« Jamais mieux servi que par soi-même », mantra de Camille Aryeh, architecte d’intérieur qui a décoré dans le quartier genevois le plus résidentiel, son appartement style haussmannien. Entre splendeurs Art Déco et design d’éditeurs.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Didier Delmas
Grise, ennuyeuse, sans fantaisie, Genève ? Un jugement à l’emporte-pièce car avec son lac, ses montagnes, ses vignobles, sa campagne proche, la ville banquière possède mille et un atouts. Avec aussi ses touches architecturales audacieuses, comme la dernière boutique Dior signée Christian de Portzamparc. Dix étages blancs coiffés d’une terrasse, apostrophant les passants, rue du Rhône, sur la rive gauche.
Qui vit ainsi Rive gauche sur les bords du Léman bénéficie de boutiques haut de gamme, d’un monde aquatique changeant au fil des jours et même des heures, de paysages tantôt pastel noyés de brume, tantôt rutilants de couleurs sous le soleil généreux. Ici les villas prennent de l’ampleur et les appartements de l’envergure. Voilà pourquoi Camille Aryeh jette son dévolu sur ces quartiers agréables, épluchant les annonces, interrogeant nombre d’agents immobiliers, jusqu’à ce qu’elle craque pour un appartement de 350 m2. « Ce qui m’a séduite ? Son charme intemporel, sa luminosité, son cachet début xxe siècle, son allure haussmannienne avec ses sept pièces aux beaux volumes et leur incroyable hauteur sous plafond. D’emblée, j’ai repéré ses vieux parquets en chêne, ses moulures ternies qui nécessitaient juste un rafraîchissement. Une base formidable pour projeter mes fantasmes, offrir au lieu ce qu’il méritait : le meilleur ! Il n’y avait même pas à repenser la distribution. Et puis, il m’évoquait tellement l’appartement de ma grand-mère chérie à New York dans lequel j’ai vécu tant de moments magiques, avec sa symétrie parfaite, ses espaces opulents, ses pièces où l’Art déco flirte avec des matériaux industriels, bruts, la brique, le fer. Dans ma tête, au fur et à mesure de mes visites, mes idées s’organisaient, les évidences s’imposaient entre élégance et audace Art déco, œuvres d’art originales et objets d’éditeurs contemporains. »
Dès lors, Camille hante les ventes aux enchères, le Mercanteinfiera di Parma, grande foire bi-annuelle d’antiquités et à Saint-Ouen, le marché Paul-Bert Serpette, où dans les allées ses marchands favoris lui réservent, connaissant ses goûts des luminaires des années 1950 de la maison Lunel, du mobilier édité en pièce unique. Elle écume aussi les antiquaires en Italie et à Paris. Et trouve son dernier coup de cœur, à Milan, un buffet italien années 1930 en ébène et parchemin. « Mon objectif à travers ces recherches : accentuer le caractère début XXe siècle de l’appartement, lui apporter de la fraîcheur, de la chaleur, du “vécu”, mais aussi de la modernité, un esprit design, un style intemporel avec du caractère. D’où cette quête d’objets et de mobilier vintage, et mon attention particulière au jeu de lumières, le plus important. Vous pouvez dessiner le plus joli décor, avoir le plus joli mobilier, si la lumière est nulle, tout sera gâché. » En parallèle, Camille choisit les tonalités des panoramiques, des papiers peints, des panneaux, des textiles pour donner une unité. Le blanc et le bleu triomphent, relevés de quelques touches osées de jaune, de violet, d’or. « J’ai une passion pour les revêtements artisanaux, comme les papiers peints à la main, en soie, à la feuille d’or, aux motifs japonisants qui apaisent. Une passion aussi pour les nuanciers Pantone. Je passe des heures à comparer les couleurs, à les associer avant de jeter mon dévolu sur des pots Farrow & Ball, Little Greene, Sherwin-Williams Emerald. » Sensible aux belles matières, Camille opte pour de beaux velours, en tête de lit, par exemple ; pour le marbre de Calacatta, plus rare, plus précieux, aux nuances plus subtiles que celui de Carrare, pour la cuisine, la salle de bains. Certes tout ceci à un coût mais il ne faut pas chipoter, on s’y retrouve en fin de compte, car au lieu de vieillir, de s’user, tout se patine, s’embellit. « Et je m’entoure, sur tous mes chantiers, des meilleurs artisans en menuiserie, ébénisterie, plomberie, électricité, carrelage, etc. C’est bien de faire beau, c’est mieux encore de faire beau et fonctionnel. Ma chance, sachant qu’ils travaillaient pour mon futur appartement, tous les corps de métier ont redoublé d’attentions, m’ont abreuvée de conseils que je prenais en compte, rectifiant parfois mes plans et mes croquis. »







Camille Aryeh, décoratrice
Camille Aryeh a étudié pendant quatre ans en business administration avant de poursuivre un bachelor en architecture d’intérieur à l’Atelier Hermès à Genève avant d’ouvrir son studio en 2018. Son carnet de commandes affiche plusieurs villas à Genève, une maison de maître en campagne genevoise, des appartements, un restaurant et des bureaux pour des diamantaires. Ses points forts : la lumière dont elle joue et qu’elle embellit, et l’utilisation de matières naturelles, nobles, telles que le bois et le marbre.

Article paru dans le numéro 180 de RD – Résidences Décoration.