Dans un ancien entrepôt désaffecté, anna gili s’est créé un univers enchanté dans lequel elle vit, travaille, dessine et rêve. Ses créations pleines d’humour et de teintes lumineuses envahissent murs et étagères. So glamourous…
Par Claire Bossu-Rousseau / Photos Giacomo Giannini
Difficile de ne pas connaître cette artiste qui a exposé au Centre Pompidou comme à New York, au Danemark ou encore en Corée. Les fameuses figurines d’animaux de la jungle colorés – l’éléphant « Fantel », « Zaffrà » la girafe ou « Gori » le singe -, c’est elle ! Son style est coloré, rond et ludique. Femme de caractère, elle a inspiré la forme de la collection « Anna G » dessinée par Mendini. Cette talentueuse architecte et designer, qui travaille pour de grands éditeurs comme Alessi, Bisazza, Cappellini, Swatch ou Cassina pour n’en citer que quelques uns, a élu domicile au coeur de Milan, dans un bâtiment dédié à l’époque à la métallurgie, reconverti depuis en habitations. Bien sûr, elle a entièrement rénové l’espace, aménageant un loft sur deux niveaux qui s’ouvrent sur un patio arboré. « Ce lieu me rappelle mon enfance, lorsque, fillette, je jouais dans l’usine de textile de mes parents et que je dessinais les maisons façon entrepôts ! Ce qui me plaît dans le concept du loft, c’est la suppression de toute référence à la dimension protectrice que l’on a tendance à projeter sur une maison bourgeoise classique. Ici l’espace est au contraire grand ouvert et onirique. » Dès qu’il y a des cloisons, Anna devient claustrophobe. Petite, elle vivait à la campagne et passait son temps dans les champs ne rentrant à la maison qu’à l’heure des repas et pour dormir. Cette vie au grand air lui manque mais son besoin de lumière naturelle s’est trouvé satisfait par la création de cette cour intérieure sur laquelle donnent toutes les pièces. La cuisine occupe bien évidemment une place centrale, c’est un lieu culte pour Anna, sûre qu’ici, et pour reprendre ses termes, « plane l’esprit de nos ancê tres. Elle donne elle aussi sur le patio. Au printemps, j’adore jardiner dans ce jardin de curé ! L’hiver, c’est une belle vitrine derrière laquelle il est, entre autres, agréa ble de regarder la neige tomber. Il n’y a finalement qu’en été que je ferme tout pour bénéficier de la climatisation ! »
Les différentes facettes de la personnalité du designer se reflètent ici dans l’ameublement. La plupart des meubles ont été conçus par elle : de nombreux prototy – pes y côtoient des objets mis en production, des pièces uniques et des cadeaux d’amis. Pour combattre l’austérité du vieux bâtiment, Anna a passé des nuits blan ches à plancher. Son souhait était d’imaginer un espace ouvert, moderne et dynamisé par une éclosion de couleurs maîtrisée tout en jouant avec la structure existante. Anna s’en explique : « C’est comme peindre sur une toile, il faut faire apparaître des volumes. J’aime ainsi manier les couleurs qui cassent la rigidité du contexte et apportent de bonnes vibrations. » Anna voit sa maison comme une scène ouverte où les murs des pièces sont comme des scènes de théâtre qui coulissent en fonction des besoins : « De cette manière, je peux me réserver des plages d’intimité quand j’en ai besoin car, en temps normal, j’adore avoir un oeil sur tout ! » L’architecte déclare aussi « traiter la géométrie de manière différente en contrant sa rigueur avec des images qui figurent la joie et le glamour. Et via les couleurs, j’exprime mes sentiments et la meilleure partie de moi-même. Avec un équilibre chromatique juste, on réussit à rendre un endroit accueillant et magique. » La couleur est un élément déterminant dans l’expression de son art. Dans son esprit, elle n’est d’ailleurs pas distincte du projet, ce n’est pas une touche finale mais bien une partie intégrante de la structure architecturale. Anna Gili pourrait facilement reprendre à son compte cette expression de Matisse qui résume si bien sa philosophie : « La couleur surtout et peutêtre plus encore que le dessin est une libération. »