A Monterrey au Mexique, au cœur du parc national Cumbres, la maison construite par le célèbre architecte japonais, Tadao Ando, prix Pritzker en 1995, plane entre ciel et terre. Une construction en béton, graphique et aérienne, face à un site dont elle restitue la spectaculaire beauté.
Elle se fond dans la nature à moins que ce soit l’inverse. Surplombant la ville de Monterrey, la maison que Tadao Ando a conçue pour un couple de Mexicains amoureux de la nature, renoue avec la philosophie de ses réalisations emblématiques, la Church of light à Ibaraki, la fondation Langen à Neuss en Allemagne, la Pulitzer Foundation for the Arts à Saint-Louis dans l’Etat du Missouri : réaliser une architecture cérébrale sans être abstraite, spirituelle sans être mystique.
En résumé, le culte de la simplicité élevé au rang d’éthique. Pour le plan, cet observateur serein de l’ordre des choses s’est inspiré de la tradition architecturale du pays du Soleil Levant, de la beauté planante des jardins japonais. Démarche qui se retrouve partout ici puisque la vertigineuse surface habitable de mille cinq mètres carrés fait écho à la grandeur du paysage environnant.
Avec ses angles et ses terrasses, ses portiques très graphiques, sa forme en quadrilatère inspirée des haciendas mexicaines et sa piscine qui semble être en suspension, la demeure est une performance architecturale en osmose avec les roches et la végétation, et surtout avec les tonalités cosmiques du site. Afin de ne pas troubler l’ordre naturel des choses, les branches de certains arbres traversent même les terrasses, comme si la flore reprenait le dessus.
Construite au milieu du parc national, la demeure échappe ainsi à la brume tropicale qui plane quelquefois sur la ville, tout en bénéficiant de la vue spectaculaire sur la Sierra de las Mitras. Pour convaincre l’architecte qui était au début légèrement réticent à s’engager dans une telle aventure, les propriétaires du lieu, Alberto et Alejandra Fernandez sont passés par l’ambassade du Japon à Mexico. « Nous l’avons convaincu en lui expliquant dans une lettre toute simple que s’il réalisait cette maison, c’était comme s’il participait à la construction d’une petite partie du paradis sur terre. »
Le couple fit ensuite appel à la société de construction Paralelo, pour réaliser le gros œuvre. Car il n’y avait pas à Mexico de société susceptible de répondre à l’exigence et à la renommée du travail de Tadao Ando. Deux experts de l’agence japonaise, Yukio Tanaka et Kohei Sugita vinrent donc spécialement à Monterrey pour rencontrer sur place les travailleurs de Parelalo. La construction a débuté en 2009 et s’est achevée en 2011.
Si la plupart des pièces font face à des cours paysagères, la master suite et le grand living du rez-de-chaussée donnent en revanche sur la terrasse de la piscine, dont le sol, dallé de tuiles en granit indonésiennes, se teinte de vert quand il est mouillé, contrebalançant ainsi la tonalité monochromatique générale. Dans ce nombre de pièces malgré tout limité eu égard à la surface du lieu, la sobriété édicte sa sereine loi, le sens du vide habité également, la quête du silence, de la contemplation.
Parquet en bois, murs en béton, structures en acier et grandes baies vitrées pour abolir toute frontière avec l’extérieur. Le trait de génie est d’avoir ensuite articulé le plan de la maison autour d’une bibliothèque monumentale. Couvrant toute la partie d’un mur, ses montants, déclinés dans une tonalité sombre, contrastent avec la lumière renvoyée par les baies vitrées. Du second niveau, la vue sur la vallée est grandiose.
Les étagères se remplissent au fur et à mesure, selon les inspirations, les moments, les séjours, les voyages. Si cette bibliothèque est devenue le cœur de la maison, son point de ralliement, un peu comme le serait un âtre, car, chez ce couple ayant trois enfants, les livres ont remplacé télévisions et ordinateurs, elle fait également office d’intermédiaire entre les espaces de vie : l’entrée, le corridor et la chambre des maîtres situés au premier niveau, et les pièces de réception du rez-de-chaussée comprenant une cuisine salle à manger, un grand séjour, une master suite, les chambres des enfants ainsi qu’une cave à vins et une salle de gymnastique.
La grandeur et la simplicité de cette rigueur architecturale quasi céleste forcent définitivement le respect.
Par Yuki Sumner et Serge Gleizes – Photos Edmund Sumner/Photofoyer
Publié dans Résidences Décoration numéro 115