Un entrepreneur utopiste, 1 designer, 2 architectes, 4 000 artisans, 60 artistes… et 12 ans de travaux pour aménager 5 hectares en friche, au Brésil, autour d’un hôtel de luxe : audacieux et généreux.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Au cœur de la mégalopole brésilienne, depuis la fermeture il y a 30 ans de l’hôpital et de la maternité Cidade Matarazzo, la végétation a repris ses droits dans le quartier ultrachic bordé par l’élégante avenue Paulista, rongeant les murs, les lézardant, menaçant leur équilibre. C’était un si bel endroit financé par un mécène d’origine italienne, Francesco Matarazzo : un ensemble de bâtiments classés aux Monuments historiques s’étendant sur 32 000 m2 avec une chapelle toujours consacrée. 500 000 Brésiliens virent le jour ici, mais les guerres de succession et les héritages partagés eurent raison de cette œuvre humanitaire.
Quand, au hasard de ses déambulations dans Sampa, diminutif affectueux de São Paulo, Alexandre Allard, entrepreneur français connu pour sa témérité et ses coups d’éclat, tombe sur ces terrains abandonnés, son rythme cardiaque s’accélère. Il a envie de se les approprier pour leur redonner vie. Et ce que veut Allard, Allard l’obtient, quoi qu’il en coûte, quoi qu’il lui en coûte. La relance du Royal Monceau, à Paris, c’était lui, ce passionné d’hôtellerie, soucieux du devenir de la planète, fan de design et d’art. Une fois les hectares en sa possession, l’homme d’affaires élabore, comme un général d’armée, un plan de bataille. Son idée première : transformer la maternité en réhabilitant les bâtiments classés et en concevant, avec Philippe Starck, un cinq-étoiles dont les plus belles suites se déclinent dans les salles d’accouchement. Le commanditaire et le designer veillent à utiliser des matériaux brésiliens, essences de bois rares, marbres aux nuances infinies, textiles tissés main ; à employer des artisans locaux encadrés par des artisans d’art français rompus aux codes du luxe ; et à sélectionner quelque soixante artistes pour créer des œuvres exclusives. Aujourd’hui, un « concierge d’art » révèle aux hôtes et aux visiteurs les pièces majeures, parmi les 450 égrainées dans tous les espaces. En quelques mois, le Rosewood, avec ses 6 restaurants et ses 4 bars, est devenu le lieu le plus festif de São Paulo, celui qui bouge, qui danse, celui où on échange, se croise et sociabilise à la brésilienne, chaleureusement. « Les Brésiliens sont si heureux de redécouvrir cet endroit et de se l’approprier, explique Édouard Grosmangin, le directeur général français. Et tellement rassurés de pouvoir accéder directement de leur voiture au lobby sans risquer, comme c’est, hélas ! souvent le cas ici, de tomber sur un voyou les menaçant pour voler bijoux et téléphone. »
Tout un ensemble
Autour du Rosewood, Alexandre Allard donne peu à peu jour à son projet : végétation luxuriante, boutiques, centres d’expositions, de concerts, galeries d’art et même autres hôtels comme le Soho House, presque terminé. En prime, des constructions hardies, elles aussi quasiment achevées, comme la tour Mata Atlantica de Jean Nouvel, abritant tout à la fois des résidences privées, des chambres et suites d’hôtel dont une en rooftop avec une piscine dominant la ville, ou l’immeuble de bureaux de Rudy Ricciotti, à la façade recouverte d’un impressionnant entrelacs de lianes en béton.
Article paru dans le numéro 173 de Résidences Décoration.