Texte Aurélien Jeauneau
L’historique éditeur italien Cassina a été bien inspiré lorsqu’il s’est lancé, il y a vingt ans, dans la réédition à cadence soutenue des modèles iconiques de la designeuse française Charlotte Perriand (1903-1999). Ce patrimoine, riche de pas moins de sept décennies de créations mêlant architecture, art et design, a été grandement valorisé par les antiquaires dès la fin des années 1970 pour s’ouvrir aux collectionneurs du monde entier depuis près de trente ans. D’une inventivité folle et postée à l’avant-garde des tendances, Charlotte Perriand a été à bonne école avec Le Corbusier, avec qui elle a collaboré pendant dix ans et qui a joué un rôle important dans sa carrière. Son mobilier de série pensé pour tous, qui découle de montages simples à la manière du meuble paysan, comporte toutes les innovations de son temps. Le travail de Charlotte Perriand a été reconnu de son vivant par ses pairs et quelques connaisseurs. Depuis 2004, il est accessible à la clientèle de Cassina.

La table « Montparnasse »
En 1938, Charlotte Perriand a quitté depuis un an les bureaux de Le Corbusier et de son cousin Pierre Jeanneret. Installée dans le quartier de Montparnasse, elle dessine pour son atelier sous mansarde une table de forme libre en bois plein, dont les trois pieds supportent un plateau large dont chaque angle permet à un convive de s’y attabler. Davantage pensée en établi qu’en table de réception, c’est la fonction qui dicte l’esthétique, en offrant à l’espace restreint un gain de place non négligeable. A posteriori, c’est une petite révolution qui pointe, à l’heure où la table est encore l’élément central – et contraint ! – dans toutes les habitations. La table « Montparnasse », inédite, est la première d’une série de tables de forme libre dessinées par Charlotte Perriand, et marque son émancipation. Cette table est l’une des pièces les plus intimes rééditées aujourd’hui.

En seconde main
Il faut s’armer de patience – et d’un sacré portefeuille ! – pour s’atteler à acheter des pièces anciennes dessinées par Charlotte Perriand : les marchands et les commissaires-priseurs connaissent leur valeur et, surtout, la désirabilité de ses créations, dont les prix grimpent chaque année. Perriand est aujourd’hui considérée comme l’une des meilleures designeuses et architectes du XXe siècle, et ce partout dans le monde. Il restera aux budgets « raisonnables » son mobilier de la décennie 1960 pour les stations de ski, et ses appliques à volets qui n’ont pas pris une ride (aux alentours de 1 000 € tout de même). Pour ceux qui ne démordent pas de posséder l’original, un tabouret berger édité par Steph Simon dans les années 1950 s’achète aujourd’hui aux alentours de 10 000 €… Pour les autres ? À partir de 700 € pour une réédition, le charme de la patine en moins
Article paru dans le numéro 179 de Résidences Décoration.