Foudroyés par la beauté de la villa Carlia, sur les rives du lac de Côme, Marianne Brandi et Keld Mikkelsen, designers danois, l’achètent sur un coup de tête y réinventant leur univers et leur vie en famille…
Texte Anne-Marie Cattelain Le Dû / photos Wolfgang Bjørnvad/The SistersAgency
Le style originel de Marianne et Keld ? Épuré, scandinave, ethnique, loin, très loin des envolées flamboyantes de la Renaissance italienne qui, depuis le XVIIe siècle, enluminent les demeures où l’aristocratie milanaise prenait ses quartiers d’été, entraînant dans son sillage peintres, musiciens, sculpteurs, poètes. Désormais, artistes hollywoodiens, mannequins, politiques, créateurs de tous horizons, industriels, écrivains, prennent possession des lieux. Ici plus qu’ailleurs peut-être, le cœur a ses raisons, ses emballements que la raison ne connaît pas mais qui, par bonheur, redonnent leur superbe à ces bâtisses d’une autre époque et animent les bourgades alentour, au moins de Pâques à la Toussaint, avant que la grande majorité des volets des propriétés se ferment jusqu’au retour du printemps. C’est ce rythme, cette ambiance, ce sentiment de remonter le temps qui incitèrent Marianne et Keld à investir la villa Carlia sans, a priori, envisager de s’y installer en permanence.
« La modernité est essentielle, elle rend les pièces faciles à vivre au quotidien. Nous avons imaginé une maison à l’élégance décontractée. À notre image. »
À jeter l’ancre sur la rive occidentale du lac de Côme, non loin du cinq-étoiles Grand Hotel Tremezzo et du petit village éponyme, avec pour seul vis-à-vis les montagnes et la péninsule de Lavedo. « Au départ, je l’avoue, la villa, une des plus anciennes du lac, construite en 1676 par Tommaso de Carli di Volesio, mécène généreux, m’intimidait, freinait mes élans et mon inspiration, explique Marianne. Impressionnée par ses dimensions, ses hauts plafonds, son allure noble et son délabrement, je voulais retrouver ses fondements, ses marques d’origine Renaissance peinturlurées d’enduit jaune qui recouvrait la plupart des fresques. Keld, mon mari, a eu les mots justes, les arguments frappants pour que j’ose m’exprimer, sortir de ma réserve afin que nous nous sentions chez nous, avec nos points de repère. » Restaurée, la demeure témoigne vraiment de la complicité du couple, de ses années de collaboration, d’échanges, de travail commun, Marianne côté lifestyle, Keld côté mode. « Oui, aujourd’hui, la villa reflète nos racines danoises, mais aussi l’Inde, où vit notre fille Amalie avec son mari indien, qui tous les deux aiment se poser sur les bords du lac. »
« Chaque pièce de notre maison est le double reflet de nos rêves et de ce que nous sommes. On l’aménage pour soi, pour ses proches selon ses goûts, pas pour épater les autres. »
La villa Carlia, divisée un temps en quatre appartements loués l’été par ses anciens propriétaires, méritait d’être repensée, en abattant des cloisons, en supprimant les cuisines et les salles de bains rajoutées au fur et à mesure des lotissements. Si le jardin en pente vers les berges et la façade donnaient encore le change, l’intérieur était plus que balafré, défiguré, banalisé. « Pour éviter des erreurs grossières, j’ai consulté à Milan des experts du XVIIe siècle. Ils m’ont fourni des photos, des dessins, des nuanciers de teintes utilisées alors. » Forts de ces informations et de ces éléments, Marianne et Keld, après une période de travaux consacrés au gros œuvre, ont chiné mobilier et objets chez les antiquaires, les brocanteurs, dans les foires, les marchés aux puces et même les vide-greniers. Une longue traque tissée de rencontres, de déconvenues mais aussi de belles surprises. Les meubles et accessoires « historiques » dénichés, le couple a puisé dans les catalogues d’éditeurs.
« J’aime, en toute liberté, mélanger les styles, les époques, des sculptures classiques avec un canapé anglais, des coussins brodés indiens et un tapis tissé en Ouzbékistan. »
« J’ai compris que la villa, une fois remise d’équerre, une fois ses fresques ressuscitées, m’autorisait à l’inscrire dans notre siècle. J’ai donc mélangé les époques, les styles, faisant malgré tout la part belle aux antiquités, la maison ayant plus de 300 ans. Puis, avec mon mari, nous avons choisi ce que nous aimions, des objets contemporains italiens, danois, suédois, français. » La bâtisse a retrouvé son âme, sa vocation première, non celle d’un musée, non celle d’un lieu de villégiature qu’on abandonne aux premiers froids, mais celle d’une demeure de famille où chaque pièce est confortable, où ses propriétaires vivent au quotidien, reçoivent, dorment, se relaxent en lisant, en regardant la télévision, en prenant leurs repas. « Peu à peu, elle est devenue notre résidence principale, où notre fille et son mari rechargent fréquemment leurs batteries quittant la touffeur, la pollution de Delhi pour respirer, se ressourcer. Ici, nous avons retrouvé le plaisir de nous soumettre aux caprices des saisons, du climat, de contempler le paysage, d’admirer notre jardin, ses fleurs, de sentir ses parfums. De devenir des campagnards, se nourrissant essentiellement des produits locaux, des poissons du lac, des légumes et fruits provenant des fermes de la plaine voire des montagnes. De faire corps avec cet environnement rare. »
Planté, parfumé de jasmin de mai à juillet, descendant en pente douce vers le lac, c’est par ce jardin qu’il faut aborder la villa. Grandiose et dans l’esprit des lieux.
Marianne Brandi
Posant avec sa chienne Gigi devant une œuvre de Trine Søndergaard, Marianne confie : « Ni mon mari ni moi ne sommes architectes ou décorateurs d’intérieur mais nous aimons imaginer nos cadres de vie. Pour ma part, j’ai créé la marque danoise Day Home, de meubles et d’accessoires. Keld Mikkelsen, fondateur de Day Birger, était styliste de mode. Désormais retirés de la vie professionnelle, après avoir restauré notre chère villa Carlia, nous cherchons une deuxième demeure à remettre en état, notre famille s’agrandissant. Une maison qui nous ressemblera et nous rassemblera. »
Article paru dans le numéro 174 de Résidences Décoration.