Hisser haut les couleurs

Rythmer l’espace d’un grand appartement, rue Notre-Dame-des-Champs à Paris. L’inonder de lumière, l’animer d’œuvres d’art et de mobilier très gai pour, sans regret, oublier son passé haussmannien. Une métamorphose orchestrée avec punch par l’architecte Camille Hermand.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Agathe Tissier

Un bel immeuble haussmannien du sixième arrondissement, rue Notre-Dame-des-Champs, proche du boulevard Raspail et de Montparnasse. Un quartier parisien branché, style village, où les rares biens immobiliers se vendent de bouche à oreille. Cherchant un vaste pied-à-terre dans la capitale pour recevoir leurs amis, organiser des réceptions et des événements culturels, les propriétaires possédant une grande demeure en province sautent sur l’occasion lorsqu’on leur parle de cet appartement de 190 m2 haut perché. Mais ils sont surpris, lors de leur première visite, de découvrir une sorte de loft tout blanc, style années soixante-dix, dont les précédents occupants ont gommé tous les codes haussmanniens. Plus de moulures, plus de stucs, plus de dorures, plus de parquets, plus de cheminées, plus de hauteur sous plafond. Mais la localisation, le voisinage et la copropriété, regroupant des personnalités intéressantes dont quelques VIP, les séduisent. Ils craquent avec l’intention première de retrouver le style d’origine, de lui redonner vie.

La transparence est à l’honneur dans les pièces à vivre. Baie Rimadesio de Mondomio ; tapis de Sybille de Tavernost pour Maison S ; table cristal et console bronze de Isabelle de Borchgrave ; lampes Luciano Frigerio ; chaises «Superlegerra» de Gio Ponti chez Cassina ; œuvre rouge signée Zane Lewis, Galerie Hussenot.

Ayant vu quelques réalisations de Camille Hermand, sachant qu’elle est tout à la fois architecte, capable de s’attaquer aux infrastructures si nécessaire, et décoratrice d’intérieur, ils lui demandent si elle accepterait de travailler sur ce projet.

La chambre dévoile son sens du détail. Applique tête de lit Davidts Lighting ; applique murale blanche « Mouche »
de Pierre Chareau, rééditée par Galerie MCDE ; interrupteur Modelec ; moquette Codimat.
En arrière-plan, cabinet de toilette en marbre, réalisé sur mesure par Blanc Carrare.

Monsieur, homme d’affaires belge, imagine des pièces élégantes aux teintes douces en dégradés de beige, blanc, sable, écru.

Dans la chambre conçue comme une suite de palace, avec dressing et coin bibliothèque, les teintes neutres sont réveillées par des touches de noir. Fauteuil Le Corbusier « LC4 » Cassina ; rideaux et coussin banquette réalisés par Sophie Masson de Sophie La Tapissière, tissus Pierre Frey ; moquette Codimat.

Madame, galeriste et artiste, rêve d’un appartement très contemporain aux couleurs heurtées, pour accrocher les œuvres de ses artistes préférés.

La bibliothèque, entre la chambre et le salon, joue les écrins avec ses murs noirs. Peinture « Off-Black » de Farrow & Ball ; céramique « Tête de Maure », boutique Seagull Ceramics à Capri ; parquet Autrement les Sols ; bureau italien vintage ; fauteuil de famille ; moquette Codimat.

Tous les deux, en revanche, sont d’accord pour restituer l’âme et le caractère originels des lieux. Camille les écoute, recueille les envies de l’un et de l’autre, dresse un état des lieux minutieux. Et, après de très longues discussions, les convainc dans une démarche dynamique d’oublier le passé pour se concentrer sur la capture de la lumière pénétrant par la façade sud afin qu’elle inonde les pièces plus sombres ouvrant sur la rue.

Intimité parfaite, relaxation extrême. Lumière du jour tamisée, lumière du soir filtrée par les stores taillés sur mesure par Sophie La Tapissière dans un tissu Pierre Frey. Baignoire Bette ; robinetterie THG.

Concession au XIXe siècle, elle propose de poser un beau parquet, en lieu et place de la moquette très connotée, et de réinstaller dans le salon une vraie cheminée où crépiterait un feu, puisque Paris l’autorise.

La cuisine est gérée par un personnel stylé au service d’épicuriens amateurs de jolis crus et de mets raffinés qui sont ici servis à bonne température grâce à une cave à vins et un tiroir chauffant V-Zug. Porte vitrée créée sur mesure par Mondomio.

L’idée maîtresse de Camille Hermand est de concevoir cet appartement comme une immense suite de luxe, avec de larges espaces de réception, un lieu de vie sans contrainte, facile à se réapproprier lors de chacun de leur séjour. L’architecte propose donc de définir une vaste partie réception comprenant salon, living et cuisine, communiquant avec fluidité pour faciliter le travail et les va-et-vient des employés – chef, maître d’hôtel, serveurs –, et d’installer dans une autre partie plus intimiste la Master Suite et la petite chambre d’amis.

Une cuisine de professionnel dans un appartement privé où chaque détail compte.
Plan de travail en Silestone® de Cosentino, matière composée de minéraux et de matériaux recyclés qui la rendent très résistante. Poignées La Quincaillerie ; spots encastrés Wever & Ducre.

Cette proposition très moderne, très gaie et correspondant à leur mode de vie les enthousiasme. Confiants, ils donnent carte blanche à celle qui va jouer les ordonnatrices, mobilisant ses collaborateurs pour mener le chantier tambour battant.

C’est un véritable régal de concocter les plats et de les dresser dans cette cuisine bien équipée, conçue sur mesure et chic de surcroît. Peinture « Off-Black » de Farrow & Ball ; baie coulissante Rimadesio de Mondomio ; plaque-hotte Novy ; robinet et évier Franke.

Premier acte : détruire l’imposante entrée, qui bloque littéralement la lumière et assombrit l’ensemble, au bénéfice d’un sas plus modeste avec des parois coulissantes en miroir et en verre, histoire de voir sans être vu. « Je voulais redonner une respiration, une envergure, explique Camille Hermand. Les parois coulissantes permettent de moduler les pièces, les ouvrant toutes lorsque le couple reçoit, recréant une intimité, un cocon élégant lorsqu’ils y séjournent seuls.»

Pour mieux souligner la profondeur et l’élégance des murs en marbre noir, la vasque a été taillée dans un bloc de marbre blanc aux veines plus discrètes. La robinetterie THG apporte ses chaleureux reflets cuivrés.

Deuxième acte d’importance : revoir toutes les huisseries et choisir des encadrements noirs pour mettre en valeur la vue du balcon filant, comme un tableau de maître.

La salle de bains assume son allure très chic avec un marbre noir Marquina souligné de veinures blanches. Réalisation sur mesure par Blanc Carrare. Pare-douche en verre fabriqué sur mesure par L’Atelier d’Ober.

Troisième acte, en relation étroite avec madame qui va choisir les œuvres d’art : habiller le salon d’un mur noir pour accrocher les peintures, exposer les sculptures, poser les livres. Avec en son centre une cheminée, véritable pôle d’attraction tant lors des réceptions que les soirs où le couple se retrouve en tête-à-tête, en amoureux, pour lire, discuter, écouter de la musique ou juste contempler le spectacle des flammes.

Le salon se pare d’une palette chatoyante que calment le noir et le blanc. Fauteuils vintage Gio Ponti ; table basse Konstantin Grcic pour Galerie Kreo ; sculpture « Totem» vintage Alessandro Mendini ; liseuse Catellani & Smith ; canapé en feutre Christian Ghion ; fauteuil rouge en résine Ron Arad ; tableau lumineux Joris Van De Moortel, Galerie Nathalie Obadia.

Dans chaque pièce, le noir, en aplat ou en touche suggérée, tisse un lien, un fil conducteur, des huisseries à la peinture de certains murs, du marbre de la salle de bains aux pièces de mobilier tel le fauteuil Le Corbusier de la chambre. Il embellit, souligne les couleurs pop du salon, les tissus. Essentiel, il joue le rôle d’exhausteur de goût. Allié majeur pour que les couleurs explosent.

Reportage paru dans le numéro 160 de Résidences Décoration

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