Pour donner du peps à ce ranch authentique ceint d’un jardin, construit à Nashville, Tennessee, dans les années 1950, le studio Michael Goorevich Architects l’a coiffé d’un double toit surdimensionné. Chapeau !
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Kristian Alveo
Dégotter cet incroyable ranch daté de 1956, d’une surface de 445 m2 avec cinq chambres et un jardin, à Belle Meade, proche banlieue de Nashville, à deux pas des studios d’enregistrement les plus célèbres au monde, où tous les plus grands du rock, du blues et de la country, surtout, ont enregistré et enregistrent encore… une chance. Une chance saisie par Amy et Craig Clark, parents de deux garçons et ayant pour maître un chien – et non le contraire, confient-ils en riant. Elle est artiste autodidacte, peintre et sculptrice, lui audiophile érudit, pianiste et guitariste à ses heures. Tous les deux sont psychologues pour enfants par passion. C’est une famille amoureuse de sa ville, de son ambiance, des multiples possibilités qu’elle offre, et qui, dès sa première visite, a eu un coup de foudre pour cette construction un peu de guingois mais dans laquelle Amy s’est immédiatement projetée : « Je devinais que les nuits seraient douillettes, et les jours de soleil au bord de la piscine heureux. Que nous disposerions tous de suffisamment d’espace pour nos lobbies et nos activités. »
Le couple s’est donc investi à fond aux côtés de Michael Goorevich, l’architecte présenté par Giachery Lizarraga, leur entrepreneur, pour réaliser la maison de ses rêves, lui allant jusqu’à dessiner des meubles, décider des couleurs pour telle ou telle pièce, elle chinant à tout-va, du mobilier, des tapis, des objets.
Et le maître d’œuvre de dialoguer avec la maison. Pourquoi pas ! « Mon objectif, en parfait accord avec les propriétaires, n’était pas de créer une nouvelle architecture mais plutôt de libérer, après l’avoir comprise, la construction existante, pleine de potentiel, comme l’assurent les agents immobiliers. Nous nous sommes posés de longues heures devant la façade songeant “si seulement nous pouvions ne changer qu’une seule chose”. Et soudain l’évidence ! Cette chose à changer, c’était le toit riquiqui ne coiffant que la partie centrale du ranch, ni beau, ni bien fait, en vilain matériau de surcroît. En avant toute ! Nous nous sommes transformés en modistes pour doter la demeure d’un énorme chapeau en pin biosourcé modifié certifié FSC, de Kebony. Une fois ce bois adopté pour le toit, nous avons décidé de l’utiliser aussi à l’intérieur. » Une frénésie ! Encadrements des fenêtres agrandis, cadres des moustiquaires, soffites pour les plafonds. Tout a découlé de ce fameux toit et de ce bois. Ils ont même récupéré des lattes pour relier, à l’arrière, le toit à la terre, créant ainsi une sorte d’abri dont la cloison sert également de clôture infranchissable. Le toit-chapeau devient un refuge donnant sur l’extérieur, et le grand salon percé de fenêtres connecte toute la maison au jardin et bien au-delà.
À l’intérieur, même souci de concilier l’ancien et le nouveau, d’intervenir a minima. Menuiseries et boiseries en chêne blanc redistribuent l’espace, l’illuminent très simplement, lui donnent, mine de rien, une allure contemporaine, à l’instar des fenêtres agrandies en largeur et en hauteur de la façade accueillant la porte d’entrée. L’utilisation sans restriction du bois a comblé les désirs des occupants et les rêves de l’architecte, apportant une note chaleureuse, contrastant joliment avec les bâtis de brique existants, jonglant avec les éclats métalliques du verre, les adoucissant. « Le bois se patine et vieillit de telle sorte qu’il finit par brouiller les pistes et que très vite on ne sait plus lequel est le plus ancien. Enfin et surtout – c’était mon but –, il permet au bâtiment modernisé de s’intégrer sans jouer les trouble-fête, dans les constructions alentour : les fermes, les granges voire les hangars industriels et les studios d’enregistrement les plus “historiques”. » Il ne détonne pas dans cet ensemble, il y interprète sa partition originale avec mesure et élégance.
Michael Goorevich
Diplômé en architecture de la Harvard Graduate School of Design, membre de l’Académie américaine de Rome, architecte agréé à New York, dans l’Ohio et dans le Tennessee, Michael Goorevich a fondé son studio il y a neuf ans et ne travaille qu’avec un seul collaborateur. Son objectif : « Personnaliser chaque projet, quelle que soit son importance, par une architecture authentique, reflétant la culture, l’art de vivre du Tennessee, et l’adapter au climat extrême de cet État. » Si la plupart des clients sollicitent son agence pour réaliser leur résidence ou la restaurer, deux projets récents le passionnent : la conception d’un studio de cinéma en brique et la rénovation d’un très grand entrepôt « où je peux m’en donner à cœur joie, côté couleurs et fantaisie ».
Article paru dans le numéro 170 de Résidences Décoration.