L’un des palaces les plus atypiques de France, voire du monde, épate depuis presque soixante ans l’univers de l’hospitalité. Créant saison après saison la surprise, restant toujours dans la danse… Aussi star que ses plus fidèles hôtes.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photo de couverture Stephan Julliard
En mai 2003, Jean-Prosper Gay-Para, 90 ans, s’éteint au Liban, son pays. L’Orient-Le Jour, l’un des plus grands quotidiens francophones du Moyen-Orient, titre en une : « Mort d’un prince. ». Un prince, un homme, un hôtelier, généreux qui, passionnément amoureux et admirateur de Mireille Darc et de Brigitte Bardot, construit en 1967, pour les accueillir, au cœur de Saint-Tropez un quatre-étoiles extravagant, le Byblos, nom d’une ville libanaise historique. Le 27 mai 1967, au début de la saison, mille invités se pressent à l’inauguration, guettant l’arrivée des deux actrices, marraines des lieux. Gay-Para jubile, heureux entre ses deux égéries. Que la fête commence, que le champagne coule à flots, que les couples s’enlacent et se trémoussent sur « All You Need is Love », des Beatles, « Nights in White Satin », des Moody Blues, « A Whiter Shade of Pale », de Procol Harum, propice au flirt et aux baisers sulfureux. L’été tropézien se décline entre la piscine du Byblos, où les bikinis soulignent, sans les cacher, les courbes voluptueuses des célébrités qui régalent les paparazzis alimentant les magazines people, et les Caves du Roy, « discothèque », du Byblos, où les bouchons des magnums sautent à tout-va. L’insouciance est de mise. Mais de courte durée pour Gay-Para. La guerre du Liban éclate, le ruinant en peu de temps. Exit le Byblos : il est contraint de vendre sa folie tropézienne, son hôtel semblable à un village provençal.
Avisé, doté d’un sens des affaires incroyable, ni fêtard ni m’as-tu-vu, fuyant les journaux à sensation, l’avionneur Sylvain Floirat, propriétaire de la radio Europe 1, se porte acquéreur en septembre 1967. Un investissement qu’il ne regrettera jamais et qu’il fera fructifier. En 1983, il achète le terrain mitoyen pour construire une nouvelle aile, La Bastide puis Le Hameau. Fatigué, il laisse les rênes en 1988 à son petit-fils Sylvain Chevanne qui a son tour en 2001 charge son fils Antoine, 28 ans, de diriger le Byblos puis toute la branche hôtelière Floirat. Pour Antoine, le Byblos, c’est sa maison, son terrain de jeux d’enfance. Comme une villa de famille qu’il aime, qu’il améliore. Ce qui lui vaut, en 2012, de décrocher le label tant envié de palace.
Cette année, pour coller à la tendance déco, il a confié à l’architecte d’intérieur Laura Gonzalez le soin de décorer quatre nouvelles suites. Celles-ci racontent l’histoire du palace et de la Riviera à travers des pièces de céramique de Capron et d’artistes contemporains œuvrant à Vallauris, des objets chinés esprit 1970, et une explosion de couleurs, de motifs. Tout en veillant à l’évolution de la Byblos Beach. Et où, après quelques brasses, quelques plongeons, naïades et apollons musclés savourent les plats du chef Nicola Canuti, fier que les herbes, fleurs et fruits du potager de l’établissement s’acoquinent avec les légumes, les viandes et les poissons sourcés au plus près. Une cuisine locavore, dans l’air du temps. Comme le Byblos !
Et la fête alors ?
Elle est toujours de mise, mais moins visible, moins éclatante, moins folle… Les people 2024, qu’ils soient artistes, acteurs, membres du CAC 40, et plus encore politiques, veillent à leur image, soucieux de ne pas apparaître sur les réseaux sociaux débraillés ou douchés au champagne. La fête a changé de tempo. Les paparazzis sont tenus à distance, filtrés voire exfiltrés. Seul le photographe officiel a le droit de braquer ses objectifs sur les VIP. Avec leur consentement. De la piscine aux Caves du Roy, de la plage au spa Sisley, la discrétion est un maître-mot.
Article paru dans le numéro 177 de Résidences Décoration.