Dans un presbytère montmartrois

En haut de la Butte, au fond d’un jardin de curé, cette demeure vendue par l’évêché, agrandie et métamorphosée par l’architecte Camille Hermand, s’égaie désormais de rires d’enfants et de moments de partage conviviaux. Histoire d’une maison de famille, avec Paris en vis-à-vis.

Par Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos : Agathe Tissier

Qui sait que beaucoup d’immeubles de la butte Montmartre appartiennent à l’Église ? C’est un secret encore bien gardé. Après la construction de la basilique du Sacré-Cœur, à la fin du XIXe siècle, beaucoup de congrégations, de communautés religieuses et d’associations caritatives s’installent à ses abords. Selon leurs moyens financiers, ces instances prennent possession d’hôtels particuliers, d’immeubles, d’appartements… plus ou moins proches de l’impressionnant édifice. Depuis une vingtaine d’années, la crise des vocations et le déclin de la religion catholique contraignent parfois l’évêché et la paroisse à se dessaisir de biens inoccupés. Ainsi, ce presbytère désaffecté s’est retrouvé un jour sur le marché immobilier à un prix peu chrétien – entendez très élevé.

Traversante, lumineuse, dotée d’un dressing et d’une salle de bains en annexe, la master room ose quelques touches bohèmes. Linge de lit et coussins Caravane ; suspension Ferm Living ; objets personnels.

Avant de confier cette demeure à un agent immobilier, un architecte bordelais délégué par l’évêché l’a « curée » : il l’a vidée, a abattu les cloisons et a revu le plan de circulation pour qu’une fois son passé gommé, elle semble plus accessible et aménageable selon les envies de chacun.

La vasque posée sur un meuble de rangement industriel chiné est surmontée par des placards que dissimulent des miroirs. Robinetterie française Horus ; carreaux de ciment Mosaic Factory.

Compte tenu de la somme demandée, la maison, malgré ses charmes et son jardin, a mis un certain temps à trouver acquéreur. Jusqu’à ce qu’une famille d’artistes montmartrois attachés au quartier, qui cherchait, après la naissance de deux enfants, une surface plus conséquente, soit séduite par son emplacement et sa verdure et parvienne à la négocier.

Accrochés à la colline, épousant la pente de la Butte, plantes et arbres donnent aux lieux un air de campagne, une respiration et une réelle sérénité.

« Dans son logement précédent, raconte Camille Hermand, le couple avait pesté contre le bruit et les désagréments divers du chantier de remise en état d’une bâtisse qui jouxtait la leur. Tous deux avaient à plusieurs reprises échangé avec moi, car je gérais les travaux. Au moment d’acheter l’ancien presbytère, ils ont retrouvé mes coordonnées et m’ont contactée en m’avouant avoir apprécié, malgré la gêne occasionnée involontairement, ma façon de coordonner les différents corps de métier et de suivre de très près l’avancement des étapes successives. Leur proposition de réinventer ce lieu au passé intéressant m’a enthousiasmée, m’a stimulée. Et puis j’avoue être très sensible à l’esprit village de Montmartre. J’ai donc décidé de les accompagner dans cette aventure. »

La cuisine cultive un air vintage avec les parements de briques, les carreaux de ciment Mosaic Factory et le piano de cuisson Lacanche. Lampe chinée sur le site de brocante Selency ; stores sur mesure de la tapissière Sophie Masson.

Après plusieurs visites avec eux, l’architecte leur a proposé trois changements essentiels selon elle avant d’attaquer la décoration à proprement parler. Le bien étant constitué d’un bâtiment ancien et d’une aile plus moderne, elle souhaitait, pour les harmoniser, installer un très bel escalier sur deux niveaux. Ensuite, pour bénéficier à la fois de la lumière et de la végétation, elle envisageait de transformer en verrière mordant largement sur la cour l’un des murs du salon, éclairé juste par de minuscules fenêtres.

Dans le salon comme un jardin d’hiver trônent une enfilade Ethnicraft et un canapé Ligne Roset, que surplombe un luminaire Serge Mouille (réédition) ; chaises africaines et banc d’écolier chinés ; table basse années 1960 Paolo Piva ; tapis La Maison Pigalle ; sous la verrière, suspensions Forestier.

Enfin, elle voulait revoir la circulation imaginée par l’architecte bordelais afin de la fluidifier, la rendre plus logique, notamment au rez-de-chaussée, où se trouvent les pièces à vivre. Aval obtenu, Camille Hermand s’est attaquée à la métamorphose en s’entourant d’une équipe d’artisans hors pair pour réaliser un escalier débillardé identique à ceux que l’on trouve dans les vieux immeubles parisiens, qui s’enroule en spirale autour d’un poteau central avec une main courante en bois cintrée, sculptée, esthétique et douce sous la paume.

Vinyles et BD sont bien rangés dans la bibliothèque créée sur mesure par Camille Hermand. Peinture « Hague Blue » Farrow & Ball. En arrière-plan, l’escalier s’esquisse.

C’est aujourd’hui la pièce maîtresse d’un joli intérieur dorénavant paré de touches de bleu, de jaune, de rose, qui répondent au caléidoscope en déclinaison de verts du jardin, dont la déclivité colle à la topographie de Montmartre, montagnette pentue snobant la tour Eiffel, fine silhouette se profilant à l’horizon.

Dans le bureau de Monsieur, véritable panthéon dédié au groupe américain Metallica, un canapé La Maison Convertible se mue si besoin en lit très confortable. Lampe Jieldé.

Article paru dans le numéro 162 de Résidences Décoration.

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