Marrakech : La Mamounia réinventée

Apres la rénovation de Jacques Garcia en 2010, le duo de designers français Jouin Manku offre un pétillant bain de jouvence au palace mythique presque centenaire de Marrakech. Visite guidée.

Par Anne-Marie Cattelain Le Dû / Photos Alain Keohane

Délicate mission que la rénovation d’un des palaces les plus mythiques au monde, sans troubler son histoire ! En acceptant de s’y atteler, les designers Patrick Jouin et Sanjit Manku mesuraient le risque, ignorant alors que la Covid entraverait un rien le chantier. N’empêche, en octobre, après neuf mois de fermeture imposée autant par les travaux que par le virus, la Mamounia rouvrait ses lourdes portes en bois clouté pour accueillir ses hôtes.

ENTRE HOTEL ET PISCINE
Trois tentes imaginées pour étonner les clients fidèles. Deux invitent à flâner, lire, déjeuner en petit comité. La troisième révèle une œnothèque avec cave à vins et salle de dégustation privatisable.

émotion de compter parmi ces privilégiés, d’atterrir dans les jardins piquetés du jaune foncé des premières oranges et de revoir enfin les bâtiments ocre aux balcons vert amande. Le seuil franchi, tout semblait identique. Dans la suite, hormis la lumière plus présente grâce aux nouvelles portes-fenêtres, on retrouvait vite ses repères.

TRES SOLLICITES
La première phase de rénovation de la Mamounia achevée, les designers Patrick Jouin et Sanjit Manku, se consacrent au nouveau Terminal 2F  d’Air France à Roissy et à la boutique Van Cleef & Arpels de Hong Kong.

Le thermomètre affolé frôlant les 32 degrés, un plongeon dans la piscine s’imposait avant d’interviewer les designers. Soudain, en pénétrant dans le jardin, le doute surgit devant les trois tentes en toile, dressées entre restaurant et piscine. Impossible de se souvenir de leur présence. Jetant un œil dans celle entrouverte, l’évidence s’imposait. Le mobilier et les tapis rutilants signaient la nouveauté.

DOLCE VITA
Le nouveau restaurant italien, sous son immense verrière avec son mobilier outdoor élégant, ressemble à un jardin d’hiver noyé dans la végétation. Les jours de grand soleil, son toit transparent se voile de stores. Les tables s’organisent autour de la cuisine ouverte.

Deux tentes invitaient à flâner, lire, déjeuner, en comité restreint. La troisième cachait en ses entrailles une œnothèque et une cave surmontées d’un spectaculaire lustre de corde. « Pour écrire ce chapitre de La Mamounia, confira Patrick Jouin, je me suis répété ces mots de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard : Il faut que tout change pour que rien ne change. »

Alors, le duo a imaginé des surprises, des endroits enchanteurs à découvrir au hasard. Il a aussi osé, avec l’aval de Pierre Jochem, directeur général du palace, intervenir sur des objets symboliques, comme les énormes lampes en verre coloré et à godrons remplacées par des lanternes plus contemporaines, réalisées sur mesure par la Maison Brossier Saderne en Maine-et-Loire.

TOILES CONTEMPORAINES
Interprétation moderne des tentes berbères, l’étonnante œnothèque. Son escalier ocre débouche sur une pièce de dégustation avec, au centre, une table en pierre de lave surmontée d’un monumental lustre en cordes rouges et sable tressées à la main par des artisans marocains.

« J’aime, pour expliquer notre intervention, parler comme un peintre de repentirs, rénovation en profondeur assurant à La Mamounia son intemporalité », précise de son côté Sanjit Manku.

RENDEZ-VOUS GOURMAND
Au jardin, le pavillon de la piscine attire dès le matin les épicuriens autour de son buffet, véritable corne d’abondance. Les designers ont coiffé d’un gigantesque lustre rond les différents kiosques et la fontaine de céramique bleue autour de laquelle gravitent les hôtes.

Ainsi, par touches, les deux associés ont réenchanté les espaces de restauration : le Salon de thé de Pierre Hermé ; L’Italien et L’Asiatique confiés à la super star de la cuisine internationale, le plus américain des chefs français, Jean-Georges Vongerichten ; le bar Churchill ; le pavillon de la piscine et la table marocaine de Rachid Agouray, dotée d’un rooftop et d’une grande tente berbère. « Nous avons abattu des murs pour ouvrir L’Asiatique sur l’extérieur, mixé le décor marocain d’origine avec du mobilier exclusif, telles les tables en émaux et métaux de la Nantaise Marie-Hélène Soyer, les lumières de Stéphane Carratero de l’entreprise parisienne Voyons Voir.»

VERSION RIAD
Le patio prolonge le Salon de thé Pierre Hermé avec ses colonnes, son bassin et ses lanternes modernisées. Endroit serein pour, de 9 h à 18 h, succomber au péché de gourmandise, entre viennoiseries et café, cocktails signature, lobster roll et Icone, le vin blanc de la Mamounia.

L’Italien, lui, joue les jardins d’hiver, en écho à la végétation, avec ses parois de verre coulissantes, ses cuisines ouvertes éclairées par une suspension gigantesque de Lasvit, son four à pizza et son mobilier Cassina, lui aussi fabriqué sur mesure. Le soir venu, c’est au Churchill, installés sur trois des neuf places intérieures, oui neuf, accoudés sur le marbre noir du bar, que nous avons trinqué à cette délicate renaissance.

Avant de gagner, autre nouveauté, le cinéma aux vingt fauteuils bleu nuit, jouxtant le Churchill, pour visionner un documentaire sur le visage rajeuni tout en rondeurs sensuelles de la Mamounia, Sanjit Manku assurant alors : « Nous pouvons construire des lieux scintillants, glamour, puissants mais sans aucune pointe d’agressivité. Du coup, il n’y a jamais beaucoup d’angles.» Et Jouin de renchérir : « Les angles droits, ce n’est pas forcément nous ! »

mamounia.com

Article paru dans le numéro 156 de Résidences Décoration

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