Douce escale parisienne pour couple amoureux

Rue Littré, près de la gare Montparnasse, Ingrid Marie, architecte d’intérieur, a enchanté un appartement auparavant sombre et mal agencé. Elle a imaginé, pour ses clients, un écrin plein de charme et facile à vivre.

Par Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Julien Pépy

Après des carrières aussi trépidantes que passionnantes, la retraite arrivant, ce couple de sexagénaires en pleine forme a souhaité partager sa vie entre le Mexique, découvert lors d’un voyage, et leur maison dans la campagne tourangelle. Avec, pour jouir de la capitale et de leurs amis, un pied-à-terre parisien leur permettant de gagner la gare Montparnasse, desservant leur résidence secondaire, sans emprunter les transports en commun. Histoire d’aller et venir sur un coup de tête. Pour trouver le lieu fantasmé, ils engagent un chasseur immobilier ratissant les petites annonces avec pour mission de leur présenter uniquement les biens répondant à toutes leurs attentes. Six mois plus tard, sans visites fastidieuses et vaines, ils signent l’acte d’achat d’un appartement de 75 m2, rue Littré, au deuxième étage d’un immeuble haussmannien jouxtant quasiment la gare. Le plus : un ascenseur privé ouvrant sur leur vestibule, atout bienvenu et sécurisant pour ces collectionneurs possédant de nombreuses œuvres de Sonia Delaunay. Séduits, ils ne se laissent pas arrêter par le manque de lumière, l’improbable distribution des pièces et l’ergonomie inexistante, défauts simples à régler, selon eux, avec un expert. Des proches leur soufflent alors le nom d’Ingrid Marie, architecte d’intérieur. Ils la contactent, lui signifiant, avant une première visite, des délais rigoureux. « J’ai accepté de relever le défi temps et de caser le chantier dans mon planning, confie la décoratrice. Lors de notre première rencontre, conquise par leur gentillesse et l’amour palpable de l’un pour l’autre, je n’ai eu qu’un but : les satisfaire. Pendant trois heures, je les ai écoutés et ai pris des notes. Le brief était simple. Monsieur désirait uniquement combler son épouse. Et cette dernière rêvait d’un lieu très féminin, très cosy, avec une grande pièce à vivre, une mini-cuisine, puisqu’à Paris ils ne déjeunent et dînent qu’au restaurant ou chez des amis. Exigence non négociable de monsieur, même si cela contraignait à attaquer un mur porteur : un passe-plat entre la kitchenette de 4 m2 et leur chambre, pour chaque matin préparer le petit-déjeuner de son épouse et lui servir sur sa table de chevet. Exigence non négociable de madame : une large baignoire îlot pour prendre leur bain chaque soir ensemble en buvant du champagne. Exigence commune : aménager un petit salon avec deux méridiennes en vis-à-vis pour écouter ensemble les oiseaux siffloter dans les arbres avoisinants. Cette histoire romantique d’un appartement de deux personnes qui, quelques années avant de cesser leurs activités professionnelles, ont succombé l’une à l’autre m’a ému. Je ne les ai, en réalité, rencontrés qu’une fois. Ensuite, en raison de leurs nombreux déplacements, nous avons échangé uniquement par visioconférence. »

ADMIRER. Foyer de la cheminée cerné de laiton, pieds des coffee tables chinées, coupole des suspensions « Brass » Gervasoni… ponctuent la pièce à vivre d’éclats aurifères. Table Knoll, chaises Philippe Starck. Œuvres d’art Sonia Delaunay.
ÉCOUTER. Dans le salon, fenêtres ouvertes, entendre le chant des oiseaux confortablement installé sur les méridiennes sur mesure recouvertes de coton bio rose poudré Mondial Tissus. Tapis Toulemonde Bochart, luminaire « Leaves » en métal or et pied en terrazzo de Bolia. Œuvres Sonia Delaunay.
CHOYER. Gros plan sur le passe-plat voulu par monsieur, percé dans un mur porteur entre la kitchenette et la master bedroom pour servir le petit-déjeuner. Meubles réalisés sur mesure. Plateau rond, marbre effet miroir Wadiga sur laredoute.fr, soliflore et coupelle en biscuit porcelaine blanche Le Repère des Belettes.

Concilier l’esthétique et le pratique, en pensant dans les moindres détails la mini-mini-kitchenette et en la parant d’or à l’instar des autres pièces. Un travail d’orfèvre.

RANGER. À chaque objet sa place dans cet espace minuscule habillé de teintes claires. Détail déco chic, les façades des meubles hauts en laiton brossé pour faire écho au manteau de la cheminée du living-room. Dissimulés dans les placards, lave-vaisselle 9 couverts, machine à laver compacte et four encastré Electrolux chez Boulanger.

Ingrid Marie, prenant en compte tous leurs desiderata, dessine un plan redistribuant l’espace. Le grand living-room de 25 m2 communique avec un petit salon de 13 m2, la kitchenette de 4 m2 avec son passe-plat donne directement sur la master bedroom. Et, prolongeant celle-ci, une salle de bains généreuse accueille en son cœur une vaste baignoire îlot. Ingrid Marie suggère aussi, isolés par un jeu de portes-miroirs coulissantes, des toilettes et un espace douche pour monsieur. « L’entente et le dialogue ont été parfaits. Nous nous fixions des rendez-vous hebdomadaires par vidéo. Grâce à ma caméra, ils ont suivi étape par étape l’avancement des travaux, sans stress, en confiance. Nous avons tout réglé à distance, le choix des matériaux, la place des meubles qu’ils possédaient déjà et tenaient à intégrer dans leur petit home, et même l’accrochage des tableaux. Je leur ai proposé des tons de beige légèrement dorés, des ivoires poudrés pour que ma palette s’accorde avec les tableaux très colorés et les mette en valeur. »

REVER. Sur un parquet en chêne clair, mobilier rose poudré et gris nuage. Le grand meuble laqué, dessiné par l’agence MIID, d’Ingrid Marie, file de l’entrée à la chambre, faisant office de dressing et de bibliothèque.

Vitraux et verrières personnalisés remplacent portes et fenêtres pour rendre la circulation de la lumière plus fluide tout en accentuant les références Art déco de l’appartement.

ÉCLAIRER. La verrière est traitée en trois modules qui se plient et se déplient à la demande, pour cloisonner chambre, salle de bain et salon. Une astuce imaginée avec un spécialiste pour créer une impression réaliste de lumière naturelle et donner un vrai cachet à l’ensemble.

Pour faire entrer et circuler, la lumière l’architecte a joué deux cartes, celle des miroirs qui renvoient le moindre éclat, le démultiplie, et celle des vitraux et verrières, ­remplaçant les portes, effectués sur mesure par des vitraillistes. Un moyen d’agrandir, de magnifier l’espace et de le personnaliser.

REFLÉTER. Dans l’espace douche jouxtant la salle de bains principale, miroir fait sur mesure ceint d’une lamelle large de laiton cintrée. Vasque à poser en céramique blanche et robinetterie masalledebain.com. Meuble de rangement sous la vasque dessiné et réalisé sur mesure. Au plafond, spots laiton Nedgis.

Penser la salle de bains comme une pièce essentielle, épurée, où la couleur dorée du métal s’impose une fois encore. Fil rouge, élégant et chaud du projet d’Ingrid Marie.

FÊTER. Chaque jour, sans exception, avant de commencer leur soirée, qu’ils sortent ou restent chez eux, madame et monsieur prennent ensemble leur bain en savourant quelques bulles de champagne Ruinart, brut rosé. Un rite. Sur le sol en ciment ciré, baignoire îlot, robinetterie, radiateur sèche-serviettes, le tout masalledebain.

« Pour créer les vitraux, j’ai repris les codes graphiques des œuvres d’art des propriétaires. Côté salon, j’ai travaillé les coffrages des fenêtres pour cacher les rails des rideaux. J’ai fait restaurer, à l’identique, plâtre et stuc. Et pour répondre à leur envie de passer du temps sur les méridiennes jumelles à lire tout en regardant les arbres, écoutant les oiseaux et de la musique classique, j’ai choisi, pour cette pièce n’ayant pas de vis-à-vis, de poser uniquement des voilages très légers. Puis je me suis souciée du bon état des volets qui équipent chaque fenêtre et peuvent être clos à l’envi. J’ai réellement répondu à chacune de leurs demandes, que j’ai faites miennes. J’ai dessiné le décor de leurs rêves. Les savoir heureux à deux rue Littré me comble de bonheur. »

Ingrid Marie, MIID

Ingrid Marie, diplômée de l’École des beaux-arts de Toulouse, formation équivalente alors à celle de l’école Boulle, a travaillé sept ans dans une agence avant d’ouvrir, en 2013, sa propre structure, MIID (Marie Ingrid Interior Design), à Vincennes. À ses côtés, quatre collaborateurs permanents épaulés, lorsque le planning se charge, par trois intermittents. Spécialisée au départ dans les boutiques et les flagships de haute joaillerie et d’horlogerie de luxe, après le Covid, MIID élargit son champ d’action aux résidences privées. Dernière réalisation, décrochée par concours, une étude notariale parisienne 900 m2.

Article paru dans le numéro 174 de Résidences Décoration.

Inscription à notre NewsletterInscrivez-vous pour être informé en avant première et recevoir les offres exclusives !