A Lyon, Quai Sarrail, en vis-à-vis du fleuve apaisé, le studio Ph2B de Pierre-Henri Bouchacourt a transfiguré une suite de 250 m2, mariant couleurs et mobilier affirmés avec audace et harmonie. Un fort parti pris.
Par Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos : Aurélie Fernando / DR
Est-ce la proximité de l’InterContinental® Lyon-Hotel Dieu, ancien hôpital dans le quartier de la Tête d’Or, entièrement repensé il y a peu en cinq-étoiles par Jean-Philippe Nuel, qui a donné au propriétaire de ce grand duplex l’idée de le décorer en version hôtel ? Peut-être ! Une chose est certaine : après avoir vécu une décennie dans son appartement style baroque italien, il voulait changer d’horizon intérieur, évoluer dans un environnement plus viril mais chaleureux. Naturellement, il s’est adressé de nouveau à Pierre-Henri Bouchacourt, créateur du Studio Ph2B, qui s’était attelé au premier chantier de ce 500 m2, soit deux lots, acquis au sein d’un très bel hôtel particulier découpé en appartements et au pied duquel coule le Rhône, dans le quartier du sixième arrondissement, le plus chic, le plus prisé, à l’architecture remarquable, admirable.
Craignant malgré tout un changement trop radical de son cadre de vie, le client de Pierre-Henri a souhaité procéder par étapes. Coup d’envoi, les 250 m2 nichés à l’étage, avec une exigence répétée, comme une obsession : concevoir une suite hôtelière de luxe, avec un vaste salon, un dressing, une salle de bains et, attenante, une salle de fitness. Plus qu’une lubie, une réelle envie de vivre une parenthèse, tout à la fois chez soi et ailleurs, en se projetant dans un univers palace design.
Finies donc les envolées de soie Rubelli, le mobilier italien avec dorures et tutti quanti. Adieu le baroque au charme certain mais qui peu à peu lasse. Place aux couleurs, aux textures actuelles, aux matériaux nouveaux, tout en conservant l’esprit XVIIIe des lieux. Une gageure relevée en trois mois de travaux conséquents par l’équipe de Ph2B. « C’était étrange de détruire notre œuvre précédente, mais amusant aussi d’écrire une autre histoire, en utilisant un vocabulaire plus contemporain. » Ils osent les parois coulissantes en verre et en bois qui ouvrent ou cloisonnent les pièces, en adoptant des panneaux japonais pour occulter avec poésie et légèreté les fenêtres qui révèlent le Rhône. Et parient davantage sur le sur-mesure, l’exclusif, le surprenant, travaillant main dans la main avec des artisans et en réorganisant toute la circulation entre les pièces.
« Un des points forts auxquels je tenais ? La moquette. Je la souhaitais unique, traçant comme un chemin d’une pièce à une autre. J’ai songé à des ondulations dessinées dans le sable par la brise. » Galerie B à Paris, qui œuvre beaucoup pour les hôtels, a compris son intention et exécuté sa demande : le modèle est beige clair en 3D, comme une plage que strieraient avec subtilité des sillons peu profonds. De même, l’Atelier du Moulin dans le Puy-de-Dôme a équipé d’abat-jour incroyables les appliques et autres luminaires dessinés par l’architecte, et un menuisier de Lyon a usiné le bois, très présent dans les aménagements sur mesure.
Pour que le propriétaire retrouve malgré tout ses marques, l’architecte décorateur a judicieusement placé quelques-uns de ses anciens meubles, revus au goût du jour, tapissés avec des tissus Dedar, enjolivés d’une teinte plus actuelle qui trônent dans un mini-salon très intimiste. Il a aussi chiné des objets et écumé les galeries avec le propriétaire féru de photographies. « Depuis quelques mois, mon client s’approprie avec plaisir son espace réinventé. Et m’a donné le feu vert pour attaquer les 250 m2 du rez-de-chaussée. J’ai commencé par la cuisine, moins chargée de souvenirs, cassant tous les anciens éléments. Bientôt, peut-être, je métamorphoserai les deux pièces de réception restées dans leur jus, baroque à souhait. »
Art Director
Diplômé de l’école Camondo, Pierre-Henri Bouchacourt a ouvert son agence Ph2B il y a 32 ans à Paris. Il l’a vendue récemment à un grand groupe industriel français de mobilier, dirigeant dorénavant les 32 personnes du studio de création. « Je supervise en quelque sorte l’écriture décorative de la Maison. »
Reportage paru dans le numéro 160 de Résidences Décoration