Excelsior Vittoria : musique maestro !

Depuis 190 ans, à Sorrente, dans le golfe de Naples, face au Vésuve, la famille Fiorentino veille passionnément aux destinées de son cinq-étoiles et sur ses hôtes. Et, de génération en génération, la sixième aux commandes accueille, avec amour, ténors et compositeurs.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

28 avril dernier. Soirée de gala. Sur la terrasse face au volcan et dans les jardins, le soleil en habit de lumière projette ses ultimes rayons, éblouissant les convives que Guido Fiorentino, son épouse Ornella et leurs fils Luca et Peter invitent à pénétrer dans les salons illuminés par les pampilles de cristal. Tulle blanc et noir, soie et satin colorés, froufrous, jupons, fourreaux juchés sur des escarpins guettent les smokings glissant en souliers vernis et furlanes vénitiennes sur le parquet blond roux. L’assemblée, sur son trente-et-un, s’empresse autour des tables dressées sous les fresques du XIXe siècle, entre les colonnes de marbre Vitulano. Les musiciens et chanteurs lyriques du théâtre San Carlo de Naples circulent de convive en convive interprétant les airs les plus populaires du répertoire, clôturant le dîner du chef Antonino Montefusco par le « Libiamo ne’ lieti calici » de La Traviata. Verdi magistral, magique, comme nombre d’événements qui se sont déroulés dans ce Leading Hotel Of the World inauguré en 1834 par Aniello Rispoli.

Suite baptisée Lucio Dalla. Le chanteur y composa Caruso, un immense succès des années 1980. © DR
Admirable escalier dit dérobé à double volute desservant, derrière une porte discrète, tous les étages. © DR
La tentation, même si les mets sont excellents, pantagruéliques, fixer davantage le plafond que son assiette. © DR

En épousant Raffaele Fiorentino, homme d’affaires établi à Sorrente, la fille d’Aniello assura la pérennité de l’hôtel paternel. Un palace à l’italienne, un rien kitsch, un rien too much, ceint de 5 hectares de parc, bordant la Méditerranée, au cœur de la ville où se perpétue l’art de l’accueil, de bien recevoir, de régaler. « Au XIXe siècle, rappelle Guido, notre personnel se concertait avec les majordomes et les gouvernantes de nos clients pour leur concocter des séjours sur mesure, les surprendre. Fidèles, habitués, Oscar Wilde et Richard Wagner, qui acheva ici le livret de Parsifal en 1876, appréciaient le côté avant-gardiste du seul hôtel de Sorrente dont toutes les chambres disposaient d’une salle de bains privée. Un luxe. » 

Empreintes de stars

 L’histoire de ces temps révolus se lit et se dévoile au hasard des galeries mais aussi dans les suites signature, 6 sur les 80 clés, où certaines personnalités ont laissé leur empreinte, comme dans une maison de famille, des suites qui désormais portent leur nom. Dans la Pavarotti, à dominante jaune, où la voix du ténor résonnait parfois sur les terrasses faisant vibrer les murs, une poignée de clous tordus qu’il triturait sur scène pour lui porter chance cohabite avec une photo de la star aux côtés des parents de Guido. Dans la Margaret, plusieurs clichés content les séjours répétés de la jeune sœur d’Élisabeth II. Dans la Caruso, le chanteur napolitain éponyme passa plusieurs mois avant de décéder en août 1921. Lucio Dalla, auteur-compositeur-interprète, y fut hébergé gracieusement par Luca Fiorentino, le père de Guido, en 1984, après le naufrage de son bateau entre Capri et Sorrente. En reconnaissance, inspiré par la vue et l’esprit de la maison, il écrivit « Caruso ». « Là où la mer scintille et souffle fort le vent/ Sur une vieille terrasse devant le golf de Sorrente/ Un homme embrasse une jeune fille… », tube romantique notamment interprété par Andrea Bocelli. Les fans se disputent toujours l’ex -548, rebaptisée du nom du compositeur, disparu en 2012 à Montreux.

Ici, la princesse Margaret oubliait ses amours contrariées, ses démons, chouchoutée par les Fiorentino. © DR

Ainsi s’écrit toujours et encore, semblable à un opéra, une comédie musicale, la légende du presque bicentenaire qui, succombant aux modes et aux standards de sa catégorie, cache dans un pavillon jardinier une pépite appréciée par les actrices en goguette veillant à leur anonymat, le spa Valmont.

Caméra première

Un décor de rêve, un vue à tomber, une histoire romantique, ingrédients parfaits pour que les réalisateurs. En 1972, Billy Wilder tourne Avanti avec Jack Lemmon, une comédie sentimentale. En 1984, Maurizio Ponzi met en scène Sofia Loren dans Qualcosa di Biondo (Aurora). Depuis, l’actrice séjourne régulièrement à l’hôtel, à l’instar de Brian de Palma, Pierce Brosnan ou Barbara Streisand. Un sacré générique inscrit au fil du livre d’or.

Article paru dans le numéro 178 de Résidences Décoration.

Inscription à notre NewsletterInscrivez-vous pour être informé en avant première et recevoir les offres exclusives !