un lampadaire de Fortuny pour Pallucco, clin d’œil éclairé aux réflecteurs des studios photo. Face au lit, les tableaux superposés de Pascal Goujon et Antoine Aguilar éludent subtilement l’éternelle querelle entre abstraction et figuration.
Dans la salle de bains lumineuse, les lignes des vasques et de la baignoire rectilignes signées Starck dessinent un espace pur. On y retrouve le tempo d’une paroi de verre qui, du sol au plafond, délimite la douche. Alors que ses guides ont le charme fou des chemins de traverse et dévoilent des angles de vues cachés, Alexandre Dufaye poursuit sa quête esthétique au quotidien. Ici ou là, cet amoureux du temps présent collecte des objets, instaure des correspondances et cultive son cadre de vie comme un philosophe cultiverait son jardin.