Ephrussi de Rothschild, jardin du monde

Face à la Méditerranée, sur la presqu’île de Saint-Jean–Cap Ferrat, se dresse une immense villa et ses neuf jardins, une folie ouverte au public, qui se visite comme une parenthèse enchantée…

Texte Marie Godfrain

Les créations les plus insensées sont souvent le fruit d’une histoire d’amour… Curieusement, c’est une déception sentimentale qui est à l’origine du jardin Ephrussi de Rothschild, immense paquebot de verdure follement romantique. Béatrice de Rothschild a 19 ans lorsqu’elle épouse Maurice Ephrussi, un ami de ses parents. Leur mariage tourne à la bérézina et leur séparation est prononcée, vingt et un ans plus tard, en 1904. L’année suivante, le père de Béatrice décède, laissant à sa fille une fortune prodigieuse. Elle décide alors de s’investir corps et âme dans la construction d’une villa où elle s’installera dès 1912. Son coup de génie, c’est d’abord d’acheter plusieurs terrains contigus, rocailleux et pentus, sur la bande la plus étroite de la presqu’île de Saint-Jean-Cap-Ferrat, avec une vue incroyable sur la Méditerranée. À l’époque, les grands jardins à l’italienne étaient en vogue chez les fortunés de la Riviera. Mais par leur ampleur et leur diversité, les jardins de la villa Ephrussi de Rothschild représentent un ensemble unique concentrant tout ce qui peut exister comme variétés d’espèces. La baronne considérait ses jardins comme de vastes espaces de réception prolongeant sa villa et n’a cherché à suivre aucune mode.

Le jardin de Sèvres, un jardin à la française orné d’œuvres d’art, vases et autres sculptures en porcelaine. © Shutterstock

En 1934, avant sa mort, Béatrice lègue son domaine à l’Académie des beaux-arts dans l’idée d’ouvrir un musée dans sa villa. Mais elle décède avant la fin de l’aménagement du jardin. Chargé de l’achever, Louis Marchand décide de s’appuyer sur les plans d’origine, mais en y ajoutant les jardins actuels. 

Aujourd’hui, c’est un ensemble paysager monumental qui se dresse face à la terrasse de la villa à la façade rose. D’abord un jardin à la française qui se déploie autour d’un vaste bassin central. Derrière, on plonge dans un jardin provençal en dévers où l’on se perd au milieu des oliviers, des lavandes et des prairies où s’épanouissent les agapanthes. Ici les espèces endémiques foisonnent : romarin, ciste santoline, vipérine, hélichryse, sans oublier les lavandes, au milieu desquelles s’éparpillent quelques ruches. 

La beauté de ce parc réside dans l’unité entre la villa et son jardin, où la porosité est évidente, avec une demeure ouverte sur l’extérieur et des jardins architecturés, bâtis de petites folies… © Shutterstock

Sur l’aile droite, les jardins thématiques se succèdent. Après celui de Sèvres, égayé d’œuvres d’art, celui inspiré par l’Espagne est organisé autour d’un patio couvert et offre une atmosphère orientale avec des chèvrefeuilles, des grenadiers et des papyrus qui bruissent autour des bassins. Le long jardin florentin est le seul vestige du jardin à l’italienne créé lors de la construction, décrypte Pacôme de Gallifet. Composé d’une allée bordée de cyprès centenaires, il est agrémenté d’un escalier en fer à cheval, abritant en son centre une statue néoclassique de Jean-Baptiste Boyet, représentant
« Zéphyr contrariant les amours d’une rose et d’un papillon ».

Le clou du spectacle végétal demeure le jardin à la française, avec son kiosque qui surplombe la cascade, soit une succession de bassins avec sa vue imprenable sur la villa et les collines. © Shutterstock

Il est suivi du jardin lapidaire, où sont exposés bas-reliefs, portiques, gargouilles et linteaux collectionnés par Béatrice de Rotschild. Viennent enfin l’archétypal jardin japonais avec ses incontournables pavillons en bois, pont et bassin à carpes, puis le jardin exotique, où se dressent succulentes et cactées gigantesques. Les floraisons rouges des figuiers de barbarie et érythrines illuminent les mois d’été.

Mais le clou de la visite, c’est la roseraie qui recouvre la pointe de l’éperon rocheux. Chaque année, plus de 160 000 personnes déambulent dans les jardins : les néophytes pour s’émerveiller de leurs multiples couleurs et parfums, et les spécialistes pour apprécier plus spécifiquement leurs 58 plantes emblématiques. 

Reconnaissable à sa façade rose parmi une végétation verdoyante, l’ancienne propriété de la baronne Béatrice de Rothschild est une ode à la beauté. © Shutterstock

Pour prolonger la promenade, les visiteurs sont invités à pousser la porte de l’ancienne salle à manger de Béatrice Ephrussi de Rothschild, transformée en salon de thé-restaurant, dont la terrasse domine la baie de Villefranche. On savoure alors à l’ombre des orangers cette vue sur les eaux scintillantes de la Méditerranée…

Villa Ephrussi de Rotschild
1 avenue Ephrussi de Rothschild
06230 Saint-Jean-Cap-Ferrat
04 93 01 33 09
villa-ephrussi.com

Article paru dans le numéro 176 de Résidences Décoration.

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