JR « Le Venice Simplon-Orient-Express est une machine à rêve, une légende qui appartient à tous »

À 41 ans, le gamin de banlieue parisienne né à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, qui prenait le RER pour graffiter les murs de Paris, n’aurait jamais imaginé être le premier artiste à concevoir une voiture du Venice Simplon-Orient-Express (VSOE), un train Belmond, le plus luxueux du monde.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Ludovic Balay

Du RER B à ce train Belmond un sacré parcours 

Les premières œuvres de Jean René, son vrai nom, devenu JR, l’un des plus grands artistes de street art contemporain : les graffitis, ses photos collées en douce, dans les tunnels, les voitures du RER qu’il empruntait ado pour gagner Paris et ses toits. « Je possède pour m’exprimer, s’amuse-t-il, la plus grande salle d’exposition du monde, les murs de toutes les villes pour mes photos, mes collages. » D’ailleurs en 2004, avec son premier appareil photo il réalise « 28 millimètres », une série de portraits en gros plan de jeunes banlieusards au regard inquiétant qu’il plaque dans les rues de Paris pour interpeller les passants. Vingt ans après, il inaugure à Venise, lors de la Biennale, L’Observatoire, LA voiture du Venice Simplon Orient-Express qu’il a pendant quatre ans entièrement conçue, décorée, peaufinée.

Un grand écart entre deux mondes 

« Enfant, passionné de trains, je rêvais de l’Orient-Express, mais sans savoir s’il roulait encore, s’il existait toujours. Je l’avais vu en image, dans des films. C’était comme un jouet magique, inaccessible, un fantasme. » Quand le groupe Belmond contacte JR en 2020, pour lui proposer de décorer de A à Z une voiture du Venice Simplon Orient-Express, l’artiste n’en revient pas. D’autant que lorsqu’il demande quelles sont les contraintes, on lui répond, « aucune, exprimez-vous librement ». « Sacrée responsabilité, concevoir une œuvre utile qui me survivrait ! » JR dès lors relit tous les documents, les archives, tous les livres parus sur le fameux train, visionne documentaires et fictions. Puis, il liste ce qu’il apprécierait en tant que passager : une vraie maison sur rails avec des surprises, telles qu’une pièce secrète, une grande baignoire, des œuvres cachées, des tiroirs sans fond, voir le ciel de son lit, etc. Et se lance, heureux dans ce slow travel d’un autre temps accessible, certes, qu’à une poignée de privilégiés, mais que tout un chacun peut admirer, rêver. Un train de légende, urbain.

Une œuvre roulante

Au travail ! Après s’être imprégné des codes Art déco, de ceux de René Lalique et René Prou qui, en leur temps, ont apporté leurs touches aux voitures du Venice Simplon Orient-Express, JR réunit les meilleurs artisans d’Europe, dans leur spécialité, notamment en marqueterie, très présente dans L’Observatoire avec ses jeux d’essences, ses motifs.
Et surtout, il imagine un univers bien à lui, qui le transporte, avec des espaces pour s’évader, un toit coulissant pour voir le ciel de son lit, des fenêtres pour contempler le paysage défiler, des livres pour ponctuer le voyage, des crayons de couleur pour dessiner ses souvenirs. « Je convie ni plus ni moins les voyageurs à entrer dans mon imaginaire. À jouer aussi, en découvrant, dans le tea-room, les messages secrets cachés dans les petits trains miniatures créés spécialement pour cette voiture avec minutie. J’ai utilisé tous les espaces perdus, pour cacher des objets. En dormant pour la première fois dans ma voiture, L’Observatoire, en décembre, revenant de la Biennale de Venise, j’avais l’impression d’être comme le roi d’Angleterre, même mieux que lui, rare personne au monde à bénéficier d’un train très spécial. » 

La chambre de la voiture L’Observatoire prouve, comme le dit JR, qu’il a imaginé chaque détail en pensant « qu’avec les artisans nous écrivions le début d’une légende ». © Ludovic Balay
Philippe Allemand, Auvergnat, maître en marqueterie a réalisé en assemblant différentes essences de bois rares, les maquettes et dessins très précis de JR. © Ludovic Balay
Toujours coiffé de son feutre noir, et ses yeux cachés par ses verres fumés, JR donne avec gentillesse et patience ses interviews dans « sa » voiture, ici le salon corridor. © Ludovic Balay
Le tea-room, salon secret caché derrière une bibliothèque pivotante avec ses trains miniatures créés spécialement et qui, derrière leurs fenêtres délivrent des indices pour trouver des trésors. © Ludovic Balay
Dans la chambre, baignoire en émail, sur pieds, avec son vitrail signé réalisé par les meilleurs artisans d’art allemands, qui ont œuvré sur les vitraux des grandes cathédrales européennes. © Ludovic Balay

Les six dates clés de JR

2001 : première œuvre de street art à Paris.

2003 : ouverture de son studio parisien.

2018 : nommé aux Oscars, pour Visages Villages, meilleur film documentaire.

2023 : Chiroptera ( chauve-souris), deux représentations avec 153 danseurs devant l’Opéra de Paris avec Thomas Bangalter, ex-Daft Punk pour la musique et Damien Jalet pour la chorégraphie.

2024 : essai et voyage à bord de L’Observatoire.

2025 : à venir, une installation encore secrète sur le Pont-Neuf, 40 ans après son emballage par Cristo et Jeanne-Claude.

Les dates de voyage 2025 

Après son voyage inaugural, L’Observatoire, qui se privatise entièrement pour un couple ou une personne, sera accrochée aux autres voitures du VSOE pour les circuits ci-dessous :

  • Paris – Venise (1 nuit) du 10 au 11 mars, du 20 au 21 mars, du 24 au 25 mars 2025
  • Paris – Vienne (4 nuits) du 15 au 19 mai 2025
  • Paris – Vienne (1 nuit) du 6 au 7 juillet 2025
  • Paris – Prague (4 nuits) du 6 au 10 juillet 2025
  • Paris – Cannes (1 nuit) du 30 au 31 octobre 2025

Article paru dans le numéro 180 de RD – Résidences Décoration.

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