Le Terrain de jeu, un appartement ultra-classique de 175 m2, dans le très chic 7e arrondissement, non loin des Invalides. le But, le redistribuer et créer de nouvelles pièces pour accueillir une famille et ses cinq enfants. À la manœuvre, l’architecte Nicolas Bossard.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Nicolas Mathéus ©
Imaginer le nouveau cadre de vie d’une famille interpelle les architectes. Lorsqu’après leur acquisition, les parents d’une tribu de cinq enfants contactent Nicolas Bossard, ce dernier est enthousiaste. L’appartement traversant donne à la fois sur le square de la Tour-Maubourg, proche des Invalides, une impasse et un jardin planté de grands arbres. Cette localisation lui vaut une exposition ensoleillée et une vraie luminosité, alors qu’il se situe au premier étage. « L’intérêt du projet, explique le décorateur, était de s’appuyer sur les qualités du bien, belle hauteur sous plafond de 3,10 mètres, moulures, corniches, cheminée, tout en lui apportant une touche de modernité avec du mobilier design et une palette de couleurs actuelles.» Les clients souhaitaient aussi créer une quatrième chambre afin que tous leurs enfants soient à l’aise.
Après avoir examiné le plan et la distribution des pièces existantes, la solution la plus évidente semblait de mordre sur l’entrée, le couloir et la cuisine pour aménager un espace habitable. Comme dans les haussmanniens classiques, la cuisine, reléguée loin des pièces de réception, donnait sur l’escalier de service, ce qui permettait d’offrir une entrée indépendante à la pièce destinée à un adolescent, mais aussi d’aménager un dressing et une seconde salle d’eau.
En accord avec les propriétaires, Nicolas Bossard décide donc de la déplacer dans la partie réception traditionnelle qui compte, en enfilade, séparées par une double porte, une vaste salle à manger et un salon aux dimensions généreuses. Il dessine une cuisine sur mesure semi-ouverte qui s’intègre avec élégance et discrétion au côté living. « J’ai conçu le sas et l’îlot afin qu’assis autour de la table de la salle à manger, les convives ne voient aucun appareil ménager, four, plaque de cuisson, hotte, frigo, etc. » C’est réussi !
Puis, pour conserver une surface agréable à l’espace voué aux soirées, aux fêtes, aux dîners, le décorateur retire les doubles portes, apportant ainsi de la profondeur. « J’ai remis en état les parquets, refait les fenêtres à l’identique et récupéré les crémones d’origine pour les laquer. » Les ouvertures ont été équipées d’un double vitrage pour une meilleure isolation thermique et phonique, mais aussi d’un système antieffraction, le premier étage étant la cible favorite des cambrioleurs. Tout a été restauré et peint en blanc, les moulures, les trumeaux, les miroirs, le stuc. Loin de gommer le style d’origine, il fallait, au contraire, le sublimer.
Afin que cet appartement très traditionnel devienne convivial, en phase avec le mode de vie actuel des parents autant qu’avec celui des enfants, Nicolas Bossard a imaginé un salon, pièce à vivre située à l’opposé de la partie réception. « Les membres de la famille s’y succèdent ou s’y retrouvent selon les heures, pour lire, jouer du piano, disputer des parties de cartes, de jeux de société. » Le décorateur le traite à la façon d’un cabinet de curiosités anglais, choisit des teintes de la Maison Ressource, plus enveloppantes, un vert anglais et un noir.
Quant aux trois chambres d’origine, desservies par un long couloir qui longe l’espace intérieur de la cour, elles conservent leurs proportions et leur caractère fin XIXe, tout en affichant une allure pimpante et contemporaine. Elles ont été pensées comme des respirations, des invitations à l’évasion, au voyage, avec des panoramiques monochromes d’Isidore Leroy. « J’ai choisi du mobilier d’une simplicité extrême que j’ai personnalisé, comme les lits superposés Ikea de la chambre des garçons que j’ai peints en bleu, en harmonie avec le papier peint.Celles des deux filles est plus baroques, plus girly. » Preuve qu’il est possible de marier intelligemment passé, présent… et avenir.
Article paru dans le numéro 161 de Résidences Décoration.