La Fondation Maeght est née d’un rêve d’art total, mais aussi d’un drame familial. Elle est également, et peut-être avant tout, une ode à la création, à l’amour et à l’amitié. Retour sur l’histoire singulière de ce lieu hors du commun.
Texte Anne-Louise Sevaux / Photo Fondation Maeght
Blancheur éclatante, lignes épurées, jardins hors du temps… à Saint-Paul-de-Vence, la Fondation Maeght offre depuis plus de soixante ans un écrin unique à l’art moderne et contemporain. Un lieu pensé pour les artistes, par des passionnés : la famille Maeght.
Marchands d’art visionnaires, amis des plus grands créateurs du xxe siècle, les époux Maeght avaient d’abord fait de leur galerie parisienne « la plus grande galerie du monde », comme le rappelle aujourd’hui leur petite-fille Isabelle Maeght. Mais c’est un drame intime qui donnera naissance à leur Fondation.
«Mon oncle Bernard était atteint de leucémie, raconte-t-elle. Mes grands-parents, originaires de la région, avaient acheté ce terrain pour lui offrir un lieu de repos, d’air pur. » Mais Bernard meurt à l’âge de 12 ans. Le chagrin s’invite à jamais dans cette famille et Aimé et Marguerite songent à cesser leur activité. C’était sans compter sur l’amitié indéfectible de leurs artistes, Braque, Calder, Miró, Léger, Giacometti, et tant d’autres, qui les convainquent de transformer ce lieu.
Un lieu à l’aura si particulière, comme le raconte Isabelle Maeght, membre du conseil d’administration de la Fondation depuis 1977 :« Une ruine se dressait sur le terrain. Ma grand-mère sentait qu’il se passait ici quelque chose de particulier. » Des recherches révèlent qu’une chapelle dédiée à saint Bernard s’y trouvait autrefois. Marguerite Maeght « y voit un signe ». La décision est prise : la Fondation naîtra ici, autour de cette chapelle.
Le projet est confié à l’architecte catalan Josep Lluís Sert, grand ami de Miró, à qui l’on doit notamment son atelier à Palma de Majorque. Pour la Fondation, il conçoit, en étroite collaboration avec la famille Maeght et les artistes, un lieu novateur, rassembleur et visionnaire : des murs d’un blanc éclatant, des puits de lumière, des espaces intérieurs et extérieurs pensés pour répondre aux besoins et aux envies des créateurs… L’édifice se distingue aussi par son respect de l’environnement : son célèbre toit à voûtes inversées permet de récupérer l’eau de pluie pour alimenter bassins et fontaines, tandis que ses murs composés de briquettes, d’air et de béton assurent naturellement une température idéale pour les œuvres comme pour les visiteurs.
Dans cet écrin imaginé par Sert, les œuvres prennent vie : la cour Giacometti, le labyrinthe de Miró, le bassin de Georges Braque, les mosaïques murales de Marc Chagall et de Pierre Tal Coat… La Fondation demeure un lieu hors du temps, propice hier à la création et aujourd’hui à la contemplation.
En 2024, soixante ans après son inauguration par André Malraux, la Fondation Maeght s’est dotée d’une extension de 580 m², elle aussi singulière, signée Silvio d’Ascia. « Nous avons doublé la surface d’exposition, non pas en ajoutant, mais en retirant », sourit Isabelle Maeght. L’extension a en effet été creusée sous la cour Giacometti. « Bien sûr, tout a été remis à l’identique. Aujourd’hui, les visiteurs se demandent encore pourquoi nous avons fermé six mois, car ils ne voient rien des travaux ! C’est le plus beau des compliments. »
Et ainsi, le rêve d’Aimé et Marguerite Maeght continue plus que jamais de vibrer, intact et vivant.
Article paru dans le numéro 183 de RD – Résidences Décoration.




