Renaissance d’une demeure centenaire

Liz Lipkin, architecte d’intérieur, aime les vieilles maisons. Restaurer cette propriété de 1900, dans un quartier historique d’Hudson, à deux heures de New York, l’a plus qu’inspirée, transportée.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Sean Litchfield

Un bonheur pour Liz Lipkin… Lorsque les nouveaux propriétaires d’une bâtisse datant de 1900, au cœur du quartier historique d’Hudson, la contactent pour redonner à cette demeure de 140 m2 son cachet d’origine, l’architecte n’a pas caché sa joie. « Ce projet représente tout ce que j’aime : retrouver l’âme d’une maison, la faire renaître, en réparant les blessures souvent involontaires, infligées au fil du temps. Qui plus est dans ma région et pour un couple ayant la même sensibilité, la même approche que la mienne », s’enthousiasme Liz. L’épouse, originaire de San Francisco, et son mari irlandais se rappelaient leurs maisons d’enfance et de leur atmosphère si particulière. Des parquets qui craquent et effraient un peu, la nuit, lorsqu’on est petit. Des cadres accrochés de guingois, génération après génération. Des murs griffés, au papier peint défraîchi, aux plinthes écaillées. Des portes qui grincent… Leur description faisait écho aux propres souvenirs de Liz.

FLÂNERIE. Ici, dans le salon, la famille aime se prélasser, lire, sur le canapé Hammertown. Tapis Pottery Barn, lampadaire Gubi, papier peint « Dandaloo » de Rapture & Wright, table basse Design Within Reach.
SONGERIE. Dans la grande chambre parentale, s’accorder quelques instants de répit avant que le sommeil gagne, près de la fenêtre qu’ombre avec délicatesse le store romain en lin. S’installer dans le fauteuil FDB Møbler pour Finnish Design Shop, le dos bien calé par le coussin « Hilo Pillow » de Sien + Co. Parquet ancien teinté. 
TROUVAILLE. À l’entrée du salon, cette jolie chaise rustique, clin d’œil à l’histoire de la maison et de la ville d’Hudson, vient du magasin d’antiquités Finch Hudson. Tapis Pottery Barn, applique « Walker » de Menu, table métal et bois pour poser son verre ou un livre Anthropologie. Papier peint Rapture & Wright.

« J’ai usé et abusé du papier peint, qui donne vie à chaque pièce. J’ai choisi les teintes, les motifs de flore et de faune, en harmonie avec la nature environnante. »

CONVIVIALITÉ. Salle à manger tapissée de papier peint ocre pâle Jungle Birds de Marthe Armitage. Table et miroir anciens Montage Antiques, chaises vintage avec assise en jonc espagnol 1 st Dibs, suspension en verre « Jug » de Cisco, vase chiné chez John Eaton Studio. La console en métal a été créée sur mesure par Design Workshop.

Professeurs de philosophie à Houston, au Texas, les universitaires envisagent d’arrêter leur activité dans cinq ans pour s’installer définitivement à Hudson. En attendant, cette maison sera leur lieu de villégiature, leur respiration. Depuis des années, ils séjournent chez des amis dans cette belle campagne où coule le fleuve Hudson. Depuis des années, tombés amoureux de ce paysage vallonné, à deux heures seulement de New York, ils cherchent la résidence idéale où s’ancrer, changer de rythme, un endroit capable de séduire leurs quatre enfants adultes pour s’y retrouver tous, le plus souvent possible. D’emblée, en la visitant, cette maison mitoyenne leur a plu, et la rencontre avec Liz les a convaincus que leurs rêves allaient prendre forme. D’autant qu’un acte de propriété ancien mentionnait une ossature de bois italienne, invisible en l’état.

GÂTERIES. Plaisir de cuisiner en regardant le jardin dans la pièce préférée de toute la famille. Sol dessiné au laser par Liz et réalisé par un artisan. Placards « Rockport » coloris Dunes de Wood-Mode, gazinière Bertazzoni. Étagères en bois sur mesure, table et chaises de seconde main glanées chez Luddite Antiques.

« J’ai souhaité que la nature pénètre dans la maison, l’embellisse, l’éclaire. Alors, sans nuire à son esthétique, j’ai osé agrandir quelques ouvertures. »

Première étape indispensable pour la décoratrice informée de l’existence de ce squelette, le révéler en retirant le revêtement métallique posé sur les façades pour les protéger. Changement de style immédiat ! La demeure décorsetée respire, guillerette. Le bois lui donne une allure victorienne, noble et champêtre à la fois. Une allure qui interpelle les voisins, loin de soupçonner ce que cachait ce bardage.

PRIVACY. Stop ! Espace personnel. On s’enfonce dans le lit Cisco « 0’Hara » sous le plafonnier « Allis » de Soho Home. Oreillers et lampes de chevet Pottery Barn, linge de lit Schoolhouse, housse de couette Les Indiennes, couverture The Tartan Blanket Company, tapis Restoration Hardware. Peinture Benjamin Moore.

« Penser la chambre des parents très intime, douillette, rassurante. Comme un nid, un sas, où le toucher sensuel des textiles, les couleurs choisies, la literie, invitent au lâcher-prise. »

« Ce problème de revêtement extérieur réglé, mise en confiance par l’excitation joyeuse de mes clients, j’ai abordé la remise en état de toutes les pièces, par petites touches. Avec à l’esprit leurs consignes : imaginer un foyer chaleureux, accueillant, amusant, doté de beaux espaces, indépendants les uns des autres pour que les quatre enfants et leur famille en devenir trouvent vite leurs marques, leur territoire. » L’architecte met alors au jour tous les planchers de bois d’origine, les ponce puis les peint ou les cire selon les pièces. Elle définit ensuite, avec le couple, une palette de couleurs en harmonie avec la nature : des bruns, des beiges des crèmes, des bleus assourdis et des jaunes tamisés. Et suggère des papiers peints évoquant aussi les alentours : des oiseaux et feuillage ocre tendre dans la salle à manger, des fleurs sauvages rappelant celles qui poussent le long de la rivière pour la salle d’eau. « Je voulais que chaque pièce soit spéciale, unique », confie-t-elle. 

FÉERIE. Bien cachée derrièresa porte coulissante, la salle de bains parentale respire la joie de vivre avec son papier peint « Flora » d’Aimée Wilder et son miroir ancien acheté chez Millerton Antiques Center, assorti aux appliques Cedar & Moss. Lavabo Duravit, robinetterie en laiton Newport Brass, serviettes Libeco.

« La salle de bains mérite d’être lumineuse, seyante, amusante. Pour que le matin le regard chiffonné trouve quelque réconfort, que le soir l’esprit et le corps fatigués se relaxent. »

Le décor installé, ensemble, ils s’en vont chiner le mobilier chez les antiquaires ayant pignon sur rue à Hudson. Ils dénichent des merveilles bien patinées, bien dans leur jus qui, une fois dans le living-room, les chambres, la cuisine et même les salles d’eau, semblent avoir été là depuis cent ans. Pour réveiller le tout, ils optent pour des meubles et des objets contemporains d’éditeurs américains et européens. 

MYSTIFICATION. Au salon où tous se retrouvent le soir, accrochée au-dessus de la console française chinée chez un brocanteur, la peinture anonyme d’un paysage de l’Hudson dissimule un téléviseur « Frame » de Samsung. Corbeille vintage Hammertown Barn, tapis Pottery Barn, banquette retapissée et rembourrée, héritage familial.

« Dans le salon et la bibliothèque, j’ai interprété une partition à dominante de noir et de brun où l’art tient une place de premier choix, en forme de trompe-l’œil. Sans aucune prétention ! »

DÉCRYPTAGE. Dans le bureau, elle et lui, intellectuels, aiment consulter des ouvrages rares. Bibliothèque créée sur mesure, siège Herman Miller et bureau chinés chez Chairish, lampe chrome ancienne trouvée chez John Eaton Gallery, suspension Tom Dixon, peinture noire « Graphite » Benjamin Moore.

La décoratrice s’attache également à peaufiner la lumière, en particulier au rez-de-chaussée et au premier étage, qui bénéficient d’une hauteur sous plafond vertigineuse, plus de trois mètres. Puis, toujours en concertation avec ses clients, la décision est prise de retirer des portes, d’abattre ou de déplacer des cloisons pour redistribuer l’espace, de penser de nouvelles pièces desservies par un couloir, d’oser de grandes baies vitrées, en veillant à ne pas nuire à l’esthétique. « J’ai su que j’étais sur le bon chemin, que j’avais répondu aux envies des uns et des autres lorsque, ma mission achevée, chacun a mis sa patte, s’est approprié les lieux. Madame en accrochant dans le salon les photos de paysage encadrées de noir héritées de son arrière-grand-mère et stockées en espérant trouver un jour leur place. Monsieur en posant sur son bureau un globe terrestre cadeau de son parrain. Un des enfants en apportant son baby-foot, l’autre ses peluches usées par les câlins. Alors, je me suis retirée sur la pointe des pieds les laissant entre eux, me promettant de revenir quelques mois plus tard pour m’assurer de leur bonheur. Ce que j’ai fait ! ».

Liz Lipkin

© Anne-Marie Mueschke

Originaire d’Hudson, Liz, après avoir obtenu un master de design mode au Pratt Institute, travaille une dizaine d’années dans des bureaux de style de vêtements pour femmes avant de succomber à sa vraie passion : la décoration. Elle se forme à la Parsons School et ouvre en 2016 son bureau d’architecte d’intérieur. Sa spécialité : les résidences privées, la rénovation des demeures anciennes. Son style : épuré, graphique, amusant, décalé. Ses couleurs : neutres. Son « TOC » : marier des textures, des imprimés, du design avec du vintage. Sa dernière réalisation : les locaux new-yorkais d’une maison d’édition californienne.

Article paru dans le numéro 174 de Résidences Décoration.

Inscription à notre NewsletterInscrivez-vous pour être informé en avant première et recevoir les offres exclusives !