D’une étrange construction en parpaings inachevée dans les années 90, Caroline Fau Deffis a imaginé une grande maison moderniste surplombant l’immense baie de Rosas sur la Costa Brava en Espagne.
Par Marie-Maud Levron / Photos Cécile Perrinet-Lhermitte
Les flots d’argent au loin, le ciel d’azur imperturbable… de la maison, on embrasse une vue à couper le souffle sur la baie de Rosas dans une tranquillité imperturbable. Pendant des années, Caroline et Jean-Marc, respectivement architecte d’intérieur et propriétaire d’élégants hôtels dans la région, ont mené une vie rythmée entre la France et l’Espagne. Décidés à fonder une famille, et à vivre plus posément, ils se sont mis en quête d’une grande maison proche de leur établissement de Cadaqués, sur la Costa Brava.
« Nous recherchions, sans idée précise, une propriété profitant d’une belle vue sur la mer, dans un quartier habité toute l’année car nous ne comptions pas venir ici uniquement pour les vacances », se souvient Caroline.
Las de visiter des maisons sans caractère, le couple persévère et finit par s’intéresser à une imposante construction ronde sur les hauteurs de la station balnéaire de Rosas. Réduite à l’état de carcasse abandonnée depuis vingt ans, cette tour en parpaings sans fenêtre ni cloison, entourée d’un jardin en pente rempli de gravats ne pouvait inspirer que les plus audacieux.
« J’aime avant tout respecter les lieux et les bâtisses. Mon travail part souvent de cet environnement. J’étais totalement dépitée quand Jean-Marc a choisi d’acheter cette maison. Pour lui c’était un défi ! Pour moi, nous achetions la maison la plus laide de la Costa Brava, qui n’avait rien à raconter. Et puis je me suis prise au jeu et finalement, être affranchie de toute histoire incite à la création », raconte Caroline.
La bâtisse ne s’insère pas dans un périmètre contraint par une architecture traditionnelle, Caroline se plie à l’exercice en l’abordant comme une page blanche. Elle privilégie les volumes, les circulations et le choix des matières. Pour concevoir une habitation pratique aussi agréable à vivre à l’intérieur qu’a l’extérieur, destinée aux vacances d’été et d’hiver, elle imagine un dernier étage perché comme espace de vie principal, distribuant cuisine ouverte, salon et grande chambre parentale de plain-pied sur la terrasse protégée d’une rambarde.
« Je voulais un garde-corps qui reprenne l’architecture ronde de la maison, et très ajouré pour ne pas masquer la vue sur mer. C’est un serrurier local qui l’a réalisé en découpe numérique sur de l’acier puis thermolaqué. Je me suis inspirée d’un modèle que j’avais vu au Mexique », décrit Caroline.
Après les inévitables vicissitudes d’un chantier d’envergure, une piscine sinueuse rappelant l’arrondi de la tour vient parfaire cette intention première de vivre aux premières loges en surplomb de la grande bleue. Dehors, Caroline imagine une pergola en palissandre et lattes de cèdre dessinées en vagues, qui suit les courbes de la piscine. Cette structure apporte des ombres très graphiques, dont les reflets évoluent suivant la position du soleil, à chaque heure de la journée.
Un agencement qui s’apparente à celui d’un grand appartement moderniste tout en courbes et en rondeurs, jouant majestueusement avec les perspectives. Avec pour ligne conductrice l’esprit des maisons lumineuses de Palm Springs des années 1960, Caroline opte pour une résine blanche sur les sols intérieurs et extérieurs, des baies vitrées coulissantes pour profiter largement de l’horizon, effaçant plus encore la frontière dedans-dehors.
Dans la pièce de vie, la plupart du mobilier est dessiné par ses soins pour s’adapter parfaitement à l’arrondi de la tour avec la théorie du Bauhaus – Less is more – comme leitmotiv… Un principe radical que Caroline s’est approprié et a illustré dans les lignes des aménagements. Les placards de rangement et parois de la pièce sont plaqués de teck ou laqués turquoise, les banquettes garnies de cuir blanc, les têtes de lit incurvées. « L’idée était de faire simple mais avec un côté ludique, une maison riante et non ostentatoire », insiste la décoratrice.
Le mobilier sur mesure aux lignes pures est ainsi associé à des luminaires colorés, des vases aux formes amusantes d’éditeurs contemporains et des pièces vintage tout en rondeur des années 50 chinées entre Barcelone et Paris. Pour accentuer ce luxe évocateur de l’esprit Riva, chaque chambre profite elle aussi d’une vue sur la baie.
Trois autres réservées aux amis, indépendantes, sont organisées à l’étage inférieur auquel on accède par un escalier aux lignes épurées magnifiquement maçonnées. Dehors, la réalisation d’un jardin en harmonie avec le paysage alentour n’est pas en reste. Les plants d’essences méditerranéennes des jardinières et les espaces paysagers ont été travaillés par paliers par Claire Fau, fille de Jean-Marc. Les bruits et les mouvements de l’eau viennent compléter ce tableau vivant, véritable décor solaire, idéal pour refaire le monde loin de la foule des touristes.
Reportage paru dans le numéro 159 de Résidences Décoration