Embellir sans trahir : la seconde vie d’une maison de 1907

Afin de préserver le charme de cette maison datant de 1907, dont toutes les pièces dévoilent le parc de Forest, les architectes du cabinet ICI se sont appliqués à conserver structure, matériaux et quelques pièces de mobilier.

Texte Anne-Marie Cattelain Le-Dû / Photos Laurent Brandjas

Lorsque deux architectes d’ICI Architectes, cabinet dont la majorité des projets consiste à adapter le riche patrimoine belge du xxe siècle à la vie contemporaine, découvrent cette maison urbaine, ils restent ébahis. Figée dans un jardin en gradins exposé plein sud, ouvrant sur une petite rue, elle se compose de pièces qui donnent sur le parc de Forest et le bas de la ville. C’est une pépite, dans son jus. Tout ce qu’ils aiment. Ils décident donc de la restaurer pour qu’elle devienne leur résidence principale. « Quelle première impression ! » assure Olivier Goffin, l’un des acquéreurs, devant ses 11 mètres de façade très classique, ses 400 m2 habitables répartis sur trois niveaux et sa hauteur sous plafond !

À TABLE, LES BD ! Des planches de bande dessinée encadrées, signées par des maîtres belges, Monsieur Iou ou Luc Schuiten, rajeunissent le cachet ancien de la salle à manger, avec moulures, porte vitrée, cheminée et parquet d’origine. Consoles La Redoute Intérieurs ; luminaire Rotor DC ; table en chêne clair « Latus » Artisan ; chaises chinées. Au-dessus du radiateur, œuvre de Jacques Lennep. 

« Avouons-le, nous avons été envoûtés. Elle affichait fière allure, même si ses vies antérieures – habitation bourgeoise familiale puis locaux administratifs de l’école voisine – l’avaient quelque peu malmenée. » En réalité, le lino et autres matériaux synthétiques collés sur le parquet, les différentes couches d’enduit, de peinture, posées sur les murs intérieurs et extérieurs, l’avaient certes enlaidie, mais ils ont aussi assuré la conservation des des sols existants, des briques, et même du mobilier fixe, comme les grands placards des chambres.

RECETTE DE BASE : LA RÉCUP. Dans la cuisine, hormis les éléments en bois réalisés par l’entreprise de menuiserie Dubois et Plus, tout provient de chez Rotor DC, spécialiste du recyclage et du reconditionnement : plan en marbre, lampes et même poignées des caissons.
TOTALEMENT CINTRÉE. D’origine, la fenêtre arquée et le sol en granit poncé souligné d’une frise personnalisent la cuisine. Les pieds de la table ont été forgés par un ferronnier. Tabourets de récupération, dont un avec escabeau.

Et puis ce quartier de Forest, près de la place Albert, si vivant, si animé, avec ses bars, ses commerces, ajoutait à son charme. « Restait à libérer du temps sur nos agendas déjà chargés en projets, et à mobiliser des trésors d’imagination, de savoir-faire – mais ça, c’est notre quotidien, notre métier – pour que la demeure reflète nos rêves. » La réussite du projet reposait essentiellement sur l’ouverture de la façade sud, étrangement conçue et restée aveugle pendant plus d’un siècle alors qu’un jardin la longe. Première opération, pour gommer son côté austère : retirer le crépi grossier, libérer les briques de leur carcan afin qu’elles respirent, s’animent et rendent la demeure joyeuse, accueillante, tout en l’inscrivant mieux dans son environnement.

ÉLOGE DE LA SIMPLICITÉ. La salle de bains de la suite parentale joue la carte du mariage du blanc et du bois. Meubles sur mesure Dubois et Plus ; lavabos récupérés et retapés Rotor DC ; baignoire d’angle Villeroy & Boch ; parquet multiplex style plancher à grands panneaux.
RÊVES EN BLANC ET BLEU. Dans la chambre parentale, tout a été restauré avec soin : le parquet en zigzag poncé puis ciré, la cheminée en marbre jaune, le trumeau et les deux placards. Chevet chiné aux puces ; lit, literie et draps La Redoute Intérieurs

Une fois ce gros œuvre achevé, les architectes ont habillé la façade de haut en bas avec de grandes fenêtres pour permettre à la lumière naturelle de pénétrer et d’inonder de clarté toutes les pièces exposées au sud, mais aussi de les réchauffer. Enfin, avec un jardinier, ils ont réhabilité le jardin, totalement négligé par leurs prédécesseurs. Ils s’imaginaient déjà dans ce ruban de verdure bien abrité, profitant du soleil tout au long de la journée, passant de longues soirées d’été le nez tourné vers les étoiles ou conviant leurs amis pour dîner à ciel ouvert. Comme à la campagne, ou presque. 

CHALEUREUX. Le salon s’organise autour du poêle à bois Barbas Bellfires posé en lieu et place de la cheminée, retirée par les ex-propriétaires. Tapis Ikea ; sofa « Jenny » Sits ; table scandinave chinée ; luminaire en cascade Rotor DC. 
LE JARDIN EN TOILE DE FOND. La cuisine a été créée dans une annexe sur l’extérieur. Fenêtres cintrées d’origine. Appliques Rotor DC. Lampe de bureau à étau détournée Jieldé.

Une fois l’extérieur pimpant, l’intérieur se devait d’être à la mesure de cette enveloppe réinventée et permettre à cinq personnes de trouver leurs marques, les cinq chambres à l’étage facilitant la cohabitation. « Nous avons pris le temps de réfléchir à la répartition des pièces, notamment au rez-de-chaussée. L’escalier fiché en plein milieu freinait nos envies de pièces à vivre communicantes. Après quelques hésitations, car nous essayons toujours, dans la mesure du possible, de conserver l’existant, nous l’avons démoli pour ériger dans la partie du vestibule ouvrant sur la porte d’entrée une envolée de marches en bois de mélèze, couleur sable. Avec le menuisier qui nous a accompagnés, enthousiaste, dans cette aventure, nous avons logé des placards en dessous, la hauteur nous l’autorisant. »

ESCALIER NOMADE. L’escalier d’origine a été déplacé, remplacé par un ouvrage en mélèze abritant sous ses marches un meuble sur mesure pour loger les affaires encombrantes. Patères et banc chinés ; luminaires Rotor DC.

Cette nouvelle implantation a libéré, au rez-de-chaussée, la surface nécessaire pour disposer en enfilade cuisine, salle de séjour et salon ; en outre, l’escalier ainsi placé dessert plus logiquement et de façon plus fluide les pièces à l’étage – chambres, salles de bains, bibliothèque, salle de jeu. Désormais plus chaleureux, plus « vivant », le vestibule, avec son beau carrelage fleuri d’origine, ses patères et ses meubles chinés, invite tout un chacun à pénétrer dans la maison, à en prendre possession, à la vivre pleinement.

ENCHANTER LES MURS. La façade sur le jardin a été percée sur toute la hauteur pour profiter de la lumière du sud. L’enduit a été retiré, ce qui a permis de retrouver les briques d’origine. Mobilier outdoor Fermob.

ICI ARCHITECTES

© DR

Amis depuis leurs études à la faculté d’architecture La Cambre Horta et leurs premiers jobs, Olivier Goffin, Loïc Hermant, Aurélie Maes et Jeremy Plateau ont décidé de fonder leur propre cabinet, ICI, en 2010. Ils fonctionnent désormais en binôme sur des projets tant privés, résidentiels, que sur des appels d’offres pour le marché public. Leur intention clairement exprimée : valoriser l’existant, intégrer harmonieusement dans l’environnement les nouvelles constructions, offrir, au-delà de l’esthétique, le cadre le plus agréable et fonctionnel possible pour vivre et travailler.

Reportage paru dans le numéro 166 de Résidences Décoration.

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