Trouver que le chalet construit dans les années 1960, sur les hauteurs de Verbier, aux Essarts, en Suisse, manque de respiration, d’ouvertures. Appeler Marianne Tiegen à la rescousse. Histoire d’une résurrection.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Jeremy Wilson
Pionniers, dans les années 1960, les parents suisses de l’actuel propriétaire acquièrent un grand terrain pentu aux Essarts, le nouveau « quartier » chic, en altitude, de Verbier. Un terrain isolé, idéal pour ériger un chalet. Pendant des années, la famille y grimpe l’hiver pour dévaler les pistes, savourer des fondues, l’été pour randonner, pique-niquer dans les pâturages. L’âge venant, les parents décident de s’en séparer. À regret ! Par chance, un de leurs fils, financier vivant à Singapour, le rachète, « pour que es trois enfants passent nombre de leurs vacances ici, renouent avec leurs racines helvétiques, connaissent les mêmes plaisirs que lui, bambin ».


La grande baie attire tous les regards, dévoilant un paysage de montagnes, de sommets, à la croisée de trois pays, la France, l’Italie et la Suisse. Invitation au voyage, à l’évasion.

Le chalet familial, soixante ans après sa construction, mérite une remise aux normes et une rénovation, d’autant que ses nouveaux occupants, habitués aux cieux lumineux d’Asie, aux intérieurs design, clairs, au style de vie ouvert sur l’extérieur de Singapour, le trouvent sombre, étriqué, peu confortable. « Leurs souhaits, exprimés sans détour, raconte Marianne Tiegen : agrandir les fenêtres, sans nuire à l’esthétique, pour bénéficier au maximum du panorama, créer un bel et confortable espace de vie et surtout, surtout, éclairer l’ensemble. » Le brief posé, carte blanche est donnée à la décoratrice. Place au travail en relation étroite avec les artisans du coin et ceux de l’atelier de Marianne Tiegen Interiors en Belgique. « Mon fil rouge : amener un maximum de clarté, de modernité en associant les matières brutes, pierre, bois de récupération glané chez les démolisseurs de granges, trouver des astuces tout en conservant les éléments d’origine, comme les très belles poutres, qui ont été éclaircies au lait de chaux plutôt qu’à la peinture pour mettre en valeur leur style, leur texture. La toiture a été refaite en ardoises traditionnelles, et assortie d’une bonne isolation, pour protéger efficacement le chalet des températures très souvent négatives en hiver… »

le côté très poli de la pierre. Chaises de bar Manufactori, vases anciens en céramique blanche chinés, suspensions Davidts Lighting.


Un chantier d’envergure consistant à la fois à restructurer l’espace pour qu’il respire, organiser le chalet autour de l’open space, apporter du confort et imaginer une ambiance plus chaleureuse. « C’est dans cet esprit, par exemple, que j’ai dessiné puis posé, légèrement surélevée, une grande cheminée en pierre provenant d’une carrière locale. Une cheminée traditionnelle, mais bénéficiant de technologies de pointe, pour mieux diffuser la chaleur. C’est aussi dans cet esprit que j’ai privilégié une palette de teintes s’alliant avec la pierre calcaire des murs et les couleurs de la nature environnante, ainsi que des matières “réconfortantes”. Les tapis en soie, les rideaux en cachemire apportent une sensation de douceur, de luxe discret et contrastent avec des pièces simples, primitives, les lignes organiques d’éléments artisanaux qui évoquent la force de la montagne. Puis, pour créer un lien entre dedans et dehors, j’ai égrené quelques notes romantiques en posant dans certaines pièces des ornements de jardin en pierre, des décorations extérieures en Eternit avec leur lichen conservé volontairement. »

Comme à l’hôtel, mieux même qu’à l’hôtel, les quatre chambres suites disposent soit d’une grande douche à l’italienne, soit d’une baignoire parfois posée au pied du lit.


Le point fort de Marianne Tiegen et de ses équipes dans les antennes suisse, française et californienne : donner une âme aux lieux, respecter leur authenticité pour enrichir le quotidien de leurs habitants. « Je suis une autodidacte, une nomade. J’ai grandi au bord de l’océan, dans une famille franco-californienne bohème. J’ai vécu dans de nombreux endroits sur la planète, sur des bateaux, dans des chalets en montagne, des appartements urbains, des bungalows posés sur plage. Tous ces endroits avaient un point commun : ils étaient en harmonie avec leur environnement naturel. Ils m’inspirent toujours. Et, puis quand mon père ne surfait pas, il dessinait des maisons emblématiques de Los Angeles. Son amour de la nature et de l’architecture a alimenté mon imagination. Et pour moi, la décoration, c’est avant tout offrir du plaisir, de l’amour. Ainsi, dans ce chalet, à la fin du chantier, j’ai accroché un grand cœur dégotté sur un plateau de tournage. Toute la famille l’adore et aime se photographier devant. »
Marianne Tiegen, de Verbier à Los Angeles via Paris

En 2008, Marianne, autodidacte, fonde Interiors, agence internationale à Verbier, en Suisse. Suivront Paris puis Los Angeles. Chaque bureau compte entre 5 et 10 collaborateurs. Ses ateliers développent des teintures naturelles et du mobilier sur mesure. Son concept : le « slow luxury », soit un luxe artisanal, qui outre-Atlantique s’oppose à la fast fashion. Un luxe durable, le vrai luxe.
Article paru dans le numéro 179 de Résidences Décoration.