Soucieuse de son héritage architectural et artisanal, réserve de biosphère, gardienne de ses sites archéologiques récemment classés par l’Unesco, la plus orientale des îles de l’archipel des Baléares défend son patrimoine. Avec conviction !
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Longtemps Minorque demeura agricole. Elle s’entrouvre au tourisme, encadrée de près par les associations écologistes. Pas question de brader ses demeures, ses palais, dont certains érigés par les Britanniques qui occupèrent l’île au XVIIIe siècle, de vendre ses terres, ses fermes abandonnées parfois depuis des lustres, sans imposer un cadre réglementaire. Le but : préserver ses constructions, ses paysages et son statut de « réserve de biosphère ». Qui achète une propriété ancienne doit, pour la restaurer, obtenir nombre d’autorisations, se soumettre à bien des contraintes. Tel, en campagne, relever ou remplacer les barrières en olivier sauvage, que seuls taillent encore à la main, dans leur atelier à Es Mercadal les Gomila, père et fils, 95 et 72 ans. Remettre d’équerre les murets de pierres sèches érigés sans mortier délimitant les parcelles, brisant le souffle dévastateur du mistral et de la tramontane. Un art de l’assemblage, classé lui aussi au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, qui s’expose sur 11 000 kilomètres, rythme les champs comme les barraca de bestiar, sortes de mini-Mont-Saint Michel où les moutons trouvent refuge.
Les Minorquins, viscéralement attachés à leur rocher escarpé, se battent pour sauvegarder ses particularités. Cet acharnement, cette authenticité, ont incité Ursula Hauser et Iwan Wirth à implanter, en 2021, leur centre d’art sur l’Isla del Rey à Mahon, port capitale, avant Paris et après Zurich, New York, Londres, Los Angeles, Hong Kong.
C’est l’émotion que suscitent ces bâtiments ruinés qui a décidé la famille Madera à inaugurer, à 15 minutes de Ciutadella, Son Vell, premier hôtel de sa collection Vestige. Au bout d’un chemin étroit où des panneaux de signalisation rouillés indiquent la possible présence d’ovins et de bovins, la villa palladienne du XVIIIe siècle se livre entre cactus et palmiers à quelques minutes à pied d’une crique turquoise. Incongrue presque, avec ses aigles sculptés sur la façade au cœur d’un domaine agricole dont les origines dateraient du XIVe siècle. Mère et filles Madera, Marta jouant les porte-parole, chinent avec leur équipe des pièces vintage, accrochant des œuvres d’art contemporaines, ici celles d’Ana Paul, artiste espagnole, commandant mobilier et objets aux artisans locaux, dont de beaux grès et céramiques à Marc Marcet, diplômé en arts plastiques et design en céramique artistique, qu’il tourne et cuit avec sa compagne Cristina dans leur atelier-boutique de Ferreries. Toutes et tous respectueux de ce confetti de 700 km2 flottant en Méditerranée.
Article paru dans le numéro 176 de Résidences Décoration.