Baroque maitrisé

Le dernier étage d’un immeuble en briques situé à Manhattan Midtown dans le Garment District abrite un appartement aussi original qu’inattendu. De prime abord précieux et classique, il se révèle véritable cabinet de curiosités où l’alchimie entre antiquités et design est parfaitement réussie.

Nous sommes à Manhattan, plus précisément dans ce centre de la mode depuis toujours, le Garment District, qui s’étend sur 1,6 kilomètre carré entre la 5th et la 9th Avenue. S’y côtoient des bâtiments prestigieux comme l’Empire State Building mais aussi des entrepôts, show-rooms, ateliers de confection et bureaux de création comme ceux de Ralph Lauren, Donna Karan ou encore Tommy Hilfiger. Sur douze étages, l’immeuble d’avant-guerre, de style Art déco et ancienne fabrique de papier, a été construit dans les années 1920 par le cabinet d’architectes Parker & Shaffer. L’ascenseur nous mène directement à l’étage dédié sur 400 mètres carrés à ce loft aux vues incroyables. Avec une quadruple exposition, certaines des vues les plus recherchées de New York, sont à portée immédiate du regard comme celle qui plonge en plein sur le New Yorker et celle qui donne sur le fleuve Hudson. Avec ces perspectives iconiques, la terrasse de 45 mètres carrés orientée plein sud agit comme son point culminant. Habillée en bois de teck, égayée par des arbustes toujours verts, agrémentée de jolies et authentiques gargouilles soigneusement disposées, la terrasse s’ouvre sur un salon élégant et spacieux.

 

Le concepteur de cette endroit unique à New York, Pol Theis, explique l’intention du projet : « Nous souhaitions à tout prix conserver tous les éléments historiques de l’espace, préserver et mettre en évidence son passé industriel tout en l’améliorant pour en faire un loft contemporain  qui offre tout le confort de la vie moderne. » C’est pourquoi la hauteur sous plafond et les tuyaux de canalisation ont été conservés tels quels et le sol en béton d’origine a simplement été poli. De même, les fenêtres d’époque de style industriel ont été remplacées à l’identique par des ouvertures à haute performance énergétique. Les différents câbles indispensables sont cachés dans des poutres se substituant à celles qui existaient initialement. Le chantier est allé relativement vite sachant qu’à New York, les gros travaux de construction ne peuvent être entrepris qu’entre juin et septembre pour ne pas gêner la circulation et  le cours normal de de la vie urbaine. De même, l’utilisation d’un monte-charge pour l’emménagement est soumise à des règles strictes et notamment à des horaires précis. C’est toute une gymnastique de logistique que Pol maîtrise parfaitement. Tout a été commandé exprès pour ce projet. « Meubles et accessoires revisitent le style de nos ancêtres européens. Je trouve que les canapés à l’ancienne se marient bien avec l’esprit contemporain qui domine le loft tout en le réchauffant », ajoute malicieusement Pol. Des trophées de chasse détournés, aux formes stylisées qui représentent la supériorité du chasseur sur l’animal ou du guerrier sur son ennemi ou de l’homme sur la ville ? – se transforment ici en meubles. L’évocation de la nature, d’aventures lointaines dans des contrées sauvages, est en tout cas omniprésente. Attentif à la volonté du propriétaire d’avoir un coin où il pourrait entreposer tout en les exposant ses souvenirs et bizarreries chinés lors de ses nombreux voyages, l’équipe P&T Interiors a créé un cabinet de curiosités. La collection comprend des oeuvres d’art, des antiquités, des reliques religieuses et d’autres pièces d’importance historique, géologique, archéologique et ethnographique. Le cabinet a été inspiré par les petites chambres aux merveilles européennes du XVIe dans lesquelles nobles, apothicaires ou universitaires accumulaient de beaux et étranges objets qui avaient piqué leur curiosité. Ce cabinet aux squelettes, crânes, bois, cornes et de griffes, se double d’une bibliothèque riche de livres anciens. Juxtaposé avec les livres, un crâne – partie impérissable du corps et siège de l’âme – symbolise la mort physique par laquelle il faut passer pour renaître à un niveau spirituel supérieur. « Ce type de pièce reproduit un microcosme du monde et de son histoire, sans aucune prétention scientifique ou historique, de manière esthétique et sans éclipser le reste de l’espace dans lequel elle s’inscrit », tient à préciser Pol. Cabinet de curiosités ou lieu de réflexion ? Les objets se chargent, dit-on, des flux spiritueux qui les caractérisent. Certains estiment qu’ils se conjuguent pour devenir puissance agissante dans la vie des propriétaires… Pour le meilleur, nous leur souhaitons !

Texte : Claire Bossu-Rousseau – Photos : Lauren Coleman
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