Première pierre posée en 1792… Abandonnés 200 ans plus tard, ruinés, après avoir été résidence de sultans puis hôpital, les bâtiments dominant l’Atlantique retrouvent leur superbe ornés de cinq étoiles hôtelières.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Il en va du destin des plus belles demeures comme de celui des personnages les plus flamboyants, tombant soudain dans l’oubli, la décrépitude, la déchéance.
À la fin du XVIIIe siècle, devenu sultan, Moulay Slimane jette son dévolu sur une falaise à quelques minutes de la médina des Oudayas, la plus belle et la plus ancienne de Rabat, pour construire Ksar Labhar, sa « maison de la mer ». Au calme, avec comme seul bruit, celui des vagues lorsque souffle le chergui. Il vient s’y reposer jusqu’à sa mort, en 1822. Sans héritier direct pour prendre soin de son palais, 80 ans plus tard, il reste peu de choses, si ce n’est une des deux tourelles d’origine, regardant l’horizon, et des traces de jardin. Cela n’empêche pas le sultan Moulay Abdelaziz d’y ériger sa résidence d’été que la brise accourue de l’océan rafraîchit les jours de grand soleil. Le jardin est replanté, quelques pierres remontées, base de départ pour que l’architecte royal érige une nouvelle demeure. À la fin du règne d’Abdelaziz, en 1908, pour doubler l’hôpital de la médina, les autorités construisent un autre centre médical sur le même terrain que la résidence de Ksar Labhar. Agrandi, il devient l’hôpital militaire Marie-Feuillet. Le général Lyautey, premier résident général du protectorat français au Maroc, veille à ce qu’il soit le nec plus ultra des hôpitaux militaires d’Afrique du Nord, fierté de tous les Rabatais. N’empêche, en 1999, rideau ! L’hôpital ferme. Exit. Derrière les palissades, les jardins tombent en friche, les façades se lézardent, les toits et les murs chancellent. Jusqu’à ce qu’en 2016 le groupe émirati Modon Holding se porte acquéreur de la propriété avec l’intention d’y construire un hôtel de luxe dans le respect de l’existant. Sept ans de travaux, pour que le cabinet d’architecture marocain de Karim Chakor remonte pierre par pierre, à l’identique, les trois bâtiments historiques, et leur en adjoigne cinq nouveaux. Les façades retrouvent leur style néo-mauresque avec leurs arcades, leur blanc immaculé, leurs zelliges, leurs colonnades de pierre et leurs auvents bordés de tuiles vertes.


Le cabinet Roger Nazarian & Associates se charge de la décoration intérieure et des jardins andalous du cinq-étoiles géré par Four Seasons. Deux cents chambres et 40 suites hors norme dont le Riad du Sultan, suite royale de 950 m² avec jardin, piscine à débordement, hammam, occupent les trois bâtiments historiques. Les autres abritant spa gigantesque, piscine intérieure et sept restaurants. « J’ai choisi des artisans, des matériaux locaux, ajouté des notes contemporaines pour tisser un lien entre le passé et le présent », confie l’architecte d’intérieur. Intention très lisible dans le Noora Lobby Lounge, reprenant les codes de l’Art déco marocain avec sa verrière aux carreaux de verre coloré, son patio en arcades, ses frises de zelliges, ses luminaires en cuivre ciselé et ses sièges années 1930. Intention lisible aussi dans les couleurs, l’or et le vert sombre propres au royaume chérifien, s’égaient de vert émeraude, d’orange, de bleu turquoise. Le marbre ose le rose, le vert. Et les tapis réalisés sur mesure dans les ateliers des meilleurs artisans s’encanaillent de nuances actuelles.




Les chambres et suites, elles, déclinent une palette plus sobre en dégradé de beige, relevé de vert sourd mettant en relief la moquette dont les dessins évoquent les plans de Rabat. Leurs luminaires Art déco s’inspirent des bijoux berbères. Toujours cette alliance subtile d’hier et d’aujourd’hui. À l’image de Rabat qui, jusqu’à présent, un peu à l’écart des circuits touristiques rentre dans la course avec de sérieux atouts. Dont ce nouveau Four Seasons.
Rabat, l’incontournable
Lumineuse, maritime, coquette, avec sa médina dont l’architecture et les maisons en blanc et bleu évoquent la Grèce, la capitale administrative et royale mérite qu’on s’y attarde, pour flâner le long de l’océan, admirer les méandres du Bouregreg, les bâtiments coloniaux et arabo-andalous parfaitement entretenus, classés au patrimoine de l’Unesco. Mais aussi pour apprécier l’audace de ses nouvelles constructions, tel le Grand Théâtre signé par le cabinet de Zaha Hadid et la tour Mohammed VI, s’élevant comme une fusée dans le ciel. Le Four Seasons est à l’image de la ville, historique et moderne à la fois.
Article paru dans le numéro 182 de RD – Résidences Décoration.




