Philippe Starck : « Chez moi, ce n’est ni chic, ni à la mode »

Pour lui, la décoration est accessoire, mais le cadre de vie primordial. Son obsession : voir la mer et la lumière. Le plus célèbre des designers français vient d’ailleurs de relooker le restaurant de La Co(o)rniche, l’hôtel 5-étoiles qu’il a conçu il y a dix ans à flanc de dune, au bord du bassin d’Arcachon.

Propos recueillis par Céline Baussay

Philippe Starck, où vivez-vous ?
Avant la Covid, avec ma femme, nous vivions dans l’avion et passions plus de temps dans les airs que sur terre. Aujourd’hui, notre base est au Portugal : sur les montagnes de Sintra, dans un petit village au-dessus de la mer ; et le week-end, dans une ferme bio au sud de Lisbonne, sur la montagne de Grândola, devant l’océan, à la hauteur de Melides, là où habite Christian Louboutin. Nous vivons un peu au Cap Ferret aussi. Hélas, nous n’avons plus le temps pour Venise. Mais j’ai quand même été Vénitien 50 ans ! Et nous venons également d’abandonner Formentera.

Le siège « A.I » est le tout premier élément de design conçu par une intelligence artificielle, à partir du travail créatif de Philippe Starck et de l’éditeur Kartell.

Jamais en ville, toujours à proximité de la mer ?
Je n’ai jamais été un homme des villes, je suis un homme des forêts, des vagues, des dunes, de la boue… Un vrai marin. La ville, je n’y suis jamais, je ne sais pas quoi y faire. Je ne vais pas au cinéma, au musée, aux cocktails, aux dîners. Cela ne m’intéresse pas du tout. Le dernier jour que j’ai passé à Paris, j’ai compté les minutes !

Matériaux naturels, formes organiques : avec sa ligne Fenc-e Nature, le designer a participé à The Cassina Perspective Goes Outdoor, première collection pour l’extérieur de l’éditeur italien.

Quels sont les points communs entre toutes vos maisons ?
Elles sont orientées plein sud, tout est vitré, il y a toujours de la lumière et une vue, principalement sur la mer. Tout est concentré autour de deux points, la cuisine où on déjeune, notre centre de vie, et mon lit où je travaille. J’ai un blocage, je suis incapable de dire « je vais décorer la maison ». Au Portugal, nous avons fait construire, c’est différent : j’ai été obligé de faire quelque chose from scratch (à partir de rien, ndlr).

Au printemps 2022, un 4H MGallery occupera les dix derniers étages de l’une des tours Duo à Paris, dessinées par Jean Nouvel. Un projet confié à Philippe Starck.

Et à quoi ressemble l’intérieur ?
Ce n’est pas du tout chic ni à la mode. Quand nous avons présenté notre collection Degrenne, la même semaine, nous avons acheté des assiettes chez Ikea ! Cela ne me pose aucun problème. Ma femme aimerait n’avoir rien du tout, mais moi, je ne peux pas m’empêcher de garder un amalgame de prototypes, de cadeaux, de trucs dénichés aux puces que je trouve intéressants, qui me donnent des idées… Chez nous, c’est un combat entre rien et un cabinet de curiosités, d’étrangetés, de choses pas normales. J’ai dans l’entrée un raccord de tuyauterie de toilettes en verre pressé transparent. Je le trouve sublime, c’est quasiment un Duchamp !

Céramique jaune canari, dominante bois, mobilier dépareillé… Le restaurant de La Co(o)rniche, l’hôtel iconique du bassin d’Arcachon, dévoile cet été des couleurs audacieuses et une atmosphère plus chaleureuse : la griffe Starck.

Suivez-vous l’activité des autres designers et décorateurs ?
Pas du tout ! Globalement, le design, l’architecture ne m’intéressent pas, la décoration encore moins. Et si je vois quelque chose de bien, ça me rend jaloux, je le prends pour une attaque personnelle. Je me dis que j’aurais dû y penser, que je suis nul. Je m’insulte ! Je ne veux pas être désagréable, mais je préfère garder mon admiration pour ceux qui le méritent vraiment : les scientifiques, les médecins, ceux qui sauvent des vies, les grands aventuriers. Pour moi, il y a les gens utiles et les gens inutiles, dont je fais partie. n

Son kit de voyage

« J’ai un équipement de base… et d’ailleurs, je n’ai à peu près que ça ! De quoi écouter de la musique, car je le fais en permanence. De quoi dessiner : mes crayons, mon bloc de calques fait d’un papier spécial pour que les feuilles ne se déforment pas avec les différentes hygrométries des pays où je me rends. Mes lunettes et aussi mes solaires parce que je suis très facilement ébloui. Comme je circule tout le temps sur un deux-roues, que ce soit à vélo, vélo électrique ou à moto, j’en ai. Toujours besoin. J’ai aussi des vêtements tout-terrain, des doudounes formidables qui font été-hiver, des chaussures et des équipements super techniques, très polyvalents, pour passer de l’avion à la moto et au bateau. »

www.starck.fr

Rencontre parue dans le numéro 159 de Résidences décoration

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