Une villa suédoise en harmonie avec la nature

La déclivité des rives du lac Magelungen, dans le comté de Stockholm, a contribué au design de cette villa à l’écart du monde, conçue par Trigueiros Architecture. Composée d’une enfilade de structures orientées vers l’eau, elle optimise les perspectives sur ce site naturel d’exception.

Texte Dominic Lutyens / Photos James Silverman
Traduction Élodie Declerck

Posée sur les rives du lac Magelungen, l’un des plus vastes de l’archipel de Stockholm, une villa familiale de 10 mètres de hauteur se fond pourtant dans le paysage d’arbres et d’eau. Son architecture ? Trois structures cubiques en enfilade, la plus grande se composant de deux constructions adjacentes formant un H et accueillant les principaux espaces de vie. Un second bâtiment est dédié aux invités et, à l’écart, un troisième, plus petit, sert de belvédère. Un endroit calme et intime, idéal pour lire ou contempler le panorama presque primitif d’une nature s’étendant à perte de vue. Car la région est riche en biodiversité. Les forêts, zones humides, parcs et prairies alentour abritent une multitude d’animaux sauvages, notamment des oiseaux, grèbes huppés, pics et goélands. À l’image des occupants de cette villa, quelques chanceux profitent de cet éden toute l’année, la capitale ­suédoise étant facilement accessible grâce à de nombreux ponts, aux liaisons ferroviaires et routières, et même au métro. La nature aux portes de la ville !

DÉFIS TECHNIQUES. Située sur une péninsule, la villa posée sur pilotis de béton touche presque l’eau. Autour des rochers difficilement praticables, des jetées en bois de cèdre ont été aménagées pour faciliter l’accès à la baignade. « Comme des balcons suspendus », poétise l’architecte.
MATÉRIAUX AUTHENTIQUES. Le mur en briques du salon sert de séparation informelle entre cet espace et la cuisine. Le chêne fumé a été utilisé comme tonalité de bois dans la cuisine sur mesure. Au fond, un volet métallique dissimule au besoin les étagères ouvertes.
FILS CONDUCTEURS. Enchâssée dans la cloison en briques, une bibliothèque passe-plat permet de garder le lien avec le salon. Les rangements agencés dans le long îlot de cuisine sont revêtus de noyer américain huilé, le plan de travail est en quartz Silestone®.

Certes, la géométrie très carrée de la villa aurait pu contraster avec les contours organiques et accidentés du rivage rocheux, même si ceux-ci sont adoucis par des bosquets de chênes et de saules gracieux et verdoyants en été. Mais ces bâtiments ne sont finalement plus si anguleux une fois revêtus de bois de cèdre rouge, spécialement choisi parce qu’il change naturellement et rapidement de couleur au profit d’un doux gris-argenté ! Ici, quelques mois à peine après le chantier, il a déjà fait son travail, prenant un ton qui s’harmonise parfaitement avec les affleurements rocheux couleur pierre ponce mouchetés de mousse. 

LA VIE EN PANORAMIQUE. Depuis le vaste living-room ou la terrasse en bois de cèdre surplombée d’une pergola s’offre une vue à couper le souffle sur le lac. Canapé « Tufty-Time », B & B Italia.
ESPRIT SIXTIES… L’une des salles de bains présente des carreaux de teinte babeurre, signés du fabricant italien Botteganove. Un rappel délicieusement rétro aux maisons expérimentales de Californie qui ont servi d’inspiration à cette villa. Robinetterie noire Dornbracht.
… OU ESTHÉTIQUE CONTEMPORAINE. Des couleurs et motifs plus audacieux ont été introduits dans une autre salle de bains, en référence à la nature primitive. Carreaux outremer « Flora », design Chiara Andreatti pour Botteganove.

Créer une continuité ? C’était bien l’intention de Vasco et Maria Trigueiros, cofondateurs du cabinet Trigueiros Architecture, chargé du chantier. « Nous commençons toujours par suivre les souhaits de nos clients. Ce sont eux qui sèment les graines du projet, en définissent le caractère essentiel. Ils nous fournissent souvent des images qui évoquent une atmosphère. Nous les interprétons alors, et leur demandons aussi comment ils envisagent de vivre dans la maison », explique le duo. Dans le cas présent, les propriétaires, très impliqués car passionnés d’architecture, étaient inspirés par les maisons expérimentales, aujourd’hui emblématiques, construites en Californie dans le cadre du « Case Study Program ». Ce programme architectural a vu naître des dizaines de projets résidentiels d’avant-garde en Californie entre 1945 et 1966. Mis en place pour répondre à la crise du logement d’après-guerre, il prônait une construction rapide, l’utilisation de matériaux bon marché et l’adoption d’une esthétique moderniste. Parmi les caractéristiques de ces habitations : charpentes métalliques, plans ouverts et aménagements décloisonnés, volumes simples et fenêtres panoramiques qui estompaient les frontières entre intérieur et extérieur. Autant de traits reconnaissables dans cette villa suédoise ! La palette des matériaux aussi est restreinte : du béton, pour les ­plateformes de soutènement ; de l’acier, pour la charpente ; du bois et de généreuses ­étendues de verre.

UN COIN À SOI. Dans ce belvédère intime aménagé comme un petit salon, on lit au calme, on médite devant un panorama sauvage s’étendant à perte de vue ou on se change avant de se jeter à l’eau. 
ENFILADE DE CUBES. À gauche, l’espace de vie des propriétaires. Un peu en contrebas, la maison dédiée aux amis de passage, avec salon, chambre, garde-manger et salle de bains. Au fond, une zone cuisine en plein air qui réunit tout le monde autour du barbecue. 

Selon Vasco et Maria Trigueiros, « il existe peu de contraintes liées à l’aménagement du terrain en Suède ». Mais le cabinet d’architectes, dont la philosophie est fortement axée sur le respect de l’environnement, a souhaité ancrer la villa de manière sensible et raisonnée dans le paysage. En préservant la forêt de chênes alentour et les affleurements rocheux au bord du lac, ils ont conçu avec leur équipe une maison familiale la plus respectueuse possible. Ainsi, le bâtiment se distingue par une horizontalité qui lui permet de ne pas s’imposer dans le décor. Sa configuration en trois éléments a été déterminée par le terrain en pente – une décision qui a renforcé son intégration dans l’environnement. « Il existait un chemin qui descendait jusqu’à l’eau. Nous l’avons conservé… l’entrée de la maison l’enjambe donc ! » sourit Vasco. L’osmose avec la nature se reflète aussi à l’intérieur, avec des matériaux naturels employés jusque dans des espaces utilitaires. Une série de fenêtres stratégiquement placées pour optimiser le panorama contribue encore à unifier la construction avec le site qui l’entoure. « Où que l’on soit, on a une vue sur le lac, des trois côtés de la péninsule », souligne Vasco. Pour laisser la vedette au paysage, la décoration est volontairement sobre, mais les propriétaires ont néanmoins opté pour quelques éléments colorés dans le salon et dans les salles de bains aux carreaux de céramique jaune babeurre ou, plus flamboyant, bleu encre. 

SOBRIÉTÉ SOPHISTIQUÉE . Dans la chambre principale, le dressing revêtu d’un placage chêne se prolonge jusqu’au seuil de la salle de bains. Une confortable banquette encastrée en cuir joue la carte du chic. Les murs arborent une peinture Farrow & Ball.
RECEVOIR EN XXL. Puisant dans l’architecture américaine des années 1960, cette villa, qui vit et reçoit à grande échelle avec son mobilier accueillant et sa distribution travaillée, correspond aussi aux aspirations scandinaves d’aujourd’hui.
BRISE-VUE DE STYLE. Au gazébo, une douche a été installée dans le mur en briques ocre de la manufacture familiale belge Vande Moortel. Ces dernières appuient la cohérence avec le reste de la villa.  

Si cette villa marie divinement nature et architecture, ­intérieur et extérieur, elle ne passe pas pour autant inaperçue : lorsque les rayons du soleil frappent les pergolas, celles-ci créent un jeu graphique de lumière et d’ombres diagonales ou horizontales, permettant à qui se promène dans ce dédale de sentiers rocheux et de chemins verdoyants d’apprécier aussi les formes audacieuses de cette construction hors norme.

Vasco et Maria Trigueiros 

© Sanna Dahlén

« Nous gérons nos projets du début à la fin et sommes toujours responsables de tout ce que nous créons », explique Vasco Trigueiros. Et pour cette villa privée avec dépendances si proche de l’eau, c’est bien l’architecture, le design intérieur et l’aménagement paysager que le couple qu’il forme avec Maria a pris en charge. Basée à Stockholm, leur agence fondée en 2003 et qui compte désormais 9 collaborateurs (architectes et ingénieurs civils) combine une connaissance méticuleuse de l’architecture avec un engagement environnemental fort et le désir permanent d’élargir sa créativité. 

Article paru dans le numéro 172 de Résidences Décoration.

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