L’incroyable œuvre végétale de Jacques Garcia

C’est en Normandie, à Sainte-Opportune-du-Bosc, au château du Champ-de-Bataille, qu’en trente ans le décorateur a implanté le plus grand mais aussi le plus délirant jardin privé d’Europe. Entre parterres à la française et jardins anglo-indiens.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

Près du Neubourg, dans l’Eure, Jacques Garcia, tombé amoureux de la demeure XVIIe siècle très délabrée du comte de Créqui-Bernieulles, la rachète en 1992. Il la rénove à l’image des intérieurs qu’il signe pour des particuliers et des hôtels, avec faste et ampleur. « Embellir, c’est se sauver du peu, s’élever au-dessus de soi. Je crois au sonnet, à la cantate, à la Sixtine », confie alors le redresseur de ruines. Si le château tient toujours debout, son parc a hélas entièrement disparu. Garcia adore les pages blanches, les défis, ça le stimule. Il va, dès lors, avec Patrick Pottier, à partir d’un dessin d’André Le Nôtre, s’employer à doter sa demeure d’un jardin. À sa façon, avec fantaisie et réflexion. Dentelles de buis, bosquets sortent peu à peu des tonnes de terre remuées, ombrent de grandes statues, pour esquisser un jardin à la française que doit doubler un parc à l’anglaise. La tempête de 1999 bouscule ses plans mais donne au jardinier en herbe un nouveau coup de fouet. Il décide d’imaginer plutôt qu’un parc policé, bien élevé, un jardin contemporain, une succession d’ambiances végétales avec des bassins, des canaux, ce qu’on appelle des fabriques, des petites constructions disséminées de-ci de-là dans les parcs des domaines aristocratiques au XVIIIe siècle. Fabriques qui, comme les cailloux du Petit Poucet, ponctuent les déambulations des visiteurs, les incitent à s’éloigner des allées, entrer dans les bosquets qui abritent des mondes inattendus, à l’instar du temple de Léda ou du théâtre de verdure.

Dans les nouveaux jardins, accessibles par un étang, la grotte circulaire de Cybèle en pierres et bois, avec têtes de lion et scène flottante pour concerts et autres spectacles. © DR
Vue aérienne du domaine permettant de comprendre l’articulation entre les bassins, les canaux, les jardins à la française et les nombreux bosquets offrant mille et une surprises. © Arnaud Chicurel

Au domaine du Champ-de-Bataille, rien n’est figé, Tout évolue en fonction des saisons, du climat, du temps. Et, Garcia aime retirer, ajouter, transformer. Son dernier délire : le « jardin du palais des rêves », évocation d’un jardin moghol du XVIe siècle, avec un ensemble de fabriques indiennes en grès rose, coiffées de coupole, agrémentées de colonnes tantôt en marbre blanc, tantôt en grès. Un jardin ouvert au public depuis peu. Une splendeur évoquant ni plus ni moins celle entourant le Taj Mahal, où un jour un photographe saisit Lady Diana, en voyage officiel, assise seule sur un banc, toute la mélancolie du monde noyant ses yeux bleus. « À travers ces nouveaux jardins, j’ai essaimé des fleurs à foison, 1 800 rhododendrons, 12 000 plantes vivaces. Ça manquait. »

L’eau, les bassins où ils se reflètent, point commun, lien, entre le palais indien et le temple de verdure aux allures antiques, romaines, avec ses colonnes et ses statues. © DR
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Le maître se repaît à toute heure du jour et de la nuit de ses espaces verts. C’est une respiration. Il y organise des fêtes, pour ses anniversaires, notamment, mais souhaite avant tout qu’une fondation un jour prenne son relais, pour que ses biens « verts » soient transmis, perdurent, au bénéfice des jeunes générations et de tous les amateurs.

Dormir dans les jardins ou presque

Afin que le parc, où travaillent une quinzaine de jardiniers, soit autofinancé, et pour l’explorer de fond en comble, Jacques Garcia a créé le Relais du Champ-de-Bataille dans les communs du château, dix chambres ravissantes. Privatisables en leur entier ou non pour un événement, avec ou non l’accès libre au jardin moghol.

Carnet pratique

Classé Monument historique, l’ensemble du domaine, jardins et château, se visite. Les jardins ouvrent à 10 h et ferment leur grille à 19 h. Bien compter 3 heures pour une jolie découverte. Billet à partir de 15 €, gratuit pour les moins de 7 ans. 

Accessible en train à 1 h 30 de Paris par les gares d’Évreux, Brionne, Serquigny.
chateauduchampdebataille.com

Article paru dans le numéro 178 de Résidences Décoration.

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