Design parade : le beau pour tous

C’est dans le Var, à Toulon et Hyères, que le design prend ses quartiers d’été grâce à l’action de la Villa Noailles qui organise tous les ans le festival Design Parade… Un événement pointu et populaire où les visiteurs sont invités à pousser (gratuitement) la porte de monuments historiques.

Texte Marie Godfrain

Il y a cent ans, Marie-Laure et Charles de Noailles faisaient construire sur les hauteurs d’Hyères, dans le Var, une villa qui allait devenir un cluster de créateurs. Un lieu où designers et artistes trouveraient refuge pour voir leur art s’épanouir. Un siècle plus tard, devenu la « Villa Noailles », ce centre d’art est toujours aussi prescripteur et multiplie les expositions dans et hors les murs. Pour démarrer la visite, rendez-vous dans l’ancienne piscine de la villa, où le président du jury de Design Parade Hyères, Fabien Cappello, a imaginé une installation de mobilier très colorée, faite de mobilier de seconde main que le designer français établi au Mexique a fait recouvrir de tissu de siège de bus et métro, ultra-résistant, dont il a dessiné les motifs. Une proposition immersive qui se déroule ensuite dans le « sautoir », où le visiteur est happé par ses immenses all-over qui déstabilisent le regard et troublent les sens. La visite se poursuit jusque dans les moindres recoins de la demeure moderniste, paquebot avec vue sur la mer scintillant au loin, associant design historique (la sublime chambre d’amis dessinée en 1925-26 par Sybold van Ravesteyn reconstituée à l’identique cent ans plus tard), figures contemporaines (les peintures de Nathalie Du Pasquier qui ornent une salle et plusieurs couloirs de la maison) et jeunes designers tout juste sortis de l’école. Puisque c’est aussi la mission de la Villa Noailles : être un tremplin pour la jeune génération à travers un concours où dix finalistes proposent leur création au jury. Celui-ci a primé cette année le duo Sacha Parent et Valentine Tiraboschi, qui ont imaginé une technique de sculpture. Elles ont conçu des grilles à travers lesquelles peut passer du sable qui se déverse sur des supports en plâtre qui sont ensuite moulés pour devenir des chapiteaux, des cadres et autres objets à la beauté poétique. Les deux artistes remportent plusieurs prix et notamment un an de résidence à la manufacture de porcelaine de Sèvres et au Cirva, à Marseille, dédié au travail du verre.

« À l’ombre de l’empire », l’installation politico-politique de Yassine Ben Abdallah, lauréat de l’année dernière. © DR

Une année de résidence que Yassine Ben Abdallah, grand prix de l’année dernière, a mise à profit pour son exposition « À l’ombre de l’empire », où il a travaillé sur des symboles de l’île de la Réunion, par exemple la bouteille de rhum, et raconte, à travers son installation à première vue séduisante, un pan de l’histoire de l’esclavage.

L’architecte d’intérieur Marion Mailaender, présidente de Design Parade Toulon dans sa « Résidence vue mer ». © Olivier Amsellem

C’est un sujet plus léger qu’a traité l’architecte d’intérieur Marion Mailaender. Présidente du huitième festival d’architecture intérieure Design Parade Toulon, elle a investi le premier étage de l’ancien évêché de la préfecture varoise avec sa « Résidence vue mer », où elle explore cette culture populaire de la résidence balnéaire avec finesse et une vision singulière. À la frontière entre kitsch (le lustre en verres de lunettes de soleil), le travail de haute facture (le boutis de lit par Lesage Intérieurs), la curation d’art contemporain (les œuvres de Théo Mercier) et le décalage assumé (le barbecue sur mesure dont les grilles ont été redessinées par Marion et fabriquées par l’atelier François Pouenat), cet appartement-manifeste fourmille de détails…

Remix, l’exposition proposée par le Mobilier national à l’Hôtel des arts de Toulon, fait dialoguer mobilier statutaire et jeunes créateurs. © Luc Bertrand

Après avoir visité les pièces des dix finalistes (dont l’étonnant salon en placoplâtre du lauréat Willie Morlon), le parcours s’achève à l’Hôtel des arts, où le Mobilier national propose Remix, une série de meubles déclassés des collections publiques qui ont été revisités par des designers contemporains. Un travail d’upcycling scénographié par Paul Bonlarron où l’on retrouve en vrac une applique ancienne associée à un néon, un paravent gainé de cuir ou une lampe transformée en œuvre d’art textile par Sheila Hicks. Une œuvre d’art totale, qui fait le pont entre histoire et futur des arts décoratifs, comme un réjouissant résumé de ce festival multiple et généreux.

Fabien Cappello a investi l’ancienne piscine de la Villa Noailles, à Hyères, avec un aménagement aux couleurs tonitruantes. © Luc Bertrand

Article paru dans le numéro 177 de Résidences Décoration.

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