Entre forêt enchantée, rêve éveillé et cauchemar monumental, le Parco dei Mostri est un parc du XVIe siècle qui mêle architecture, sculpture et nature de manière spectaculaire…
Texte Marie Godfrain / Photos Christian mantuano, DR
Niché au fond d’un vallon, le Parco dei Mostri reste muet de l’extérieur. Sans pousser la porte de l’entrée, impossible de savoir qu’ici se cache un jardin extraordinaire peuplé d’étranges créatures de pierre, un sommet de technique et d’art mais aussi d’audace. Également connu sous le nom Sacro Bosco, le « Parc des Monstres » se révèle à Bomarzo, dans la région du Latium, à une centaine de kilomètres au nord de Rome. Né au XVIe siècle de l’imagination excentrique du prince épicurien amateur de littérature et d’alchimie Pier Francesco Orsini, ce parc est un exemple unique d’art monumental Renaissance, mêlant l’architecture, la sculpture et la nature de manière spectaculaire. Emblématique de la Renaissance, le Parco dei Mostri a été conçu comme un espace de réflexion philosophique et spirituelle. À une époque marquée par l’humanisme et l’intérêt renouvelé pour les anciens mythes et légendes, Orsini a décidé de créer un lieu hors du temps qui refléterait les préoccupations intellectuelles du moment et de le faire aménager par l’architecte-jardinier maniériste Pirro Ligorio, concepteur des jardins de la villa d’Este, à Tivoli.Dès l’entrée du parc, les visiteurs sont accueillis par des sculptures monumentales et énigmatiques représentant des créatures mythologiques, des géants, des monstres et des figures fantastiques. Ces statues, taillées dans la pierre locale, semblent surgir de la terre et évoquent un monde fantasmagorique et mystérieux, et ont été imaginées comme un parcours métaphysique truffé de références ésotériques dont on a du mal à identifier le sens cinq siècles après leur création.
Derrière l’imposante arche qui s’élève à l’entrée de la Villa des Merveilles, le nom que lui avait donné Orsini, deux sphinges – le féminin de sphinx –, monstres fabuleux à tête et buste de femme, à corps de lion et ailes d’aigle qui, dans la mythologie grecque, proposaient des énigmes aux passants, montent la garde. L’une d’elles prévient le visiteur : « Toi qui entres ici, dirige ton esprit sur chaque chose et dis-moi si toutes ces merveilles sont le produit de la tromperie ou bien de l’art. » Des merveilles qui fascinent ou effraient… Ainsi, quelques mètres plus loin se dressent deux colosses de pierre en plein combat, Hercule prêt à démembrer Cacus…
Le voyage se poursuit tout le long de ce bosquet ombragé, entre chimères enserrées par la mousse, monstres tapis dans les sous-bois et divinités de la mythologie gréco-romaine surgissant de manière inattendue. Les statues sculptées dans d’énormes blocs de roche volcanique qui parsèment le paysage semblent sortir du sol, comme fabriquées par des dieux artistes.
Le point central du Parco dei Mostri est la célèbre Bocca della Verità (« Bouche de la Vérité »), une sculpture massive en forme de visage humain géant, figé en une expression de stupeur qui aurait pu inspirer le Cri de Munch. Selon la légende, la bouche avalerait les mensonges et révélerait la vérité à ceux qui osaient y mettre leur main.
Au-delà de la Bocca della Verità, les visiteurs explorent un dédale de chemins sinueux, de grottes inquiétantes et de terrasses panoramiques offrant des vues spectaculaires sur la campagne environnante. Chaque recoin du parc réserve des découvertes fascinantes, des sculptures ambiguës et des éléments architecturaux surprenants. Le parcours offre une série d’expériences sensorielles à la fois ludiques et mystérieuses, qui raviront les amateurs d’art aussi bien que les enfants : par exemple, entrer dans une maison penchée qui donne le vertige, ou dans la bouche grimaçante des enfers qui cache en réalité un refuge rafraîchissant. Car malgré son caractère énigmatique, voire inquiétant, le Parco dei Mostri est imprégné d’une beauté éternelle, spectaculaire, presque surréaliste. À tel point qu’au fil des siècles il est devenu une destination incontournable pour les amateurs d’art, d’architecture et d’histoire. Il a inspiré de nombreux artistes, écrivains et penseurs.
Località Giardino, Bomarzo, ouvert toute l’année.
Article paru dans le numéro 175 de Résidences Décoration.