Face aux Faraglioni, les rochers géants symboles de Capri, Sabrina Monteleone-Oeino, décoratrice, a déniché une maison surplombant la mer et la plage, qu’elle a faite sienne.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Yvan Grubski
Oser acheter un bien, en l’occurrence une maison, sans la visiter, juste parce que depuis des années on fantasme sur cette poignée de demeures perchées dans la baie en face des Faraglioni, ces rochers se détachant sur le turquoise de la Méditerranée. C’est l’audacieux pari de Sabrina Monteleone-Oeino, décoratrice monégasque.
« Amoureuse transie de Capri, j’y vais depuis plus de 25 ans. Je m’y suis même mariée, c’est dire mon attachement à cette île. J’aime ses paysages, ses fleurs, ses parfums, ses couleurs, son ambiance. J’y séjourne régulièrement à partir de mai et m’y installe avec mon mari et mes filles pendant tout le mois d’août. C’est ma parenthèse bonheur, ma respiration. À chacun de mes séjours, je rêvais de posséder une des huit maisons érigées en suspension au-dessus de la mer, face aux Faraglioni. J’avais contacté toutes les agences “au cas où”. Mais ces biens se négocient la plupart du temps par bouche-à-oreille. Et miracle, pendant le confinement, un agent immobilier m’appelle pour me signaler une villa mise en vente. Description, plan, photos… je m’emballe. Mon mari tente de modérer mon enthousiasme, de m’inciter à attendre de la visiter, ce qui était impossible compte tenu de l’interdiction de se déplacer. Je m’entête, envoie l’offre d’achat puis signe peu de temps après. J’ai attendu quatre mois pour découvrir enfin “ma” maison. Je vous avoue que j’avais le cœur battant en y pénétrant. »
Coup de foudre quasi immédiat pour la situation exceptionnelle, l’accès direct, par une volée de 25 marches, à la plage privée dotée d’un des meilleurs restaurants de l’île. Et, surtout, coup de foudre pour la demeure datant de 1902 avec ses murs épais, rustiques, ses pièces enveloppantes. 100 mètres carrés très sains, qui nécessitent avant tout un nettoyage du sol au plafond et un grand rafraîchissement. « Nous l’avons, sans hésitation, baptisée Casa Sabrina. » Construite en espalier, sur trois niveaux, elle ressemble à un yacht avec ses terrasses deck. Sabrina l’aborde donc, avec la complicité de son mari, architecte naval, comme un bateau de croisière. Le pont supérieur avec vue panoramique devient un solarium au sol tapissé de galets. Le second joue les terrasses du salon. C’est à ce niveau aussi que Sabrina implante sa chambre, de petite surface mais disposant de grands rangements qu’elle dessine. Sur le dernier deck, le plus bas, Elsa et Carla, 28 et 30 ans, les deux filles du couple qui travaillent avec leur maman, se partagent la seconde chambre aux couleurs très girly avec un mur recouvert de fleurs vives, peintes par l’artiste italienne Francesca Marabini. « Nous avons conservé les structures à l’identique, sans casser aucun mur. J’aime dire que nous avons procédé à un nettoyage de printemps pour la rendre pimpante, joyeuse, agréable à vivre. » Sabrina apporte tous les matériaux, céramique, tissus, sanitaires, meubles faits sur mesure pour la Casa. Elle chine chez les antiquaires et les brocanteurs des objets, notamment des céramiques typiques de cette région. Puis elle choisit, pour effectuer les travaux d’embellissement, des entreprises locales qui travaillent dans le respect de l’environnement et du style de Capri. « Les artisans d’ici savent déjouer les aléas propres aux îles, et plus particulièrement à celle-ci, très escarpée. J’avoue que leur savoir-faire et leur débrouillardise m’ont plus d’une fois sidérée. Ils ont par exemple réussi à transporter et installer un miroir hors norme dans le salon. Ou encore à fixer à la perfection le magnifique escalier extérieur allant d’un deck à l’autre conçu par mon mari. »
Comme toutes les demeures en bord de mer, Casa Sabrina mérite des attentions particulières pour ne pas vieillir prématurément sous les attaques répétées de l’air marin chargé de sel très corrosif, du vent, du soleil. « Une gouvernante veille à l’année sur elle et, pour qu’elle soit le plus souvent ouverte, aérée, habitée, j’envisage de la louer à des amoureux, comme moi, de Capri. »
Sabrina Monteleone-Oeino
Après avoir travaillé dans la mode – « Je suis tombée dedans petite, ma maman était couturière, mon père tailleur » –, Sabrina Monteleone-Oeino change son fusil d’épaule, étudie dans une école d’art et ouvre son studio d’architecte d’intérieur en 1999, Sabrina Monte-Carlo. Aujourd’hui, le studio compte 45 collaborateurs qui travaillent sur des projets résidentiels haut de gamme, mais aussi des bureaux, des clubs de luxe, l’aménagement intérieur de jets privés, de yachts. Ils créent, en parallèle, des accessoires et objets pour la maison. « Mon mari est architecte naval. Nous menons parfois des projets ensemble mais possédons chacun notre société. »
Article paru dans le numéro 169 de Résidences Décoration.