C’est au cœur de Milan que se trouvent la Villa Necchi Campiglio et son somptueux jardin. Son histoire, son audace, son allure et la famille qui y a habité jusqu’à la fin de ses jours, font de cette villa une véritable icône.
Texte Anne-Louise Sevaux
En 1932, Angelo Campiglio, sa femme Gigina Necchi et la sœur de celle-ci, Nedda Necchi, font construire cette luxueuse villa dans le quartier appelé aujourd’hui Quadrilatero del Silenzio, au cœur de Milan. Les sœurs Necchi sont issues d’une riche famille industrielle. Leur fortune provient, d’une part, de leur frère, propriétaire de la célèbre société de machines à coudre Necchi, et d’autre part de leur père, propriétaire d’une fonderie à Pavie, au sud de Milan. Ils forment une famille très ouverte sur le monde (et notamment le « beau monde »), passionnée de voyages, de littérature, de sport et d’art. Milan représente alors tout ce qu’ils aiment, puisque la ville est, déjà à l’époque, le cœur battant de l’Italie moderne. Une Italie moderne, certes, mais aussi une Italie fasciste, placée sous la dictature de Benito Mussolini.
La légende raconte que Gigina Necchi et Angelo Campiglio auraient eu un coup de cœur, un soir de brouillard, pour ce qui n’était alors qu’un jardin, en rentrant d’une représentation à La Scala, située à quelques pas. Le terrain étant à vendre, ils en deviennent rapidement propriétaires. Quelques mois plus tard, en association avec Nedda Necchi, ils font appel aux services de l’un des plus grands architectes du moment pour construire leur villa : Piero Portaluppi. Dans les années 1930, Milan ne semble connaître que lui. Il conçoit des bâtiments officiels, des monuments, des logements… Son architecture mêle différentes influences : néo-classique, Art déco, futurisme et, époque oblige, des éléments de l’architecture fasciste. Piero Portaluppi aime les matériaux haut de gamme, notamment le marbre, et affiche un goût prononcé pour la modernité et l’innovation.
Tout cela se retrouvera dans la Villa Necchi Campiglio, dont la construction s’étalera de 1932 à 1935. Pendant trois ans, l’architecte veille à chaque détail, jusqu’à l’ameublement, afin de faire de cette villa de 1 500 m² une véritable œuvre d’art. Le marbre, ou plutôt les marbres, y sont omniprésents, jouant avec les teintes et les veinures. Chaque matériau a été sélectionné avec soin et les grandes ouvertures, donnant sur un somptueux jardin et baignant la villa d’une lumière exceptionnelle, sont une autre caractéristique du lieu.

Mais ce qui fait rapidement la réputation de cette villa, ce sont ses innovations technologiques, à commencer par une piscine chauffée, la première piscine privée de Milan. La villa est également équipée d’un ascenseur, reliant ses quatre niveaux, ainsi que d’interphones internes. Le système de chauffage, dissimulé dans les murs, est une autre prouesse pour l’époque. Pendant quelques courtes années, la famille profite de cette demeure entre fêtes et réceptions, entourée d’invités prestigieux, jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale éclate.
Le trio est contraint de quitter Milan pour se réfugier loin de la ville, et la maison est réquisitionnée pour diverses fonctions : elle devient d’abord le siège du gouvernement fasciste, puis passe aux mains des Britanniques et, plus tard devient la résidence du consul des Pays-Bas.
Ce n’est qu’au début des années 1950 que la famille Necchi Campiglio parvient à récupérer sa chère villa. Ils en profitent alors pour effectuer quelques réaménagements, menés par l’architecte Tomaso Buzzi, qui adopte un style plus classique, inspiré de l’architecture italienne traditionnelle. Les fêtes reprennent alors autour de cette fameuse piscine. Les trois propriétaires vivront dans cette maison jusqu’à la fin de leurs jours. Angelo Campiglio s’éteint en 1984, Nedda Necchi en 1993 et Gigina Necchi en 2001. Sans successeurs, les sœurs ont décidé de léguer la villa au FAI (Fondo per l’Ambiente Italiano), une fondation dédiée à la conservation du patrimoine italien.
Restaurée, elle est ouverte au public depuis 2008, accueillant également des expositions permanentes et temporaires.
Article paru dans le numéro 180 de RD – Résidences Décoration.




