Une île privée, un Relais & Châteaux d’une poignée de clés. Une perle secrète, préservée, à l’histoire rocambolesque, à un jet de bateau rapide des hôtels festifs et surdimensionnés qu’adore la jet-set. Enclave pour esthètes honorée en 2024 par le magazine Hôtel & Lodge de l’Award du meilleur lodge.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Ici pas de paparazzi planqué derrière les pins ou déguisé en plongeur, pas de people prenant la pause pour alimenter ses réseaux sociaux, pas de bouchons de magnum de champagne sautant à tout-va sur la plage en effrayant les flamants roses et les crabes de sable. L’île de Pine Cay joue, à Turks et Caicos, archipel britannique des Caraïbes, la rebelle. Une rebelle s’adressant aux initiés, aux amoureux d’une nature vierge, sensibles aux lieux nourris d’histoire d’hommes, aux chanceux prêts à continuer à écrire, pieds nus ou palmés, son épopée, car s’en est une. Les hôtes sont guidés et accueillis, comme dans tous les Relais & Châteaux du monde, par des maîtres de maison ne poursuivant qu’un but : les rendre heureux, les régaler. Sandrine et Christian Langlade, Français, hôteliers bourlingueurs d’un bout à l’autre de la planète, et leur chien Bruno, un gros pépère nageur, cultivent le sens de l’hospitalité. Une hospitalité cinq étoiles mais décontractée, sans chichi, sans superflu. Celle qui enchante les journées, tient le stress à distance, embellit l’instant sur cette minuscule île privée appartenant toujours à une bande d’amis qui s’y ancra dans les années 1960 et dont quelques-uns résident encore sur ses rivages.

Georges et Maru Nipanich, Polonais, explorateurs, idéalistes, poètes, débarquant ici par hasard, foudroyés par la beauté sauvage de l’océan et de la terre, cherchant un point d’ancrage pour vivre leurs utopies, mûrirent des arguments chocs pour convaincre les autorités de leur céder ce petit bout de paradis. Achat accepté, après quelques pérégrinations, ils dotèrent l’île d’eau courante et invitèrent leurs plus proches amis à les rejoindre. Au cours des années 1970, trente-six d’entre eux, de multiples nationalités, dont deux Français, se laissèrent tenter. Selon leurs moyens et leurs goûts, ils érigèrent des villas, dont une petite dizaine peut désormais être louée par l’intermédiaire de l’hôtel. « C’était l’île des Mickey, l’île de la liberté, de l’amitié, un rien hippie, se souvient Eugenia Grandchamp des Raux, artiste photographe française. Aujourd’hui, on s’y retrouve encore au Nouvel An, troquant le bikini contre une tenue de soirée. »


© Kira Turnbull
Les années ont malgré tout bouleversé la donne. Si Eugenia et une poignée d’irréductibles attachés à Pine Cay comme des berniques sur leur rocher y séjournent ou y vivent toujours, les autres ont lâché prise. Et c’est pour bénéficier de quelques revenus et continuer à entretenir Pine Cay, que les propriétaires restants ont développé, en lieu et place du club où ils se rejoignaient pour faire la fête, un boutique-hôtel remarquable de quelques chambres. Le plus, en dehors des kilomètres de plage juste pour soi, des bancs de sable pour flirter ou récolter des sand dollars – une sorte d’oursin plat –, de la mangrove à la faune grouillante, l’ambiance conviviale, les échanges spontanés avec les hôtes, en majorité américains, les cours d’apnée, les balades en mer, les apéros au soleil couchant, partagés, qui tissent des amitiés, des souvenirs, des réseaux.

Horizon 2025
Johannes Zingerle, architecte à Saint-Barth, a été mandaté pour créer deux cottages supplémentaires, très design, avec accès direct à l’océan et à une piscine privée. Tout en respectant l’esprit des lieux et surtout l’écosystème de Pine Cay, évidemment. Construits en matériaux naturels, durables, leurs intérieurs bien ventilés réduisent au minimum l’utilisation de la climatisation. Chaque cottage produit sa propre énergie solaire et est équipé d’un système de collecte des eaux de pluie recyclées. Nec plus ultra en matière d’écologie dans l’archipel. À la location dans quelques semaines.
Article paru dans le numéro 179 de Résidences Décoration.