Selon l’adage « on n’est jamais mieux servi que par soi-même », le designer milanais Andrea Castrignano a repensé sa maison, déclinant en camaïeu sa couleur préférée, le mauve, et osant des mariages de styles peu orthodoxes.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Armando Moneta
«Qui des trois, Toby, notre chat venu des forêts de Norvège, mon mari, Federico, ou moi, était le plus chagriné de voir notre jolie maison perdre de sa fraîcheur ? » s’interroge, amusé, Andrea Castrignano. Préoccupé d’embellir les demeures de ses clients et de ses amis, l’architecte-décorateur ne disposait pas de temps pour rénover la sienne, achetée il y a dix ans. Une bâtisse agréable, avec ses deux étages et sa terrasse en rooftop dévoilant Milan, mais à laquelle il devenait urgent de redonner un coup de jeune, et dont il fallait corriger les défauts. La décision de Federico de travailler à domicile au moment de la pandémie – la région de Milan, particulièrement touchée, fut la première à avoir été confinée en Europe – joua les déclencheurs. Ce changement de vie obligea à repenser l’espace afin que Federico jouisse d’un cadre de travail agréable et fonctionnel. Andrea s’en chargea avec empressement, heureux de pou- voir exprimer sans retenue ses idées fortes.
« Enfant, j’imaginais ma future habitation en empilant mes briques de Lego®. Cela me rendait très heureux. Cette envie ne m’a jamais quitté, au contraire ! Nourrie par mes voyages, mes lectures, les expositions, les salons internationaux, elle s’est ancrée au fond de moi, raconte Andrea. Elle ne demandait qu’à s’exprimer. » Restructurer leur sweet home, l’embellir… c’était l’occasion idéale pour projeter les rêves du décorateur dans la réalité, en jonglant avec l’existant comme il jonglait, petit, avec les Lego®. « Je me suis décidé à mettre en pratique, sans freins et sans contraintes, ce que je suggère à mes clients depuis des années : oser la couleur, les papiers peints, et adopter un baroque minimaliste. Deux termes antinomiques en décoration, mais qui résument bien mon style, ma sensibilité, à savoir des lignes épurées et des notes plus débridées, du mobilier très contemporain et des pièces uniques plus travaillées, décalées. » Pour mener à bien cette rénovation, Andrea a demandé à l’architecte Silvia Rupani de l’accompagner, en veillant à l’avancement du chantier et en servant de médiatrice bienveillante. « Federico et moi, nous nous adorons, mais nous sommes tous les deux têtus, avec des idées bien arrêtées, souvent opposées en matière de décoration. Des heures de palabres sont parfois nécessaires pour parvenir à un compromis plus ou moins satisfaisant. »
Première étape donc, dresser un état des lieux, envisager des solutions pour résoudre les problèmes les plus évidents : le manque de clarté de l’entrée ouvrant sur la grande pièce à vivre, l’escalier desservant les étages mal placé, la transformation de la chambre de Federico en pièce de travail confortable et pratique, la conception de la cuisine. Et profiter de ces travaux pour sécuriser la maison, la doter de quelques éléments de domotique qui ne semblaient pas essentiels il y a dix ans. « Une fois cette liste établie, tout m’a semblé clair », explique Andrea. Première phase : dynamiser les murs avec des panneaux en bouleau fraisés à rainures verticales et les laquer en puisant dans le nuancier les teintes qu’il affectionne : améthyste, lavande, lilas, prune. Deuxième phase : choisir les papiers peints pour personnaliser chaque espace, l’égayer. « J’ai pioché dans les collections de Cole & Son et de Creativespace, concevant aussi moi-même des motifs, notamment pour la salle de bains principale. » Comme un couturier, Andrea crée et dessine. Ses maisons, et plus spécialement la sienne, sont faites sur mesure, en lien étroit avec la personnalité de celles et ceux qui les habitent. Il étudie, pense chaque détail pour faciliter et enjoliver la vie quotidienne. « Je choisis chaque coloris. C’est ainsi que j’ai procédé pour notre logement. Avec le grand avantage de connaître par cœur ses occupants, de les aimer plus que tout au monde. Et aussi d’aimer Milan, notre ville. L’amour finalement, c’est la clé de voûte, la pierre qui porte tout. Celle qui nous fait vibrer, qui inspire chacun de nos actes. »
ANDREA CASTRIGNANO
Au départ agent immobilier, Andrea Castrignano a créé son studio de design, Piazza del Liberty, pour répondre aux demandes des clients à qui il avait vendu des biens et qui lui demandaient de les décorer. Cette année, il va s’installer au coeur de la ville de Milan, sur un immense plateau avec des baies vitrées ouvrant sur la rue. Un lieu qui lui permettra d’agrandir son équipe de 20 collaborateurs et de multiplier les interventions. Il vient ainsi de restaurer une sublime villa sur le lac de Côme, de terminer un chantier à Paris tout en rénovant de petits appartements dans Milan et alentour. Son souci, dans ces espaces restreints : concilier esthétisme et fonctionnalité.
Article paru dans le numéro 167 de Résidences Décoration.
