À 50 ans tout juste, celui qui, grâce à son physique, fut un temps mannequin, avant de devenir un designer adulé par les maisons de luxe et récompensé par de nombreux awards, redécouvre les vertus de la simplicité, de l’artisanat ancré dans un terroir. Une sorte de coming out.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Enfant, adolescent, Noé se rêvait…
Élevé à Plougasnou, ravissant port de pêche dans le Finistère, enfant unique, entre des parents baba cool, sa mère Odile Duchaufour, professeur d’arts plastiques, son père Brian Lawrance, linguiste que le paraître n’intéressait nullement et la déco encore moins, Noé imaginait son univers, des univers, pour s’évader, se projetant tantôt acteur, tantôt inventeur d’objets.
Ses études, son but, ses objectifs
Après avoir décroché son bac au lycée Kerichen à Brest, Noé choisit d’intégrer l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama) d’où il sort diplômé en sculpture sur métal. Il s’inscrit ensuite dans la section Mobilier de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad). Son idée, vague encore, travailler dans l’industrie du design, dessiner des lieux, des objets.
Aujourd’hui, Noé Duchaufour-Lawrance se définit comme…
Un iconoclaste, que tout inspire, intéresse, un designer-artisan, jonglant entre des projets personnels menés en collaboration avec des maîtres artisans notamment au Portugal, inspirés par les matières naturelles, et des réalisations pour des maisons de luxe. Avec l’intention, dans l’une et l’autre de ses démarches, de raconter des histoires, de les partager. Les chefs cuisiniers restent l’une de ses sources d’inspiration, par leur maîtrise des ingrédients, des produits.
Lisbonne plutôt que Paris…
Lisbonne et Paris. Installé en 2017 dans la capitale portugaise pour s’extraire de Paris, de son énergie, de ses sollicitations, du monde un peu clos du design, de l’entre-soi, le designer s’est largement tourné vers l’artisanat, vers l’échange avec des artistes, des écrivains, vers l’ouverture à d’autres univers, d’autres cultures. Il garde cependant une galerie à Paris et séjourne régulièrement en France.
Made in Situ, créée en 2020 à Lisbonne, un calque de la galerie du Passage de la Bonne-Graine, dans le Paris du 11e…
Une autre approche, un atelier de création, une galerie qui a pour objectif de valoriser les matériaux naturels, l’artisanat des terroirs, de privilégier le durable, le recyclage, l’économie de soutien. De montrer qu’en respectant les matières on crée du beau, du très beau même, comme l’année dernière lors de la Design Parade d’Hyères, avec la présentation des meubles et objets en bois et écorces provenant de chênes-lièges brûlés lors de l’incendie de 2021 du massif des Maures. Une première pour Made In Situ en France.
Dispersion, entre ce projet, le piano Noé de Steinway, le Salon Business d’Air France à Roissy, une villa repensée en centre culturel au Qatar à la demande cheikha Moza bint Nasser al-Missned, des objets édités, inventaire à la Prévert…
Des projets qui tous ont des points communs. Ce sont des créations artisanales pensées pour susciter des émotions, tisser des liens, pour répondre au besoin d’esthétisme, de sens de tout un chacun. C’est, aime à répéter le créateur : « Un langage en mouvement inspiré par mon environnement, naturel, réel ou idéalisé, par mes émotions réelles ou rêvées, par mon vécu quotidien, par les personnes que je côtoie avec lesquelles j’échange. »
Les 6 dates marquantes de Noé Duchaufour-Lawrance
2002 : prix du Best Design pour le restaurant Sketch, à Londres
2003 : création à Paris, dans le 11e, de son studio, Néonata, avec dix collaborateurs
2007 : élu Créateur d’interieur 2007 par Maison & Objet et Scènes d’intérieur
2020 : ouverture à Lisbonne de Made in Situ, atelier, galerie, lieu de rencontres, d’événements
2 022 : collaboration avec Viúva Lamego, l’un des plus anciennes tuileries portugaises, 175 ans, pour imaginer Azulejos, paysage réalisé à quatre mains
2023 : président du jury du 17e festival Design Parade d’Hyères, et présentation
du mobilier réalisé à partir de chêne-liège brûlé
Article paru dans le numéro 177 de Résidences Décoration.