Dans cette maison de vacances inondée de lumière, le décorateur Frédéric Méchiche a réussi la gageure de privilégier d’imposants chefs-d’oeuvre de l’art contemporain sans qu’on ait l’impression d’être dans un musée, en tenant compte du gout de ses clients pour la douceur de vivre dans un luxe élégant, simple et discret.
Par Philippe Seulliet
Franc-tireur dans son métier, Frédéric Méchiche n’a plus de galerie, pas de cabinet, pas d’assistants et pas même de site internet. C’est un des architectes d’intérieur les plus publiés dans les magazines internationaux que, distrait ou modeste, il perd aussitôt. Chez lui, dans un immeuble très Bauhaus du Marais (encore un paradoxe), la déco n’existe quasiment pas : c’est plutôt un appartement de collectionneur (de mobilier vintage, d’art premier et d’art contemporain) où Lulu et Lola, ses deux carlins, dorment sur des coussins surmontés d’une table basse en guise de baldaquin. Jeune diplômé de Camondo, il eut la chance de décrocher comme premier chantier un triplex avec piscine dominant les toits de Paris. Et le reste suivit : un château XVIIIe à la campagne, un hôtel particulier à Londres, des villas mirifiques, des yachts, des jets privés aménagés pour des clients fortunés et discrets. « J’ai toujours choisi de travailler seul, dit-il, pour un seul projet à la fois, où je dessine tout, des lavabos jusqu’aux placards. » Frédéric Méchiche serait incapable de réaliser une maison clés en main pour un commanditaire anonyme. Il préfère les esthètes passionnés, avec lesquels il échange des idées et entretient des liens étroits d’amitié et de complicité.
Tel est le cas des propriétaires de cette villégiature, située en Toscane, pour lesquels Frédéric Méchiche avait déjà fait plusieurs projets, dont leur résidence principale, en Allemagne. Amateurs d’art, possesseurs de très grandes oeuvres signées Rauschenberg, Chamberlain, Richter, Lichtenstein, Wesselmann, Frank Stella, Tony Cragg, ils cherchaient une demeure à leur échelle, dont ils puissent transformer l’intérieur dans un esprit très simple, c’est-àdire autre chose qu’un monument classé. Une vaste villa 1930 fit finalement l’affaire, idéalement située au sommet d’une colline, entourée d’un gigantesque parc boisé surplombant une vallée inchangée depuis la Renaissance. Tout en conservant son côté strict et néoclassique, Frédéric Méchiche l’a rendue plus lumineuse encore, créant de nouvelles baies encadrant chacune un morceau de paysage, et des perspectives entre les pièces immaculées, toutes dallées de pierre grise du Hainaut. Cette gamme chromatique contribue à unifier l’ensemble, de même que le mobilier, partout semblable, que le décorateur a dessiné en le surdimensionnant, afin de l’adapter à l’immensité des volumes. « C’est du minimalisme, mais pas froid, conclut Frédéric Méchiche. On peut déambuler ici comme dans un château, avec des escaliers, plusieurs niveaux, des murs épais, des recoins, des patios, des piliers, donnant du mystère au lieu et mettant en valeur cette extraordinaire collection ».