Nouvelle jeunesse pour une maison en Toscane

Protégés par le flanc d’une colline en Toscane, quelques murs de pierre oubliés vivent une nouvelle jeunesse avec une reconstruction très impressionnante, où se mêlent matières chinées et mobilier vintage.

Texte Virginie Lucy-Duboscq / Photos Stephen Clément 

Non loin de Sienne, le peu de pierres subsistant d’une vieille masure laissée à l’abandon n’a pas découragé Gessica et Thierry à imaginer leur maison de famille idéale. Ici, tout était pourtant à reconstruire. Un projet de longue haleine et un chantier titanesque pour lesquels cette dernière s’est entourée d’amis de talent et a rassemblé les meilleurs artisans de la région. Matteo Pamio, architecte italien du Studiopamio, a d’abord entièrement rebâti la demeure en ruine puis restructuré les espaces à partir de l’existant, en créant de grandes huisseries et ouvertures à 180 ° sur la sublime campagne toscane.

ÉQUESTRE. Dans le salon, tapis Codimat et canapé Gervasoni, rideaux réalisés par Artis avec des tissus Bruder.
À gauche, une chaise de repos signée Gio Ponti. Lampe Jieldé. Sur le mur, photographies de Gonzalo Rivera.
BUCOLIQUE. Au loin, la ligne de cyprès signe ce paysage intrinsèquement toscan. Mobilier de jardin chiné. 
CARTE POSTALE. La plus haute des collines, véritable protection de la maison, est seule dans le vallon. Matelas d’extérieur en grosse toile de la maison Bruder. 

Au cœur de la maison, une cour comme un patio crée une arrivée de lumière dont profitent toutes les pièces du rez-de-chaussée. Un peu partout, auvents et terrasses aux murs épais sont des prétextes au farniente et rythment l’austérité de l’architecture de cette bâtisse qui abritait les ­animaux des travaux des champs. Pour l’aménagement, Gessica a fait appel à Élodie Sire, fondatrice de l’agence d.mesure. Celle-ci collaborait avec le couple depuis plusieurs années sur plusieurs propriétés de la famille, dans lesquelles elle a mis en scène leur mobilier, composé de pièces rares qui ont une histoire, ou des œuvres achetées en galerie, signées d’artistes contemporains, ainsi qu’une sélection de grands tirages photographiques qui répondent à des tableaux de toutes époques. Dans le salon toscan, imaginé sur le thème du cheval, la passion de Gessica, tout un mur est recouvert d’une collection très graphique de ­cravaches plus ou moins ornées ou sculptées, qui ­ dialoguent avec deux grands tirages sur fond noir ainsi qu’avec le grand tapis au dessin géométrique noir et blanc. Également passionnée par l’ameublement du xxe siècle et les matières authentiques, l’architecte d’intérieur a, enfin, déniché elle-même les nombreux meubles et matériaux de la maison, les faisant parfois acheminer depuis Paris ou le nord de la France.

MAISON DE FAMILLE. Cette ancienne ferme, totalement remaniée et remontée avec des matériaux toscans, a entamé sa deuxième vie. En contrebas, la piscine a été traitée dans un vert kaki pour se fondre dans la nature.
CONVIVIAL. Dans les anciens communs, un coin cheminée ultra-chaleureux, avec au mur et au sol un vrai travail d’artisan d’appareillage des pierres, a pris place. Matelas et coussins en tissus de la maison Bruder.
AUTHENTIQUE ET CONTEMPORAINE. La cuisine, spectaculaire, a été pensée comme un espace technique dédié à un grand chef. Sur l’îlot central, les verreries de Murano, signature du travail de la famille de Gessica. Devant, table de Piet Hein Eek et chaises vintage Gio Ponti. Suspensions « Atomic Hanging » de l’Atelier Van Lieshout. 

Les salles de bains se parent alors de boiseries anciennes, de miroirs vieillis, de carreaux métallisés ou vernissés des années 1970, d’anciennes tuiles polychromes utilisées sur les plafonds toscans et de tissus en lin ou chanvre. La plupart des lavabos et baignoires ont également été chinés. Partout, les teintes ultra-naturelles sont empruntées au nuancier de la région : le rouge sourd côtoie un vert dense mêlé aux tonalités de la terre. Autant de sublimes harmonies qui donnent l’impression que la maison se fond dans le paysage. La chambre parentale, entièrement chaulée, imbriquée dans les murs épais du toit, est baignée de lumière. Dans cette pièce dédiée au repos et à la concentration, le décor quasi ­monacal est contrebalancé par un fauteuil suspendu et des fleurs des champs. Le coin nuit de leur fils a été imaginé comme un très beau dortoir de refuge, avec deux lits super­posés tout en bois. Partout les ouvertures dans la pierre donnent des perspectives sur les collines. Élodie a imaginé dans plusieurs chambres des banquettes-lits devant les fenêtres, avec de gros matelas de chanvre brut où l’on vient se lover pour profiter de ces vues sublimes et ­enveloppantes. 

ŒUVRES d’ARTISTES. La salle de bains assume sa sculpturalité, avec des panneaux de cuivre en relief qu’Élodie Sire a détournés en meuble vasque. Robinetterie Margot, grille chinée en France. 
INSPIRATION 1970. Élodie axe son travail sur des matériaux qu’elle découvre, tels des trésors, et adapte à ses chantiers, comme la céramique vernissée vintage chinée, utilisée dans la salle de bains d’amis.
REFLETS. La douche, somptueuse, dont tous les murs sont gainés de miroirs anciens piqués, réadaptés à la fonction d’un espace humide. Robinetterie Margot.
GRAPHIQUE. Béton adouci, miroir en bronze et applique en verre italien : un combo ultra-chic, pour un retour à l’essentiel.

Collectionneurs avertis d’œuvres d’art contemporain, Gessica et Thierry sont aussi passionnés par les grands noms du design d’après 1950. Des chaises signées Gio Ponti, un étonnant porte manteau d’Osvaldo Borsani ou des tables de Mathieu Matégot prennent place dans les ­différentes pièces de la maison. Sur un mur de l’entrée, ­Élodie Sire a imaginé en collaboration avec l’artiste Jean Bigot et la maison de taxidermie Deyrolle une très grande vitrine mettant en scène des animaux et oiseaux colorés. Partout dans la maison, des lustres, des carafes, des coupes et des collections de verre soufflé rappellent les origines vénitiennes de Gessica, née dans une illustre famille de verriers de Murano. Le jardin, lui aussi, a été entièrement réorchestré : le terrain a été remodelé pour utiliser la pente naturelle. Au cours de ce long chantier, décidément, rien n’a été laissé au hasard.

BAINS ROMAINS. La baignoire, pièce fétiche d’Élodie, trône derrière des grilles anciennes chinées dans le nord de la France. Devant, un banc en cuir et fer forgé. Comme un paravent, des boiseries brutes ornent les murs.
SUITE. Toute la charpente a été remontée par des artisans locaux. Conservée brute, elle se marie très bien au métal industriel de la tête de lit faite sur mesure, et les textiles très naturels.  Lampadaire « Mante religieuse » Rispal, dessiné en 1950.
CABINET DE CURIOSITÉS. Une féerique composition d’oiseaux et d’animaux réalisée par Deyrolle sur une idée d’Élodie Sire côtoie du matériel agricole. Un cheval d’arçons attend la selle de Gessica, cavalière émérite.

Élodie Sire

Fondatrice de l’agence d.mesure, cette architecte d’intérieur imagine depuis plus de 20 ans des lieux exceptionnels et uniques. Un château dans le Vexin, des bureaux dans le 7e arrondissement de Paris ou encore le salon de réception de la maison Rémy Martin, à Cognac : avec son équipe, elle conçoit et réalise des rénovations livrées clés en main, avec un grand sens du détail. En fonction des besoins des projets, elle collabore avec des artisans d’art tels que Pierre Bonnefille, des paysagistes… Après avoir un temps partagé sa passion pour les objets chinés dans une boutique, cette amoureuse des matériaux beaux, imparfaits et artisanaux intervient désormais dans une école d’architecture sur ce thème.

Article paru dans le numéro 169 de Résidences Décoration.

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