Joël Andrianomearisoa « À travers mon travail, j’essaie de traduire, de donner forme à des émotions. »

Artiste plasticien, architecte de formation, Joël Andrianomearisoa, jonglant entre ses ateliers parisien et malgache, a largement participé à l’identité visuelle de la nouvelle Maison Cheval Blanc des Seychelles, à travers des objets du quotidien, des œuvres d’art, la conception du restaurant Le White. 

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos © Studio Joël Andrianomearisoa

D’architecte à artiste, artisan 

« J’ai étudié l’architecture car ce sont des études à la fois très encadrées, très pratiques, techniques et libres. Et l’architecture aboutit à la forme, c’est sa finalité. Aujourd’hui, je me sers quotidiennement des notions acquises pour construire sur des bases existantes ou non des maisons, des immeubles, comme Hakanto Contemporary, ma plateforme culturelle à Antananarivo. »

Un hôtel, un grand terrain de jeu pour un artiste 

« Ça semble impressionnant mais j’ai travaillé sur des structures et sur des projets de plus grande envergure. Quand Vanessa Brizon, directrice artistique, m’a contacté pour me demander de créer des œuvres artistiques pour le Cheval Blanc, je lui ai expliqué que j’intervenais de façon plus globale comme artiste signature donnant un ton, un mouvement, une coloration. Elle a admis mon point de vue et j’ai aussi accepté parce que dans chaque Maison Cheval Blanc l’art est très présent. J’ai certes réalisé les 52 tapisseries des 52 chambres, à partir de bandes de tissus neufs et anciens, inspirées du paysage, de la mer, du sable, de la jungle, des pièces uniques vivantes, ondoyant au souffle de l’air, vibrant au gré des variations de la lumière. Mais j’ai aussi pensé, en relation intelligente avec Jean-Michel Gathy, l’architecte, Le White, un des restaurants de la Maison Cheval Blanc, dessinant le logo, choisissant les tonalités, créant les assiettes, en collaboration avec la Maison Bernardaud, les serviettes, les tabliers, etc. Dans cet espace ressemblant à une galerie d’art, j’ai dessiné in situ douze panneaux gigantesques avec des bâtons d’huile comme des grosses craies. Les convives dînent au cœur même de cette œuvre. » 

Une des 52 œuvres en textile des chambres du Cheval Blanc Seychelles. © Studio Joël Andrianomearisoa
Mise en scène du restaurant Le White, toujours au Cheval Blanc. © Studio Joël Andrianomearisoa

Jongler entre les matières, en jouer, un concept 

« Dès lors que je peux créer des formes – mon obsession –, tout m’intéresse. Le papier de soie que j’ai passé au noir pour ma sculpture monumentale “Le Labyrinthe des passions”, inspiré par le thème de l’amour et de la perte que développe Oscar Wilde dans “De Profondis”, le raphia pour ma prochaine exposition à New York, mais aussi le béton, le néon, le tissu, le fer, le verre, le bois, la céramique. J’oscille toujours entre des créations très artisanales, terre à terre, et des réalisations plus conceptuelles, plus intellectuelles. »

Promesse, exposition personnelle, Fondation Zinsou au Bénin jusqu’au 31 août. © Studio Joël Andrianomearisoa

Traduire les émotions, les sentiments, une ligne conductrice 

« C’est important, surtout dans notre monde chahuté, de transcrire sur des formes matérielles toutes les émotions, la nostalgie, la tendresse, la peur, l’amour, que procurent une lecture, un clin d’œil, une fragrance, un son, une personne, etc. Autant de sources d’inspiration, une façon aussi de questionner la société sans la déstabiliser. »

Le mobilier pour durer, pour entrer dans une autre dimension 

« Mes premiers meubles, mes premières chaises je les ai créés pour la Fondation d’art malgache mais je les avais en tête depuis longtemps, voulant en parallèle de mon travail artistique concevoir, en suivant mes impulsions, du mobilier d’artiste qui perdure, qui se diffuse facilement, pas du mobilier de designer. »

Après avoir conçu la plupart des œuvres pour la Maison Cheval Blanc dans ses ateliers parisien et malgache, l’artiste s’est rendu sur place pour les assembler, les disposer et réaliser la conception totale du White – décor, logo, objets. © Studio Joël Andrianomearisoa

Dates repères

1977 : Naissance à Antananarivo, capitale de Madagascar.

2003 : Diplôme d’architecture de l’École spéciale d’architecture de Paris.

2019 : Représente son pays à la Biennale de Venise.

2020 : Cofondateur et directeur artistique du centre d’art Hakanto Contemporary à Antananarivo.

2023 :Paris+ par Art Basel, carte blanche de Diptyque pour créer une œuvre.

2024 : Fin de son chantier pour la Maison Cheval Blanc, Seychelles.

Article paru dans le numéro 180 de RD – Résidences Décoration.

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