Des vagues marines de l’Atlantique à l’émeraude des eaux méditerranéennes, ce littoral longtemps délaissé, prend désormais des allures de riviera. Trois escales, trois hôtels.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû
Tanger, l’impertinente
Tanger, excroissance rocheuse pointant ses côtes entre deux mers, devint au xixe siècle une ville turbulente où les aventuriers, les artistes, notamment les orientalistes, s’installèrent, appréciant tout autant le soleil que le souffle accouru de la mer, la population accueillante et les paradis artificiels. Alors, Tanger se para de villas Art déco, de jardins, de lieux festifs. Puis conserva ses charmes, même si un temps ses bâtiments Art déco et sa médina affichèrent grise mine. Peu à peu les immeubles du début du xxe siècle redressent la tête, devenant hôtel, maison d’hôtes, galerie, concept-store. La médina restaurée offre un cadre de vie agréable. Qui flemmarde, savoure au hasard des ruelles éclaboussées de blanc, les bleus crus et les oranges vifs de Matisse, le goût d’Un thé au Sahara de Paul Bowles, la troublante subversion d’Hécate et ses chiens de Paul Morand.


La Villa Mabrouka : la chance côté océan
En 1997, le couturier Yves Saint Laurent et Pierre Bergé achètent la Villa Mabrouka datant de 1930 et confient à Jacques Grange sa décoration. L’an dernier, la Villa acquise et mise en scène par Jasper Conran, designer britannique, est devenue boutique-hôtel : « Mon objectif, explique Jasper, conserver la magie de la maison et de ses jardins. » Un sans-faute avec ses échappées sur le large, ses 12 suites et chambres portant le nom d’une ville marocaine, son service et son offre épicurienne. Coup de cœur pour la suite Essaouira en terrasse avec son salon vitré, sa cheminée, ses vues de l’océan aux jardins.

Tamuda Bay, la balnéaire
À une heure de Tanger, longeant le plus grand port de commerce d’Afrique, la plage se mérite, ou plutôt les plages, 35 kilomètres de sable percés de petits ports fleurant bon les sardines grillées. Un rivage délaissé jusqu’au début des années 2000, qui s’enflamma, en 2016, avec la construction des premiers hôtels de luxe comblant les touristes. Ici, la vie se déroule sans heurts, au rythme des petites marées, des sorties en mer, du snorkeling, des plongées, des guinguettes sans chichis et, pour les plus curieux, d’escapades à Chefchaouen, ville bleue dans les contreforts du Rif et à Tétouan l’andalouse.

Royal Mansour, Tamuda Bay : service premium
Labellisé Leading Hotels of the World, ce resort de 55 clés est une pépite luxueuse et décontractée. Le rêve pour une parenthèse vacancière. Rien ne manque, ni pour les petits, avec un kids club épatant, ni pour les grands, entre les trois tables de chefs étoilés, et le médispa de 4 300 m2 avec carte de soins et cures anti-âge, détox, pilotées par des médecins. Ce qui enchante le plus dans ce décor signé du studio londonien Muza Lab : la gentillesse et la spontanéité d’une équipe souriante.


Larache, la nostalgique
La ville longtemps espagnole, baptisée sous l’Antiquité « Lixus », dont un site et un musée conservent quelques vestiges, ravit qui aime les marins, les histoires chuchotées, les chemins de traverse, entre le port très actif au petit matin, les hôtels particuliers andalous à la beauté fripée, les riads marocains fatigués, le marché couvert, la place de la Libération avec son café vendant en douce des flacons d’alcool et sa pharmacie dite populaire. Mais encore, comme dans un inventaire à la Prévert, sa médina dégringolant vers le rivage, son musée dans un palais du xiiie siècle. Et le plaisir de partager sur une table en formica, un bar grillé en relisant Un chant d’amour, l’un des six poèmes en vers de Jean Genet, enterré à quelques pas.

La Fiermontina Ocean : solidairement vôtre
Soutenir les villages alentour, former leurs habitants, les employer pour freiner le départ des hommes, tel a été le but d’Antonia Filali, présidente de la Fondation Orient-Occident de Rabat, en construisant à flanc de colline, face au soleil couchant, ce cinq-étoiles minimaliste de 14 villas avec piscine privée, quatre maisons au cœur de Dchier, douar de 55 familles, et un spa. Un séjour aussi bénéfique au corps qu’à l’âme, à quinze minutes de Larache.


Haltes culturelles
À Tanger : Les Insolites, librairie-galerie ouverte par Stéphanie Gaou. Entre dédicaces, conversations, expositions et bien sûr, rayonnages où enfants et adultes peuvent piocher un ouvrage captivant.
À Tamuda Bay : Tétouanà 15 kilomètres, visiter la médina du xve siècle classée à l’Unesco et le musée de Bab El Oqla dans une maison tétouanaise.
À Larache : Le cimetière espagnol,face à la mer, où parmi les herbes folles, émergent les tombes blanches. Discrète se cache celle de Jean Genet, écrivain poète français. Après avoir habité dans les années 1970 à Tanger puis à Larache, l’auteur des Bonnes rentra en France. À sa mort, en avril 1986, son corps fut rapatrié et enterré ici.
S’informer auprès de l’ONMT, www.visitmorocco.com/fr
Article paru dans le numéro 180 de RD – Résidences Décoration.